Quels produits immobiliers pour résister à l’évolution du marché?
La remontée des taux d’intérêt menace de freiner l’évolution de la valeur de l’immobilier. Le candidat investisseur doit plus que jamais se livrer à une réflexion approfondie: quels sont les produits immobiliers les plus résistants à l’évolution du marché?
Imaginons que votre maison ou appartement soit une action cotée en Bourse, assortie de cours d’ouverture et de clôture quotidiens. Comment sa valeur réagirait-elle à une hausse des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne? Une perte de 10.000 euros d’un jour à l’autre vous empêcherait-elle de dormir?
Les propriétaires et les investisseurs dans la brique physique n’attendent pas une appréciation continue de leur bien. La tranquillité d’esprit qu’offre l’investissement immobilier vient justement, du moins en partie, de l’absence d’informations régulières et précises sur les prix: quelle importance de toute façon, si l’on ne compte pas vendre dans les 10 ans? Pour celui ou celle qui envisage d’investir sous peu dans l’immobilier, en revanche, mieux vaut connaître l’orientation du marché. Et savoir s’il n’est pas surévalué.
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D’après certains observateurs, le marché résidentiel belge aurait atteint un point de basculement. Après une très longue période d’appréciation ininterrompue, on a brièvement craint en 2020 que la crise sanitaire ne le paralyse. Mais les ventes se sont au contraire accélérées. Il était toutefois inscrit dans les astres qu’après cette ruée, le marché se calmerait un peu en 2022. Le phénomène pourrait-il durer?
Période exceptionnelle
“Nous sortons d’une période exceptionnelle de quatre à cinq ans durant laquelle les taux d’intérêt réels ont été négatifs, répond Philippe Janssens, fondateur et associé du cabinet de conseil en immobilier Stadim. Cela signifie que l’inflation leur a été supérieure. Comme l’immobilier protège généralement de l’inflation, il s’est évidemment agi d’une situation très favorable. Ce raisonnement a incité énormément de gens à investir.” L’idylle semble toutefois toucher à sa fin. “L’évolution de l’indice santé ralentit sérieusement depuis quelques mois, alors que les taux d’intérêt continuent de grimper”, poursuit Philippe Janssens.
La demande commence à diminuer et les promoteurs sont contraints de mettre certains projets en attente.
Exit, donc, les taux réels négatifs. Ce qui, sans être dramatique, ralentit le marché. “Des vents contraires se lèvent, et l’on peut déjà en voir les effets sur le marché de la construction neuve, continue l’expert. La demande commence à diminuer et les promoteurs sont contraints de mettre certains projets en attente.” La hausse des taux d’intérêt (réels) n’est pas non plus un facteur d’appréciation. Philippe Janssens distingue des similitudes avec la crise immobilière de la fin des années 1970 et du début des années 1980. “En 1979, l’euphorie est soudainement retombée. Très brutale, la chute a duré jusqu’en 1983. Pendant cette période, les prix ont baissé de 10%. Ce n’est pas catastrophique à première vue mais compte tenu de l’inflation, l’immobilier a perdu plus de 30% de sa valeur.”
Stabilisation du résidentiel
Philippe Janssens envisage aujourd’hui davantage un scénario de stabilisation des prix de l’immobilier résidentiel au cours des cinq années qui viennent. “Ce qui, avec l’inflation, pourrait suffire à compenser la surcote de 10% à 15% évoquée par certains observateurs”, calcule-t-il.
Un des plus grands risques, pour le petit investisseur, est d’avoir affaire à des copropriétaires qui ont vieilli avec l’immeuble.
Le choix de la qualité devient dès lors plus important encore, estime Philippe Janssens. “Je parle de la qualité sous toutes ses facettes: emplacement, qualité du bâtiment, qualité énergétique, etc. Loin de s’arrêter à l’état actuel du bien, il faut essayer d’imaginer comment il vieillira. Un des plus grands risques, pour le petit investisseur, est d’avoir affaire à des copropriétaires qui ont vieilli avec l’immeuble: il n’est pas rare qu’ils rechignent à consentir les investissements nécessaires.”
Investissement prudent et durable
Spécialiste en stratégie immobilière chez KBC Private Banking, Wouter Vermeyen estime lui aussi que le climat, pour les investissements immobiliers, s’est plutôt détérioré cette année. “En Flandre, les droits d’enregistrement dus à l’achat d’un deuxième bien résidentiel sont passés de 10% à 12%, explique-t-il. De 1,5% au début de l’année, les taux des crédits hypothécaires ont aujourd’hui largement passé la barre des 3,5%. Cela pèse inévitablement sur l’activité. La question est de savoir combien de temps encore l’augmentation va durer, et à quel niveau les taux vont se stabiliser.” Wouter Vermeyen évoque d’autres risques encore, comme celui d’une possible réforme de la fiscalité des loyers. Avec son influence sur les prix des matériaux de construction, la guerre en Ukraine est également un facteur d’incertitudes.
Il convient de faire taire tout aspect émotionnel.
Les candidats à l’investissement ont donc intérêt à se montrer extrêmement prudents, avertit Wouter Vermeyen: “Pour un investissement immobilier, nous avons toujours conseillé à nos clients de disposer d’un horizon de 10 ans au minimum: nous parlons aujourd’hui de 12 ans”. Et, plus encore qu’auparavant, la réflexion est de mise. “Il convient, en d’autres termes, de faire taire tout aspect émotionnel, déclare Wouter Vermeyen. Tenez compte des paramètres objectifs et confrontez-les au marché. Parce que certains des biens proposés aujourd’hui ont un prix au mètre carré tellement élevé qu’ils ne pourront jamais être revendus avec plus-value. Il est essentiel d’identifier les facteurs qui en déterminent la valeur. Il y a quelques années, j’aurais dit sans hésiter qu’il s’agissait de l’emplacement, le critère qui a de tout temps prévalu dans le secteur. Aujourd’hui, pour nous, l’aspect durable a pris le dessus. Nous constatons déjà que les PEB C, D et, pire encore, E et F, ne trouvent plus acquéreur au prix demandé. Les propriétés situées en zone inondable ont le même problème ; elles sont devenues plus difficiles à vendre et à louer, ce qui obère leur valeur à long terme. Cette prise de conscience est évidemment due aux inondations de l’été 2021 en Wallonie et dans certaines parties du Limbourg et du Brabant flamand.”
Résidentiel ou professionnel?
Outre les aspects développement durable et emplacement, Wouter Vermeyen évoque un troisième facteur: le type de bien ou le segment considéré. “L’immobilier résidentiel – appartement ou maison unifamiliale – reste en tête de liste, surtout quand l’investisseur fait ses premiers pas sur le marché. Il s’agit d’un segment assez transparent, dominé par les transactions entre particuliers. Sur le marché non résidentiel, le candidat aura affaire à des intervenants professionnels. Cela signifie qu’il doit bien s’entourer, ou très bien s’y connaître.”
Dans le segment professionnel, les unités accueillant de petites et moyennes entreprises et les magasins situés le long d’axes routiers importants sont des solutions intéressantes, suggère Wouter Vermeyen. Mais ce dernier fait preuve de moins d’enthousiasme à l’égard des commerces de détail situés en ville: “la vacance, dans les rues commerçantes, est importante, et ne cesse d’augmenter. Investir dans un immeuble commercial, même durable et même bien situé, n’est donc pas totalement dénué de risques”.
Gare à la vacance
“Nul ne sait comment le commerce de détail en ville va évoluer, renchérit Philippe Janssens. L’investisseur particulier est en outre à la merci de facteurs sur lesquels il n’a aucune prise – la construction d’une zone commerciale à la périphérie, qui nuirait à l’activité intra-muros, par exemple. De surcroît, la vacance encourage la vacance, car c’est la présence de magasins qui en attire d’autres.”
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Les biens exploités sont à fuir comme la peste, estiment Philippe Janssens et Wouter Vermeyen. “Maisons de repos, résidences-services, chambres d’hôtel…: n’y pensez même pas, prévient le premier. Ce type d’investissement est totalement tributaire de l’exploitation et l’investisseur n’a pas son mot à dire. Si vous croyez en l’avenir de l’immobilier de santé, mieux vaut acquérir des actions d’acteurs professionnels et spécialisés comme Aedifica, Care Property Invest ou Cofinimmo.”
Oubliez les parkings
Wouter Vermeyen ne considère pas d’un meilleur oeil les parkings, dont un changement de politique de mobilité de la ville peut faire s’effondrer le chiffre d’affaires. “Bruxelles et Gand en sont des exemples récents. Sans compter que les exploitants doivent supporter de lourds investissements, pour l’automatisation et l’installation de bornes de recharge électrique, par exemple. Tout cela pèse sur le rendement.”
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