Michel Van Geyte, CEO de Nextensa: “Il est temps d’avoir un portefeuille plus durable”
Six mois après la fusion entre Extensa et Leasinvest, la feuille de route de Nextensa est désormais tracée. Elle se veut ambitieuse même si quelques inconnues subsistent. Une certitude: le portefeuille de bureaux va être nettoyé et devenir bien plus durable. Côté résidentiel, 1.800 appartements sont dans le pipeline.
Dans deux mois, il s’installera avec ses équipes au coeur de la Gare maritime. La magnifique transformation de cette immense ancienne gare de fret (280 sur 140 mètres) en un espace de travail, loisirs et détente. Pour l’heure, il reçoit dans la Maison de la Poste, à quelques mètres de là. De quoi également suivre de près l’un des plus impressionnants chantiers bruxellois, à savoir la reconversion du site de Tour & Taxis. Les premiers logements viennent d’accueillir leurs résidents, alors que des ouvriers finalisent les derniers travaux de la première phase. Les 319 appartements sont déjà vendus. La commercialisation de la seconde phase, du même acabit (346 unités), sera lancée au printemps. L’aménagement d’un parc de neuf hectares suivra.
Nous allons passer à l’offensive.”
Michel Van Geyte
Michel Van Geyte, 55 ans, CEO de la SIR spécialisée en bureau et retail Leasinvest depuis 2018, a embrassé la même fonction à l’automne dernier au sein de Nextensa, nouvelle entité née de la fusion avec le développeur immobilier Extensa. Un souhait de leur actionnaire commun, le groupe Ackermans & van Haaren. Si à cause du télétravail, ce mariage de raison n’a pas encore donné la pleine mesure de ses ambitions, ces deux acteurs immobiliers semblent posséder les ingrédients pour se nourrir l’un l’autre. “Ce rapprochement entre un investisseur et un développeur est clairement une nouvelle tendance dans le milieu immobilier, pointe Michel Van Geyte. Il permet de combiner les revenus locatifs récurrents des investissements immobiliers et le potentiel de valeur ajoutée des activités de développement. Cette fusion va aussi permettre d’accélérer nos développements et notre agilité. Le statut de SIR n’était pas compatible avec ce positionnement.”
Nextensa est désormais actif sur trois segments (bureau, résidentiel et retail) dans trois pays (Belgique, Luxembourg et Autriche). Il combine des développements ambitieux (Tour & Taxis et Cloche d’Or à Luxembourg) mais un pipeline de projets à sec du côté d’Extensa, avec un portefeuille retail et bureau quelque peu poussiéreux chez Leasinvest. Deux cultures de travail à redynamiser donc. Au total, la valeur du portefeuille d’investissement s’élève à 1,4 milliard alors que celui dédié au développement est de 300 millions (170.000 m2 à Bruxelles et 157.000 m2 à Luxembourg). “Un de nos objectifs est notamment de garder un cash-flow suffisant de manière à pouvoir octroyer un dividende intéressant (2,5 euros pour 2021) et s’engager dans une croissance continue, fait remarquer Michel Van Geyte lorsqu’il évoque les perspectives de son groupe coté en Bourse. Le rendement actuel est de 3,2% par action. Ce cash-flow est constitué par le portefeuille de Leasinvest complété par la Gare maritime et les bâtiments de Tour & Taxis. Nous allons toutefois vendre plusieurs bâtiments de bureaux. On vient par exemple de se séparer d’un immeuble situé à Luxembourg, pour 50 millions d’euros et un rendement de 3,75%. D’autres vont suivre. L’objectif est de nettoyer et de rafraîchir le portefeuille et de le rendre plus durable. Les immeubles de bureaux que nous construisons actuellement sont sustainable. Nous les garderons donc en portefeuille.”
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Vers la création d’un fonds résidentiel
Sur le plan résidentiel, Nextensa possède donc deux fers de lance avec Tour & Taxis et la Cloche d’Or à Luxembourg. Soit près de 1.800 appartements à sortir de terre. Les ambitions se sont concentrées sur ces dossiers ces dernières années, ce qui fait qu’aucun autre développement n’est dans les cartons. Un vrai problème. De quoi s’interroger aujourd’hui sur l’opportunité de monter un fonds résidentiel, de manière à augmenter la part de résidentiel du portefeuille. “Les appartements se vendent très bien à Bruxelles, explique-t-il. La commercialisation devrait être terminée dans deux ans. Le succès est aussi au rendez-vous à la Cloche d’Or, tant pour les appartements que les bureaux, des actifs qui sont de véritables machines à cash. Cela nous donne maintenant la possibilité de chercher de nouveaux sites qui nous permettront d’appliquer les connaissances techniques acquises en matière de durabilité dans d’autres projets urbains. Nous allons passer à l’offensive.”
Les blocs d’appartements qui vont sortir de terre séduisent en tout cas les investisseurs institutionnels, à l’affût actuellement du moindre projet résidentiel. De quoi faire quelque peu réfléchir Michel Van Geyte… “On y pense clairement d’autant que nous avons reçu une offre de Patrizia pour acheter les 350 appartements de la seconde phase, avoue-t-il. La vente en bloc rapporte moins mais facilite le travail. Reste que Tour & Taxis est un site particulier. Il faudra encore trois ou quatre années pour que tous les développements prennent leur pleine mesure. Le rendement de la Gare maritime n’est par exemple pas encore optimal, le volet retail doit être analysé. Si on additionne les 1.000 personnes qui habiteront sur le site, les 2.000 qui y travaillent sans oublier les visiteurs extérieurs, le potentiel est présent. Mais il faut encore patienter un peu pour que le site tourne à plein régime. J’ai toutefois l’impression que vendre en bloc les appartements ne permettrait pas d’atteindre notre objectif de faire de Tour & Taxis un quartier vivant. Un fonds d’investissement n’a pas du tout les mêmes ambitions. Il serait dommage de gâcher le travail exceptionnel effectué depuis tant d’années par Kris Verhellen et ses équipes (l’ex-CEO d’Extensa, Ndlr) alors que l’on touche au but. Un bloc d’appartements sera peut-être vendu, mais pas l’ensemble.”
Réduire la taille des appartements n’est pas une solution acceptable pour diminuer les prix.
Nextensa entend en tout cas faire de Tour & Taxis le nouveau vaisseau amiral de sa stratégie, mêlant qualité architecturale, durabilité et volet sociétal. “Les Bruxellois ne réalisent pas encore bien l’ampleur de la réaffectation que nous sommes en train de réaliser ici, regrette Michel Van Geyte. C’est exceptionnel. La communication doit être améliorée sur le sujet. D’autant plus que nous allons commencer en 2025 la construction du plus grand projet résidentiel du groupe, avec le Lake Side, situé juste à côté de Tour & Taxis. Ce sera aussi l’un des plus grands projets bruxellois: plus de 1.000 appartements (65.000 m2), avec notamment deux tours qui seront aussi hautes qu’Upsite. Nous sommes en attente du permis. Cinq architectes ont été désignés: deux Danois et trois Anversois.”
La ville à cinq minutes de Tour & Taxis
S’il excelle en matière de bureau, son terrain de prédilection depuis 20 ans, Michel Van Geyte est également un observateur avisé de l’évolution du marché résidentiel. Et notamment des difficultés de rencontrer les besoins en matière de logement abordable. “La Région de Bruxelles-Capitale nous oblige à construire 30% de logements conventionnés dans le cadre du projet Park Lane à Tour & Taxis. Ils seront vendus à des prix plus bas. Ce qui permet d’accueillir des jeunes et des petites familles. Il s’agit d’une piste intéressante, même si ce n’est pas vraiment l’avis de mes actionnaires (sourire). Pour la phase I, il y a 50% d’habitants et 50% d’investisseurs. Sur le plan commercial, notre seule difficulté a été d’écouler les appartements de quatre chambres, qui sont destinés aux familles. Je pense qu’il faudra patienter jusqu’au moment de la création du parc pour qu’elles soient intéressées de venir y vivre.”
Les différentes menaces qui pèsent sur l’immobilier bruxellois, que ce soit le blocage de l’indexation des loyers voire une possible réforme fiscale, ne sont en tout cas pas de nature à le rassurer. “Avoir davantage de logements abordables n’est pas envisageable avec les pistes que souhaite mettre en place le gouvernement bruxellois. Instaurer un plafond sur les loyers est une hérésie. On l’a vu à Berlin. Ce n’est pas sain. Je ne pense pas que ce soit une bonne piste pour renforcer les investissements dans une ville. Le privé doit être considéré comme un partenaire dans la construction urbaine. La solution est de construire davantage. Mais il faut se rendre compte que toute une partie de la population bruxelloise ne sait plus accéder à la propriété. Il faut donc être plus inventif et innovant dans les mécanismes mis en place. D’autant que l’augmentation des prix de construction, qui me préoccupe particulièrement, va accentuer ce fossé. Les usages de la nouvelle génération sont aussi différents en matière de logement. Réduire la taille des appartements n’est pas une solution acceptable pour diminuer les prix. Par contre, les jeunes sont beaucoup plus ouverts à la mutualisation des espaces et au concept de ville à cinq minutes. On le voit à Tour & Taxis, où la proximité d’un parc et d’un food market rend plus anecdotique le fait de posséder une grande terrasse.”
Des choix qui pèsent sur les bénéfices
Pour le reste, le quotidien de Nextensa dans les prochains mois sera de renouveler son portefeuille. La durabilité s’étant immiscée depuis deux ans comme le critère numéro un des investissements, elle devra s’intégrer à une stratégie qui privilégie les développements de qualité sur le plan architectural (Monteco, Riva, Tour & Taxis, etc.), sans pour autant faire fondre les bénéfices. “L’architecture et la durabilité pèsent clairement sur notre marge bénéficiaire. Au grand dam de nos actionnaires. Mais il s’agit d’un choix effectué en âme et conscience. Et à long terme, je pense qu’il s’agit d’une bonne stratégie pour notre portefeuille. Dans 20 ou 30 ans, ces projets resteront beaux. Nous étudions deux ou trois pistes sur le segment du bureau pour le moment. Notre travail de prospection a été défaillant ces dernières années, tant chez Leasinvest qu’Extensa. Il faut donc relancer la machine pour trouver de nouveaux projets. Nous n’en n’avons plus pour le moment. La difficulté est que nous sommes en concurrence avec de nouveaux acteurs qui ont énormément d’argent et qui font appel à des petits développeurs pour concrétiser leurs projets. C’est une nouvelle donne dont il faut tenir compte. Le risque pour un fonds étranger n’est pas comparable au nôtre. D’autant que l’argent est particulièrement bon marché pour le moment.”
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