Business durables, digitaux et sociétaux: les nouvelles cibles d’investissement de GBL

Vélo Canyon © Belga Image
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

En prenant une part majoritaire dans Canyon, constructeur allemand de vélos, GBL fait un pas de plus dans la diversification de ses participations. Le groupe des familles Frère et Desmarais a déjà procédé à une rotation d’environ 20 milliards d’euros d’actifs depuis 2012. Son objectif? S’inscrire de plus en plus dans des business durables, digitaux et sociétaux.

Quel est le lien entre un acteur mondial de la technologie des matériaux commeUmicore, une entreprise d’hygiène comme Ontex, la marque Adidas et le fabricant allemand de vélos haut de gammeCanyon? Facile: la présence de la société à portefeuille GBL dans leur capital! En décembre 2020, le groupe contrôlé par les familles Frère et Desmarais a en effet annoncé une prise de participation majoritaire dans Canyon, en compagnie de Tony Fadell, ancien haut cadre de chez Apple et depuis lors entrepreneur et investisseur de renom dans la tech.

Le deal (pour un montant non dévoilé) avec Canyon est intervenu alors que l’un des actionnaires importants (mais minoritaire), TSG Consumer Partners, comptait quitter le capital de Canyon et que le fondateur de la firme, Roman Arnold, souhaitait, lui, revendre une partie de ses actions tout en restant actionnaire d’une certaine importance.

Si GBL s’est intéressé à ce fabricant de vélos, c’est parce qu’il répond à tous les critères qu’observe le groupe dirigé par Ian Gallienne lorsqu’il souhaite investir dans une entreprise. D’abord, Canyon se trouve sur un marché énorme (environ 15 milliards d’euros pour le vélo haut de gamme en Europe et aux Etats-Unis) et particulièrement porteur: le vélo, moyen de mobilité durable, a le vent en poupe et enregistre des croissances d’au moins 10% par an. Ce qui permet à Canyon de réaliser un chiffre d’affaires qui a doublé en trois ans et qui atteint quelque 400 millions d’euros…

400 millions d’euros : le chiffre d’affaires actuel du fabricant de vélos Canyon.

Depuis huit ans, Canyon afficherait d’ailleurs une croissance de 25% par an. Par ailleurs, la firme dispose d’un business model bien particulier. Elle pratique la vente directe au consommateur via le Net, sans passer par des intermédiaires, ce qui lui permet de proposer des produits haut de gamme (Canyon se veut la Porsche du vélo) à des prix relativement attractifs. Un modèle adopté depuis par d’autres start-up du vélo, comme Cowboy chez nous ou Angell, la firme de Marc Simoncini (fondateur de Meetic). Sans oublier la présence du fondateur, toujours à bord de l’entreprise même s’il a confié l’an passé le poste de CEO à un poids lourd du marché du vélo.

Vision à long terme

“Toutes les cases de ce que cherche GBL sont cochées avec Canyon, glisse un proche du dossier: le durable, le digital, la croissance…” Et à l’inverse, le groupe GBL a visiblement séduit Roman Arnold, le fondateur, qui restait totalement maître du choix de l’acheteur. “C’est sans hésitation le caractère familial de GBL qui a séduit Canyon, observe notre source. Cela implique donc la vision à plus long terme de GBL par rapport à des investisseurs de type private equity. Sans oublier une certaine expertise de GBL dans l’univers des biens de consommation.” Rappelons que GBL est aussi entré au capital de la marque Adidas en plein virage numérique…

Ian Gallienne, CEO de GBL S’exprimant à propos de ce deal, il a souligné la “complémentarité de Canyon avec le portefeuille actuel de GBL”.

L’implication de Tony Fadell (un ami de Ian Gallienne) dans l’investissement doit aussi avoir penché dans la balance. Ce dernier est en effet une légende du monde de la tech puisqu’il est considéré comme l’inventeur de l’iPod et de l’iPhone lorsqu’il travaillait pour Steve Jobs chez Apple, puis le fondateur de Nest, marque d’objets connectés revendue en 2014 à Google pour la modique somme de 3 milliards de dollars! L’homme, qui siégera au CA aux côtés des représentants de GBL, devrait apporter à Canyon son talent en matière de digital et de connectivité mais aussi en termes de branding.

Roman Arnold, le fondateur de Canyon, déclare avoir été séduit par le caractère familial de GBL ainsi que par son expertise dans l'univers des biens de consommation.
Roman Arnold, le fondateur de Canyon, déclare avoir été séduit par le caractère familial de GBL ainsi que par son expertise dans l’univers des biens de consommation.© BELGAIMAGE

Dans la communication officielle autour du deal, Ian Gallienne soulignait la “complémentarité de Canyon avec le portefeuille actuel de GBL”. Dans le cadre de Canyon, la complémentarité pourrait surtout se faire avec Adidas et Webhelp (spécialiste de l’expérience client et de l’externalisation des processus métiers-BPO). Pas forcément sous la forme de partenariats directs car GBL met un point d’honneur à bien compartimenter les actifs et à veiller à une bonne gouvernance. Mais “sous forme d’inspiration et de cross-fertilisation des savoir-faire”, indique une source bien informée. A regarder le portefeuille de GBL de plus près, on comprend que la complémentarité ne signifie pas collaboration mais logique d’investissements. Car les ponts business ne sautent évidemment pas aux yeux pour Canyon à côté d’Ontex (hygiène pour bébé et personnes âgées), Umicore, Parques Reunidos(le groupe derrière notamment Bobbejaanland), Mowi (producteur de saumon atlantiques), etc.

Focus sur le digital

En réalité, le deal de Canyon constitue surtout une opération qui témoigne d’une importante évolution dans la stratégie d’investissement de GBL qui, historiquement, s’était concentré sur des secteurs comme l’énergie ou l’industrie. Depuis 2012 déjà, Ian Gallienne a décidé de réorienter progressivement les investissements de GBL dans des secteurs plus tournés vers des entreprises à grande connotation entrepreneuriale, qui embrassent les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) et adoptent les codes de la transformation numérique. Même si GBL reste au capital de groupes comme LafargeHolcim ou Imerys, cette stratégie s’est déjà traduite par 20 milliards d’euros de rotation d’actifs depuis 2012. Parmi les investissements qui entrent dans cette logique, on retrouve le groupe du digital Webhelp, spécialisé dans la gestion de l’expérience client et des services de traitement des paiements, ainsi que de services de vente et de marketing au travers des canaux voix, média sociaux et digital.

L’univers du digital, GBL en fait l’un de ses focus. Mais il est évident qu’il n’est pas question pour Ian Gallienne et ses équipes d’investir dans des start-up ou des scale-up de la Silicon Valley pour autant. “Vu le nombre limité de ses investissements et vu sa taille, il est clair que GBL n’ira pas sur ce terrain”, indique une source proche de la firme de Ian Gallienne. N’empêche, les responsables de GBL seraient prêts à investir dans de belles (grosses) boîtes du digital si l’occasion se présente. Tout comme ils seraient, nous glisse-t-on, à l’affût dans le secteur des soins de santé, un domaine où GBL est totalement absent. Pour l’instant du moins.

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