Automobile: les attractions chinoises
Les automobiles électriques sont chères, très chères. Les constructeurs chinois pourraient les rendre plus accessibles, comme le montre la percée en Belgique de MG, marque du groupe SAIC. La tendance devrait se développer. Du moins si la géopolitique ne s’en mêle pas…
L’air de rien, les voitures chinoises tracent leur route en Europe. En Belgique, la marque MG, construite par SAIC Motor, groupe basé à Shanghai, dépasse le succès d’estime. Cette année, elle a immatriculé 523 automobiles entre janvier et juillet. Surtout des électriques.
“Nous pourrions arriver à 1.600 immatriculations sur l’année et vendre 4.000 à 5.000 voitures par an d’ici deux ou trois ans”, avance Bart Hendrickx, porte-parole de la marque en Belgique, chez l’importateur Astara. De quoi figurer dans le top 20.
C’est un fameux retournement. Jusqu’ici, les modèles chinois n’étaient guère attendus en Europe. Mais la perception à leur égard a changé avec le développement de l’électrification. Le pays s’est fait le champion de ce type de motorisation. Ses constructeurs ont développé une compétence reconnue dans ce domaine. Quelques start-up importantes s’y développent (NIO, XPeng). Depuis la mi-2018, NIO a ainsi produit 227.949 véhicules, avançant sur les traces de Tesla. Le premier fabricant mondial de batteries, CATL, est chinois et très demandé. Plusieurs marques occidentales premium s’y fournissent (Tesla, BMW, Daimler).
Crash test décisif
La marque MG est distribuée depuis trois ans en Belgique et dans les pays voisins. Elle est bien accueillie. Les entreprises de leasing intègrent ses modèles dans leurs catalogues. Les essais publiés dans la presse spécialisée sont plutôt positifs et ses véhicules passent l’épreuve du crash test. Ainsi le SUV MG ZS EV, depuis peu le modèle le plus vendu de la marque, décroche cinq étoiles à l’Euro NCAP pour sa sécurité passive.
L’argument est surtout financier. Une Hyundai Kona ou une VW ID.3 neuve se vend à minimum 44.000 euros, même chose pour une Renault Megane e-Tech. Mais le break MG5 lancé récemment est commercialisé à partir de 34.585 euros, avec des prestations honnêtes même si elles n’égalent pas celles des modèles cités plus haut. Ce n’est pas low cost, mais pour une voiture électrique, le prix est attractif. Il se situe au moins 5.000 euros sous les modèles concurrents européens ou coréens. MG aligne ses véhicules au moment où le marché de l’électrique décolle en Belgique. Celui-ci représente 8,9% des immatriculations sur les six premiers mois de 2022 (5,9% sur la même période en 2021). Cette logique devrait se développer, à condition que la géopolitique et la crise avec Taiwan ne viennent pas tout enrayer.
L’argument du prix
Le premier modèle vendu par MG, version chinoise, était un SUV hybride mais tous les nouveaux modèles sont électriques: le SUV ZS EV (le premier break électrique du marché), la MG5 (un grand SUV), le MG Marvel. Les ventes devraient s’accélérer avec l’arrivée d’ici la fin de l’année du modèle compact MG4, qui vise exactement le marché des VW ID.3, Cupra Born, Renault Megane, à un tarif qui devrait être bien moins élevé, autour des 30.000 euros.
Notons que les autos made in China sont déjà plus présentes en Europe qu’on ne l’imagine. D’abord parce que plusieurs constructeurs occidentaux y fabriquent des voitures: par exemple Tesla (Model 3), Renault (Dacia Spring) et BMW (SUV X3). Quant au groupe chinois Geely, il a perfectionné un marketing subtil pour toucher le public occidental. Il a racheté Volvo et développé des bases communes pour des véhicules électrifiés sous diverses marques chinoises et européennes. Résultat, le client ne sait plus très bien d’où provient l’auto. Deux nouvelles marques, Polestar et Lynk&Co, se développent ainsi avec une image européenne et une fabrication chinoise. Pour Smart, la joint-venture rassemblant Geely et Daimler va bientôt lancer la Smart#1, un SUV compact, fabriqué en Chine avec un nom européen.
L’arrivée de véhicules électriques moins chers est la bienvenue, surtout en Belgique où il n’existe aucun subside à l’achat.
Plusieurs raisons poussent les constructeurs chinois vers l’Europe. Leur technologie est mûre et concurrentielle, et le potentiel européen est important. “Le succès international des fabricants de batteries comme CATL sert de modèle pour les fabricants de voitures chinoises électriques”, écrit le Mercator Institute for China Studies, basé à Berlin, qui tire même la sonnette d’alarme sur la menace que l’afflux des voitures chinoises fait peser sur l’industrie du Vieux Continent dans une étude intitulée In the driver’s seat: China’s electric vehicle makers target Europe. A côté des premiers succès de MG, d’autres marques chinoises démarrent aussi chez nous, mais plus difficilement. En Belgique, la start-up Aiways n’a immatriculé que 25 voitures de janvier à juillet. C’est à la fois une question de modèle, de marketing et de distribution. MG a recouru à l’approche traditionnelle, en passant par un importateur, Astara, ex-Alcomotive, qui importe aussi Hyundai, Suzuki, Maxus (utilitaires légers électriques du groupe SAIC), et des concessionnaires. “Nous avons une trentaine de points de vente en Belgique, précise Bart Hendrickx. La proximité reste un point crucial pour le client belge.” A l’origine, SAIC souhaitait vendre MG uniquement en ligne, ce qui était hasardeux.
Après MG, d’autres marques d’envergure devraient suivre: NIO et BYD, notamment. Les Chinois arrivent généralement d’abord en Norvège, marché pilote pour les voitures électriques, puis en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique. Les ventes sont poussées par les aides publiques: subsides, taxe de circulation réduite ou nulle, déduction fiscale plus favorable. En France, le bonus écologique de 6.000 euros permet d’y acheter une MG5 à 26.990 euros.
NIO espère vendre aux Européens son approche de la recharge par échange de batteries. La marque a construit plus de 1.000 stations de rechange en Chine (power swap stations) et compte en construire 20 en Norvège cette année. Elle construit une usine en Hongrie pour fournir le marché européen en stations.
Aucun subside
L’arrivée de véhicules électriques moins chers est la bienvenue, surtout en Belgique où il n’existe aucun subside à l’achat. Les particuliers sont réticents, ne représentant que 10% des ventes. L’essentiel est acquis par les entreprises, qui peuvent déduire une automobile électrique à 100% (vs 67,5% pour une voiture à carburant en moyenne). Chez MG, toutefois, les particuliers représentent déjà 30% des achats. Une part qui pourrait encore augmenter avec l’arrivée de modèles plus petits, meilleur marché.
Ceci dit, il ne suffit pas d’annoncer des modèles, il faut aussi les livrer. MG a pu maintenir des délais raisonnables mais ils s’allongent car le covid a perturbé la production et les pénuries touchent aussi la Chine. “La demande globale est très grande, personne ne peut suivre, regrette Bart Hendrickx. La norme était de deux à trois mois pour la ZS EV. Pour les versions à grande batterie, il faut ajouter deux à quatre mois”
MG, marque sino-européenne
Utiliser la marque britannique MG (Morris Garage) pour attaquer le marché européen est singulier. Celle-ci avait été revendue en 2005 à Nanjing Automobile, avec d’autres actifs du défunt groupe MG Rover. SAIC l’a récupérée en fusionnant avec Nanjing Automobile en 2007 et l’utilise désormais pour écouler ses modèles en Europe, qui portent en Chine le nom de Roewe. Si la marque fleure bon le Royaume-Uni, plus rien ne l’y relie vraiment. Ni la conception et la fabrication (chinoises), ni même le type de véhicule, MG étant surtout connue autrefois pour ses petits coupés sportifs alors que les voitures actuelles sont des familiales. Les amateurs de MG historiques peuvent estimer qu’il y a maldonne, mais les acheteurs de MG made in China ne semblent pas s’en formaliser.
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