Pourquoi BNP Paribas Fortis rachète bpost banque

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Alors que la crise accélère la fermeture des agences dans la plupart des banques, BNP Paribas Fortis fait le pari de reprendre bpost banque, qui passera totalement dans son giron cette année. Mais pour quoi faire au juste? Explications.

Annoncé juste avant Noël, le deal en a surpris plus d’un. Déjà détentrice de la moitié du capital, BNP Paribas Fortis a conclu un accord avec le groupe bpost pour lui racheter les 50% qu’il détient dans bpost banque. BNP Paribas Fortis se retrouvera ainsi bientôt seule maître à bord de la filiale bancaire au sein de laquelle la première banque du pays et l’entreprise publique sont partenaires depuis 25 ans.

Question timing et prix, la transaction devrait être bouclée d’ici le printemps pour un montant compris “entre 100 et 120 millions d’euros”, précise le communiqué tombé le 23 décembre dernier.

Malgré le changement dans l’actionnariat, les deux enseignes continueront à travailler ensemble via un partenariat commercial. Pendant sept ans après le rachat, bpost continuera à offrir des services bancaires dans ses 660 bureaux de poste. Fondée en 1995, l’ancienne Banque de la Poste occupe aujourd’hui la dixième place du secteur belge avec une part de marché de 3%, totalisant 610.000 clients actifs pour 720.000 comptes à vue, 866.000 comptes d’épargne et un portefeuille de prêts hypothécaires de 6,2 milliards d’euros.

L’intérêt du deal pour bpost

Si les deux protagonistes ont annoncé le deal avec zèle, leur communication se limite toutefois à la philosophie de l’opération et ne donne guère de détails par exemple au sujet de la commission qui sera versée à bpost pour l’utilisation de son réseau de bureaux de poste. Coté en Bourse, le groupe dirigé par Jean-Paul Van Avermaet explique néanmoins la vente par le niveau historiquement bas des taux d’intérêt et des exigences de plus en plus strictes en matière de capital pour maintenir sa “petite” banque en activité. Pour l’opérateur postal, l’intérêt de l’opération semble donc assez évident, estime Anthony Wolf, associé au sein du cabinet de conseil Sia Partners, en charge du secteur bancaire. “En sortant de sa filiale, le groupe bpost se désengage effectivement d’une activité dont la rentabilité ne cesse de s’éroder ces dernières années. L’impact de la crise, la baisse des taux d’intérêt, les lourds investissements liés à la digitalisation et à l’obligation de se conformer aux nouvelles réglementations en matière de lutte contre le blanchiment poussent en effet les revenus des banques à la baisse. A l’époque, la Banque de la Poste est née d’un besoin de diversification suite à l’avènement du courrier électronique. Mais aujourd’hui, l’essor de l’e-commerce et de la livraison de colis compensent la baisse du courrier classique. L’intérêt est moins grand d’avoir une offre de services bancaires en dehors de son coeur de métier, laquelle n’est par ailleurs plus aussi rentable que par le passé.”

Il y a une vraie opportunité pour BNP d’augmenter sa présence sur le territoire en s’appuyant sur le maillage des bureaux de poste.

Signe de cette rentabilité en baisse, bpost banque avait annoncé dernièrement, à l’occasion de son 25e anniversaire, qu’elle entendait renforcer ses liens avec la clientèle, que ce soit en termes de moyens humains ou technologiques. Mais l’enseigne avait également annoncé dans le même temps une rationalisation de son parc de distributeurs, précisant que les machines en doublons dans une même agence ne seraient pas remplacées, “pas plus que les appareils qui ne sont presque plus utilisés “. Dans un autre registre, on se souviendra aussi du couac marketing qui avait vu bpost banque devoir faire marche arrière après avoir fait part de son intention de facturer les retraits de cash effectués par les clients à ses automates. Autrement dit, poursuit Anthony Wolf, la banque se cherche depuis quelque temps et bpost souhaitait se reconcentrer sur son coeur de métier. L’initiative de l’opération vient clairement de ce côté-là et BNP Paribas Fortis a saisi la balle au bond de cette nouvelle donne”, estime le consultant.

3% : la part de marché de bpost banque dans le secteur bancaire belge.

L’intérêt du deal pour BNP Paribas Fortis

Si l’opération en a surpris plus d’un, c’est en effet parce que l’on ne s’attendait pas à pareil “coup” de la part de la maison de la rue Royale. Pourquoi débourser une centaine de millions d’euros et ajouter une troisième marque de niche à côté de Hello bank! et de Fintro à l’heure où la banque de détail vit une profonde mutation? On peut d’autant plus se poser la question que la vie n’est pas seulement dure pour les petites institutions style bpost banque. “Survivre à la baisse des taux tout en investissant pour affronter la digitalisation du marché n’est pas simple non plus pour les gros acteurs du secteur. BNP Paribas Fortis a d’ailleurs bien conscience qu’elle doit être plus performante sur ce segment de la banque digitale face à des acteurs comme Belfius et KBC dont les applis figurent parmi les meilleures du monde”, souligne Anthony Wolf.

Pour maintenir le cap face à ces vents contraires, BNP Paribas Fortis, comme la plupart des banques, augmentent leurs tarifs et tentent de réduire au maximum les coûts. En fermant des agences, d’abord. En nouant des alliances, ensuite. Des alliances dont l’objectif est d’amortir les frais de fonctionnement et de développement IT sur une plus large base de clients. On le voit par exemple au travers de la fusion Axa-Crelan. On le voit aussi avec Belfius qui s’est allié à Proximus pour lancer une toute nouvelle banque 100% mobile, etc.

Dans ce contexte, BNP Paribas Fortis, qui aura fermé une agence sur quatre entre 2019 et la fin de cette année, n’échappe pas au phénomène. “Il est clair que la dimension liée aux coûts (informatiques, de compliance, etc.) est un des éléments qui expliquent le rachat vu sous l’angle de BNP Paribas Fortis, explique Anthony Wolf. En couvrant tous les types de clientèle, l’objectif est de dégager des économies d’échelle et de rentabiliser les solutions digitales développées en interne sur une plus large base de distribution. A côté de cela, il y a une vraie opportunité pour BNP d’augmenter sa présence sur le territoire en s’appuyant sur un réseau de distribution assez large avec un bon maillage qui est celui des bureaux de poste. Et cela, tout en accélérant la rationalisation de son réseau d’agences en propre. On peut également imaginer une accentuation de la segmentation de la clientèle. Certains clients moins bancarisés pourraient se voir réorientés vers l’offre gratuite et numérique de bpost banque. En sens inverse, d’autres clients situés dans certains villages hyper-reculés pourraient migrer vers une offre plus haut de gamme au sein de la banque.” Sans oublier enfin que certaines synergies pourraient également être trouvées avec Compte Nickel, la néo-banque française rachetée en 2017 par BNP Paribas qui propose un compte courant sans condition de revenus mais sans possibilité de découvert ni de crédit, dont l’arrivée en Belgique est prévue pour l’an prochain.

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