Placements: “Les actions sont également de retour”
Rajesh Tanna, gestionnaire chez JPMorgan AM, distingue cinq grandes classes d’actifs pour s’exposer sur les marchés boursiers durant le second semestre.
Rajesh Tanna était récemment de passage à Bruxelles pour livrer son analyse de la situation actuelle sur les marchés boursiers, et des opportunités qui restent pour les investisseurs. A la tête de l’équipe de gestion International Equity chez JPMorgan Asset Management, il supervise à ce titre les investissements d’un grand nombre de stratégies exposées sur les marchés globaux et européens, avec plusieurs milliards d’euros en actifs sous gestion. Il est également impliqué directement dans la gestion de plusieurs fonds, notamment JPM – Europe Select Fund, JPM – Global Growth Fund, JPM – Global Core Equity Fund ou encore JPM – Social Advancement Fund.
– TRENDS-TENDANCES. Faut-il avoir peur du rally intervenu cette année sur les marchés d’actions?
RAJESH TANNA. Depuis la fin de l’année passée, j’entends dire partout que les obligations sont de retour. C’est vrai, mais c’est aussi le cas des actions, que ce soit au Japon, en Europe ou aux Etats-Unis. Pourtant, il y a encore peu de conviction sur les actions à l’heure actuelle, avec des stratégistes qui sont généralement neutres sur cette classe d’actifs. Je pense que cette crainte est actuellement exagérée en raison principalement des incertitudes liées à une récession pour la seconde partie de l’année. Pour un gestionnaire actif, il existe toutefois de nombreuses raisons de rester optimiste et de dégager des performances positives sur les actions mondiales durant les prochains mois.
“Nous sommes aujourd’hui surexposés sur l’Europe dans tous les portefeuilles que nous gérons.” RAJESH TANNA
– Quelles opportunités voyez-vous à l’heure actuelle?
Je distingue actuellement cinq opportunités principales sur les marchés boursiers. Premièrement, les groupes bancaires européens qui ont souffert suite aux incertitudes sur les banques régionales américaines. Deuxièmement, les valeurs technologiques qui ont subi une compression de leurs résultats ces dernières années et qui sont bien placées pour un nouveau cycle d’investissements. Troisièmement, les multinationales européennes valorisées de manière attractive, qui bénéficient de la digitalisation de leur modèle de distribution tout en étant exposées sur diverses tendances de croissance séculaires. Quatrièmement, les valeurs du secteur des loisirs, exposées sur le retour de la demande de consommation pour des biens et services qui avaient été mis sous pression durant la pandémie. Et cinquièmement, les sociétés qui visent actuellement à réduire la fracture sociale creusée durant la pandémie.
– Pour reprendre ces grands thèmes dans l’ordre, quel est le raisonnement derrière votre intérêt pour les bancaires européennes?
Alors que le secteur bancaire américain a profité d’une dérégulation importante pour augmenter rapidement ses résultats en prêtant massivement au secteur immobilier durant la dernière décennie, les banques européennes ont été beaucoup plus encadrées par leur régulateur et ont fortement relevé leurs fonds propres. Aujourd’hui, la roue a tourné, les banques régionales américaines vont faire face à une décennie de pression réglementaire tandis que les institutions européennes sont aujourd’hui bien capitalisées et bénéficient pleinement de la hausse des taux d’intérêt. Les bénéfices excédentaires qui vont être réalisés ne vont pas venir renforcer les fonds propres et ils seront utilisés pour rémunérer les actionnaires. Un groupe comme UniCredit distribue aujourd’hui 5 milliards d’euros (dividendes et rachat d’actions), alors que la capitalisation boursière tourne autour de 42 milliards d’euros. Sur les quatre prochaines années, c’est ainsi près de la moitié de la capitalisation boursière qui devrait être rendue aux actionnaires du groupe.
– Votre préférence pour l’Europe se limite-t-elle au secteur bancaire?
Pas du tout. Depuis 18 mois et l’annonce de l’invasion de l’Ukraine, les actions européennes ont été délaissées par les investisseurs internationaux. Nous sommes aujourd’hui surexposés sur l’Europe dans tous les portefeuilles que nous gérons, car il est possible d’y trouver des entreprises de très haute qualité avec des décotes importantes par rapport à des sociétés totalement identiques, mais domiciliées aux Etats-Unis. Deutsche Post (DHL Group), Ahold ou Capgemini sont ainsi des sociétés qui ont des indicateurs opérationnels proches de (respectivement) UPS, Walmart ou Accenture, avec toutefois des décotes significatives. Nous apprécions également des leaders dans le domaine du luxe comme LVMH ou comme Adidas qui sont à la pointe de la digitalisation de leur modèle de distribution.
– Reste-t-il des opportunités sur la technologie américaine?
Nous attendons plutôt un élargissement de la hausse vers des segments qui sont restés en retrait ces derniers mois. De manière assez paradoxale, le secteur technologique dans son ensemble a plutôt été affecté par un recul des résultats depuis la fin du covid, avec des ventes de matériel informatique en baisse significative, un infléchissement dans la publicité en ligne et un ralentissement dans le déploiement du cloud. Le mouvement est toutefois en train de s’inverser, alors que les géants de la technologie ont plutôt eu tendance à rationaliser leurs coûts durant les derniers trimestres. Il existe aujourd’hui une opportunité significative pour les entreprises qui vont bénéficier de ce retournement de tendance notamment sur un groupe comme Meta Platforms qui se négocie toujours avec une valorisation attractive. Nous apprécions également les semi-conducteurs avec NXP pour profiter de la demande de semi-conducteurs en provenance du secteur automobile.
– En parlant de secteurs positionnés pour une reprise, vous appréciez également les perspectives offertes par le secteur des loisirs…
En effet. Les consommateurs sont aujourd’hui avides d’expériences, avec une demande pour les voyages qui reste forte en dépit des incertitudes sur le climat macroéconomique. Au niveau européen, la capacité des compagnies aériennes reste encore sous les niveaux d’avant-covid à l’exception notable de Ryanair qui est la seule société européenne à fonctionner à pleine capacité. Ceci permet au groupe de pouvoir relever ses prix et défendre sa marge bénéficiaire. Nous apprécions également les perspectives favorables d’un groupe hôtelier comme Marriott International sur cette thématique du loisir.
– Et dans le domaine des investissements durables avec une connotation sociale, quelles principales opportunités distinguez-vous?
Cet ensemble de secteurs va de la fourniture de services essentiels (accès à l’eau potable) en passant par la construction de logements sociaux, le développement de produits pharmaceutiques qui répondent à un besoin thérapeutique important, ou encore la fourniture d’une éducation de qualité ou de services financiers au plus grand nombre. Il existe aujourd’hui des sociétés exposées sur ces thématiques qui disposent d’excellentes perspectives de croissance pour les prochaines années, comme par exemple Novo Nordisk dans le traitement de l’obésité.
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