Les trois grandes tendances de la gestion d’actifs en Belgique

Vincent Hamelink, CEO de Candriam © Debbie Termonia

Avec 30 ans d’expérience au compteur,  le nouveau CEO de Candriam, Vincent Hamelink, connaît bien les tenants et aboutissants de la gestion d’actifs. Innovation, développement durable et satisfaction du personnel sont les éléments sur lesquels Candriam, dont il a pris la tête en mai, mise plus que jamais pour se démarquer.

Vincent Hamelink travaille dans la finance depuis 30 ans. Il a récemment pris la direction de Candriam, une des plus grandes sociétés de gestion d’actifs de Belgique. “J’ai commencé dans le métier en 1994, l’année du krach obligataire, se souvient-il. Je n’ai jamais changé d’employeur, mais mon employeur, lui, a changé plusieurs fois de nom.”

Entré à la Banque Paribas comme analyste, Vincent Hamelink y fut ensuite chargé de la gestion des obligations. Paribas fut reprise par Bacob, devenue Artesia avant d’entrer dans le giron de Dexia au tournant du siècle. Dexia fut démantelée après la crise financière ; rebaptisée Candriam, sa branche gestion d’actifs appartient à l’assureur-vie américain New York Life depuis 2014. A partir de là, les chiffres n’ont cessé de grimper pour la firme belge, dont les actifs en gestion sont passés de 70 milliards d’euros en 2014 à 140 milliards aujourd’hui.

“Quelque 70% de la croissance réalisée ces dernières années sont le fait des produits ESG.”

Avant de prendre la direction de l’entreprise, le 1er mai, Vincent Hamelink en avait dirigé la stratégie d’investissement pendant une dizaine d’années. Interrogé sur la manière dont il a vu évoluer le secteur au fil des ans, il évoque trois grandes tendances: “L’attention accordée au développement durable, la demande croissante d’actifs financiers non cotés, et l’essor de la gestion passive par le biais des ETF et des fonds indiciels”.

TRENDS-TENDANCES. Tous les gestionnaires d’actifs se félicitent aujourd’hui de contribuer au développement durable. Quelle est la signification réelle de cette assertion?

VINCENT HAMELINK. On peut vraiment dire de Candriam qu’elle est une pionnière de la gestion durable, une stratégie adoptée dès 1996, quand personne ne s’y intéressait encore. Notre expertise en la matière est la principale raison pour laquelle les clients nous choisissent. Quelque 70% de la croissance réalisée ces dernières années sont le fait des produits ESG. Nous avons été cette année le gestionnaire d’actifs le plus durable parmi les 600 sociétés du monde entier qui composent le Responsible Investment Brand Index.

Comment cette expertise se manifeste-t-elle exactement?

– Actifs dans ce domaine depuis 1996, nous avons constitué une équipe très spécialisée. Tout ce que nous commercialisons dans ce segment est inspiré de nos propres recherches. Notre équipe s’appuie certes sur des données externes, mais elle les utilise pour élaborer sa propre approche. Nous avons, par exemple, été parmi les premiers à proposer des solutions d’investissement durable dans les marchés émergents, ainsi que des obligations durables assorties d’un rendement élevé. Nous développons pour d’autres thèmes encore des solutions innovantes qui ont contribué à asseoir notre réputation.

Telles que?

– Nos produits d’investissement dans le domaine de la santé. Dès 2000 environ, nous avons proposé des fonds dans les biotechnologies et l’oncologie. Au fil des ans, nous avons acquis dans ce segment une expertise qui attire des clients belges et étrangers ; nous gérons désormais 4 à 5 milliards d’euros dans ces domaines. Nous avions d’emblée compris que le potentiel de croissance à long terme des thèmes médico-sanitaires allait leur permettre de se démarquer. Il en va de même du climat et de l’économie circulaire, entre autres ; vu l’importance que la société leur accorde, les entreprises actives dans ces segments ne peuvent que croître considérablement.

Tous les gestionnaires d’actifs ont pris le train du développement durable. Comment leurs clients peuvent-ils les distinguer les uns des autres?

– Notamment en regardant, dans les rapports, s’ils disposent de l’expertise en interne ou s’ils ne font au contraire appel qu’à des fournisseurs de données externes. Nous publions des rapports très détaillés sur notre manière de procéder. Ceci dit, les choses devraient être rendues beaucoup plus simples pour les clients. Si je recense tous les documents que l’investisseur est censé lire sur un produit donné, j’arrive à 300 pages. L’Europe a édicté énormément de règles au sujet des rapports à consacrer au caractère durable des produits et services d’investissement, mais mieux vaudrait que tout cela soit concentré au niveau de l’entreprise, cela simplifierait nettement les choses pour le secteur.

Une autre tendance observée ces dernières années est l’engouement pour les actifs non cotés. Comment Candriam réagit-elle à cette évolution?

Au cours des dernières décennies, les grands investisseurs institutionnels surtout, découragés par la faiblesse des taux d’intérêt, ont commencé à s’intéresser aux investissements non cotés et illiquides, comme le capital-investissement, les titres de créance non cotés, les infrastructures et l’immobilier. Comme nous étions concentrés sur les marchés de capitaux, nous avons procédé à des acquisitions ciblées pour pouvoir proposer une offre dans ces segments également. New York Life, notre société mère, nous donne de surcroît accès à un large éventail d’actifs non cotés américains.

Distinguez-vous des tendances significatives parmi les investisseurs particuliers?

Ils s’intéressent sans conteste davantage aux produits et solutions thématiques. Et manifestent un intérêt croissant pour les ETF. Même si cette part de marché est bien plus élevée aux Etats-Unis, elle progresse chez nous aussi.

Les ETF, ces fonds qui répliquent l’évolution d’un index, sont-ils les principaux concurrents de la gestion active?

Nous ne les considérons pas comme des concurrents. Les ETF permettent d’être rapidement exposé à un thème, mais ils sont plutôt complémentaires de ce que nous faisons. Si vous voulez vraiment intégrer le développement durable dans votre stratégie d’investissement, la gestion active est votre seul levier.

La valeur ajoutée de la gestion active réside-t-elle donc désormais dans cette intégration de l’ESG? En d’autres termes, les gestionnaires actifs mettront-ils à l’avenir immanquablement en avant le fait qu’ils soutiennent le développement durable, même si les rendements financiers sont inférieurs à la moyenne?

Non, nous sommes convaincus qu’il faut intégrer les critères ESG dans les stratégies d’investissement à long terme car, à l’avenir, la croissance proviendra principalement des activités durables. De nombreuses études montrent en outre que ce faisant, on augmente le rendement pondéré par le risque.

Les ETF sont également prisés en raison de la faiblesse de leurs coûts. Si l’on ajoute à cela le fait que la majorité des gestionnaires actifs échouent à battre le marché sur la durée, en quoi l’existence de la gestion active se justifie-t-elle?

Nous avons démontré qu’une gestion active de qualité permet de battre le marché, par exemple dans le domaine des obligations d’entreprise à haut rendement où notre propre analyse l’a emporté sur les ETF. Nous avons également fait mieux que le marché dans certains des domaines où nous œuvrons depuis longtemps, comme les biotechnologies. Ces dernières années, les rendements des indices d’actions ont été principalement déterminés par les mégacapitalisations – les très grandes sociétés cotées – dont les résultats étaient hors de toute proportion. Mais il arrivera un moment où ces “mégacaps” cesseront d’écraser tout sur leur passage.

Candriam gère une multitude d’actifs. Comment cultiver l’individualité et donc se démarquer quand on opère dans une palette aussi large? Le secteur de la gestion d’actifs n’est-il pas trop homogène?

Nous nous distinguons d’une façon très simple: par notre politique de gestion durable. Nos clients apprécient en outre que nous opérions dans différentes classes d’actifs puisque cela nous permet de les conseiller dans des contextes très divers. Si vous gérez exclusivement des obligations à haut rendement, vous n’aurez que ce produit à offrir, que le moment soit propice ou non. Pour élaborer des solutions et des portefeuilles équilibrés, il faut impérativement pouvoir se prévaloir d’une expertise solide dans toutes les classes d’actifs, dont les actions et les obligations. Notez que nous ne faisons pas tout: nous ne gérons aucun actif non coté, par exemple.

Quelles retombées l’intelligence artificielle, dont on parle tant actuellement, a-t-elle sur votre secteur?

La numérisation est aussi présente dans le secteur que partout ailleurs. Cela fait un certain temps que nous utilisons l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique dans le segment des fonds quantiques, que gèrent des modèles quantitatifs alimentés par un nombre sans cesse croissant de données. La technologie et l’innovation contribuent à rendre nos processus d’investissement plus robustes.

Avez-vous un exemple de la façon dont Candriam les utilise?

Nous avons, par exemple, constitué des portefeuilles qui ne tolèrent pas plus de deux degrés de réchauffement planétaire. Nous y avons intégré un certain nombre de modèles climatiques. Nous aurions pu opter pour un plafond d’un degré et demi, mais le portefeuille aurait été trop concentré, ce qui n’est pas optimal pour les clients – il faut maintenir un sain équilibre entre les objectifs financiers, le risque et le développement durable.

L’intervention de l’intelligence artificielle et de la numérisation sera-t-elle perceptible par les clients?

Leur expérience va profondément changer. Les clients obtiendront des informations beaucoup plus détaillées sur leur portefeuille, par exemple sur les critères ESG et sur leur évolution en son sein.

De nombreux secteurs se plaignent de la pénurie de personnel. En trouvez-vous facilement?

Nous continuons à trouver des gens. Nous sommes également fiers de l’ancienneté de notre personnel, de 16 ans en moyenne, ce qui est assez élevé. Cette stabilité n’est pas sans signification pour les clients. Nous essayons de recruter d’excellents professionnels, par ailleurs dotés des soft skills indispensables à la qualité de la collaboration et convaincus de l’intérêt de l’investissement durable. Nous avons une culture unique, et une réputation d’employeur qui n’est plus à faire ; nous recevons d’ailleurs plus de C.V. que jamais.

Comment entretenez-vous la satisfaction du personnel?

Nous ne misons pas sur des vedettes ou des gestionnaires stars mais sur des équipes solides. Chez nous, toutes les performances sont collectives.

Dans le secteur financier, la diversité n’est pas toujours optimale. Qu’en est-il chez Candriam?

C’est une question complexe en effet, mais nous nous sommes fixé pour objectif de recruter autant de femmes que d’hommes. Au niveau de la direction, nous voulons que 30% des postes soient occupés par des femmes d’ici 2025. J’ajouterai que la moitié de nos actifs sont déjà gérés par des femmes.

Quelle est votre ambition, en tant que CEO?

La stratégie générale, qui consiste à faire la part belle à la gestion durable, demeurera inchangée, mais je souhaite y ajouter quelques accents supplémentaires, par exemple en recourant à des recherches et à des modèles maison pour renforcer notre leadership. Nous continuerons en outre à miser sur l’innovation et sur la numérisation, de manière à améliorer les processus internes et le vécu du client. Enfin, je veux que le personnel bénéficie des meilleures formations qui soient, pour entretenir son expertise. C’est là notre principal avantage concurrentiel.

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