Surfer sur la vague des rénovations
L’augmentation des investissements dans le secteur de la construction contribuera à porter la relance économique qui suivra la crise sanitaire. Chaque million investi dans la rénovation énergétique permettra de créer 18 emplois – un argument reçu cinq sur cinq par les gouvernements nationaux.
La Commission européenne (CE) entend faire d’ici à 2050 de l’Union européenne (UE) le premier continent neutre sur le plan climatique. Son Pacte vert (Green Deal) pour l’Europe, présenté en début d’année, jouera un rôle crucial dans ce domaine. Ilvise également à stimuler l’économie, à améliorer santé publique et qualité de vie et à protéger la nature sans léser quiconque. Ces objectifs exigeront d’importants investissements: un millier de milliards d’euros, que l’UE promet de libérer.
Vague de rénovations
L’initiative Renovation Wave est un composant de la transition vers une économie européenne plus durable. Selon la CE, les bâtiments représentent 40% de la consommation d’énergie et 36% des émissions de gaz à effet de serre. Au rythme actuel (1% de rénovations par an), il sera quasi impossible d’atteindre les objectifs climatiques: le parc, aussi bien public que privé, doit être rénové deux fois plus rapidement au moins.
La CE calcule que pour concrétiser les objectifs climatiques intermédiaires de 2030, il faudra investir 185 milliards d’euros par an dans l’efficacité énergétique des bâtiments (115 milliards pour la rénovation des logements privés et 70 milliards dans les bâtiments publics). Elle souligne cet autre avantage de la Renovation Wave: l’augmentation des investissements dans le secteur de la construction contribuera à porter la relance économique qui suivra la crise sanitaire. Chaque million investi dans la rénovation énergétique permettra de créer 18 emplois, un argument reçu cinq sur cinq par les gouvernements nationaux. Début septembre, la France annonçait un plan de relance de 100 milliards d’euros (4% de son produit intérieur brut), dont 30 milliards destinés au climat; de cette enveloppe, 6,7 milliards seront affectés aux rénovations. Les partis politiques belges ne s’entendent pas sur grand-chose, hormis sur la nécessité de déployer un programme d’isolation à grande échelle – la Belgique est un des pays d’Europe où les habitations sont les plus mal isolées. D’après plusieurs études, il faudrait rénover, rien qu’en Flandre, 95.000 maisons par an ces 30 prochaines années, pour un coût que le Serv (organe consultatif flamand) évalue à 4,5-7,5 milliards d’euros par an.
Nous inscrirons notre choix d’actions dans ce contexte strictement européen, en privilégiant tout particulièrement les opérateurs européens dont une part importante du chiffre d’affaires est réalisée localement, et dans la rénovation plutôt que dans le neuf. C’est un thème auquel nous accorderons également toute l’importance qu’il mérite lorsque nous intégrerons de nouvelles actions dans le portefeuille modèle.
Deceuninck: résilience
Le fabricant de fenêtres et de profilés en PVC résiste fort bien à la crise, puisqu’il achève le semestre sur une perte de chiffre d’affaires limitée à 7,4% (de 312,5 à 289,2 millions d’euros; consensus: 271,8 millions), l’Europe, la région la plus importante s’agissant du chiffre d’affaires, étant également la plus touchée (de 174 millions à 147 millions). Le cash-flow opérationnel (Ebitda) à périmètre comparable a fléchi à peine davantage – il a reculé de 30,2 à 27,8 millions d’euros (-7,8%), mais les observateurs tablaient sur 21,9 millions. Deceuninck doit ces résultats à sa structure de coûts flexible, à sa réaction rapide à l’éclatement de la pandémie, à l’annulation du dividende et à l’accélération de sa restructuration en Allemagne. Il réalise la moitié environ de son chiffre d’affaires en Europe, dont à peu près 50% dans le segment de la rénovation. Il est donc globalement bien placé pour profiter du mouvement de rénovation européen. Alors qu’il avait connu une période de turbulences après la crise bancaire, il tente aujourd’hui, sous la direction de Francis Van Eeckhout, qui est également son actionnaire de référence, de renouer avec la rentabilité. Le CEO vise une marge d’Ebitda de 15%; les 9,6% atteints au premier semestre, en pleine pandémie, prouvent que cet objectif est réalisable à terme, surtout si la croissance repart. La valorisation, inférieure à la valeur comptable et de 5 fois le ratio valeur de l’entreprise (EV)/Ebitda escomptés pour 2021, ne tient pas suffisamment compte des qualités de la direction. L’action a peu évolué en 10 ans. Deceuninck devrait selon nous se redresser considérablement ces prochaines années et est donc candidat à une intégration dans le portefeuille modèle.
Kingspan: champion de l’isolation
Analystes et observateurs sont à court de superlatifs pour qualifier la croissance du groupe irlandais, dont le fondateur et CEO, le milliardaire Gene Murtagh, est une véritable légende vivante. Kingspan Group enregistre depuis 25 ans une augmentation de 17,2% par an en moyenne de son chiffre d’affaires, ce qui, pour une entreprise non technologique, est stupéfiant. Il est le champion incontesté de l’isolation en Europe. En 2012, son chiffre d’affaires s’était établi à 1,6 milliard d’euros; l’an passé, à 4,6 milliards. Il affirme posséder les meilleurs panneaux isolants (64% du chiffre d’affaires) et produits d’isolation (18%); il est en tout cas numéro 1 mondial dans ce secteur, alors même que 56% de son chiffre d’affaires provient d’Europe. Léger bémol: 20% seulement du chiffre d’affaires réalisé en 2019 l’a été dans la rénovation. Tout aussi ennuyeuse est la valorisation de l’action, à laquelle l’augmentation de près de 1.200% du cours ces 10 dernières années n’est pas étrangère. L’investisseur paie 35 fois le bénéfice et 23 fois le ratio EV/Ebitda escomptés pour 2021; nous attendrions donc une correction avant d’opter à nouveau pour cette valeur de croissance.
Rockwool: inébranlable
Peu de gens savent que Rockwool International est une entreprise danoise, spécialisée dans un segment de niche – celui des produits à base de laine de roche (roche volcanique en fusion) -, qui a achevé l’exercice 2019 sur un chiffre d’affaires de 2,65 milliards d’euros. Leader mondial de l’isolation thermique, ignifuge, durable et acoustique en laine de roche, Rockwool est idéalement placée dans le segment de l’isolation des bâtiments et des installations. Elle a elle aussi connu une croissance progressive ces dernières années, jusqu’à l’éclatement de la pandémie; ceci dit, la casse est limitée (-7,4% de chiffre d’affaires, à 1,23 milliard d’euros, au premier semestre). C’est en Europe occidentale que les dégâts ont été les plus importants (-9%). Ensemble, l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est représentent toujours 75% de son chiffre d’affaires. Son cash-flow opérationnel n’ayant que peu reculé, le groupe conserve une marge d’Ebitda particulièrement élevée (18,6%). L’action n’a pas connu la même explosion que celle de Kingspan, du moins jusqu’au début de 2020 (+100%). A 25 fois le bénéfice escompté pour 2021 et plus de 12 fois le ratio EV/Ebitda, sa valorisation est moins tendue, mais toujours nettement supérieure à la moyenne des titres du secteur.
Saint-Gobain: défaut de rentabilité
Avec un chiffre d’affaires de 17,76 milliards d’euros au premier semestre, le français est un des chefs de file de l’industrie européenne. Force est toutefois de constater que son action en est au même point qu’il y a 10 ans; le niveau de 18 euros auquel elle est tombée en mars, dans la panique provoquée par le confinement, est même le plus bas de la décennie. La nouvelle direction, nommée l’an dernier, est d’ailleurs chargée de mettre l’accent sur la rentabilité. Certaines activités non rentables ont été cédées (3 milliards d’euros) et les 250 millions d’euros d’économies de coûts annoncés seront atteints dès la fin de l’année, soit avec un an d’avance. La politique de génération de cash-flow porte ses fruits. Malgré la crise (chiffre d’affaires: -12%; bénéfice opérationnel: -49%), le cash-flow disponible a bondi de 143%, à 1,68 milliard d’euros, au premier semestre; cela prouve que les projets sont, cette fois, mis à exécution. Notons aussi que 65% du chiffre d’affaires est réalisé en Europe et la moitié environ, dans la rénovation. A 0,5 fois le chiffre d’affaires, 1 fois la valeur comptable, 11,5 fois le bénéfice et plus de 6 fois le ratio EV/Ebitda escomptés pour 2021, la valorisation est également un atout. L’action est donc promue au rang de candidate à une intégration dans le portefeuille modèle.
Stratégie
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