Six bonnes raisons d’acheter des actions japonaises
Les investisseurs en actions japonaises ont vécu une traversée du désert longue de plus de deux décennies. Malgré le redressement entamé il y a quelques années par la Bourse de Tokyo, les actions nipponnes demeurent intéressantes, pour toute une série de raisons.
Les abenomics – cette politique d’assouplissement monétaire et fiscal sans précédent associée à des réformes structurelles au niveau des entreprises, mise en oeuvre à partir de 2012 – ont changé beaucoup de choses, moins toutefois sur les plans de l’inflation et de la croissance que sur celui des cours. Nous examinerons ici les arguments en faveur des actions japonaises.
1. Merci à l’inflation
L’envolée de l’inflation, en partie due à celle des prix des matières premières, pose problème à peu près partout dans le monde. Pour le Japon, en revanche, elle arrive au bon moment: l’inflation a enfin atteint, voire légèrement dépassé, l’objectif, fixé à 2%. En juillet, au terme de sa 11e augmentation mensuelle consécutive, elle était de 2,6%. Cela reste relativement peu, mais les analystes estiment que cette progression aura des retombées positives sur l’économie – peut-être va-t-elle enfin chasser le spectre déflationniste qui continue de hanter l’empire du Soleil levant, relançant ainsi un moteur économique en panne.
2. Yen en berne
La chute brutale du yen nous incite elle aussi à nous intéresser à nouveau au Japon, qui compte désormais parmi les pays développés les moins chers de la planète. Au cours de ces 30 derniers mois, l’euro s’est apprécié de 20% par rapport au yen. Depuis le début de l’année 2021, le dollar a gagné 30% face à cette devise. Il y a moins de 20 ans, le Japon était un des pays où la vie était la plus chère; aujourd’hui, les appartements tokyoïtes coûtent 50% de moins que des appartements comparables à New York. Selon des méthodes telles que la parité du pouvoir d’achat ou l’indice Big Mac, le yen est désormais de 40% à 45% plus faible que le dollar.
Les deux principales raisons à cette dépréciation sont les taux d’intérêt, toujours au plus bas – la Banque du Japon (BoJ) pratique une forme de contrôle de la courbe des taux – et le déficit de la balance commerciale, qui s’est largement creusé depuis le début de l’an dernier, en partie à cause de la flambée des prix des matières premières. Plusieurs secteurs d’activité, à commencer par les grandes entreprises exportatrices des secteurs de l’automobile et des semi-conducteurs, en profitent, même si les effets de la faiblesse de la monnaie sont moins marquants qu’auparavant, puisque de nombreux grands groupes ont délocalisé leur production, notamment en Asie du Sud-Est. La faiblesse du yen soutient également le tourisme. Ceci dit, ce n’est pas parce que la devise est au plus bas qu’elle va subitement remonter. Mais le pire semble passé et les analystes s’attendent à une intervention monétaire, dans l’hypothèse où le yen devrait chuter beaucoup plus encore.
3. Actions fondamentalement bon marché
Les actions japonaises sont bon marché. Le ratio cours/bénéfice (C/B prévisionnel sur 12 mois) peine à atteindre 12 après la dernière correction, alors que celui des Etats-Unis (S&P 500) est de 16. Evidemment, les marchés américains ont enregistré des résultats exceptionnels, grâce notamment à l’envolée de leurs principales valeurs technologiques, aux rachats massifs d’actions propres et au recours au capital-investissement, qui oblige les grandes entreprises à rester au taquet. La valorisation des actions nipponnes est identique à celle des actions européennes, mais le Vieux Continent est le théâtre d’une guerre, paie son énergie aux prix les plus élevés du monde et connaît une nouvelle crise de l’euro, due au creusement des écarts de taux entre les pays de la périphérie et ceux du Nord.
Plus rien n’explique vraiment pourquoi les actions japonaises sont si bon marché. Signalons qu’elles le sont principalement sur la base du rapport cours/valeur comptable, de 1,3 seulement fin juillet 2022, contre 3,9 pour les Etats-Unis et 1,8 pour l’Europe (source: MSCI).
4. Mal aimé et insuffisamment mis en relief
Le Japon est mal aimé. De nombreux investisseurs internationaux le croient toujours en état d’hibernation; ils continuent à lui associer déclin de la population, faible croissance économique et rendements des investissement décevants. Les Européens préfèrent se tourner vers les actions américaines. Le Japon est également insuffisamment étudié: sur les 2.000 actions qui composent l’indice Topix, plus de 68% sont suivies par deux analystes au maximum, contre 7% des titres de l’indice S&P 1500.
Cette situation présente des opportunités pour l’investisseur sérieusement à l’affût de bonnes affaires, dont les investisseurs dans des actions de valeur. Warren Buffett, l’investisseur en titres de valeur par excellence, a acheté en août 2020 pour 6 milliards de dollars d’actions japonaises. Il a exprimé à plusieurs reprises déjà cette année son intention de ne pas s’arrêter là.
5. Réformes
La cinquième évolution est induite par les réformes structurelles dans le secteur des entreprises, initiées en 2003 par le Premier ministre de l’époque; Jun’ichir? Koizumi avait privatisé l’entreprise postale japonaise, incitant les premiers grands investisseurs internationaux à se réconcilier avec le pays. Shinz? Abe avait poursuivi les réformes (2012-2020), dont il avait fait un des trois piliers de ses abenomics (il s’agissait principalement d’améliorer la gouvernance des entreprises et d’accorder davantage d’attention aux actionnaires). Les entreprises ont commencé à racheter plus d’actions propres, à verser plus de dividendes et à voir dans le rendement des fonds propres (ROE) un mécanisme de pilotage fondamental. Le rendement en dividende des actions nipponnes a dès lors grimpé à 2,5%. Les entreprises vont verser cette année un montant record en dividendes et poursuivre leurs programmes de rachat d’actions. Le potentiel de rachat reste très élevé – la plupart des entreprises sont assises sur une montagne de liquidités et relativement peu endettées.
6. Sous-pondération
Les actions japonaises représentent désormais 5,4% de l’indice MSCI All Country World, soit le pourcentage le plus élevé après les Etats-Unis. D’après les données du bureau d’études EPFR, les spécialistes des allocations d’actifs mondiaux sous-pondéraient le Japon de 1,5 point de pourcentage environ encore à la fin de 2021. Les investissements internationaux ont certes augmenté ces 20 dernières années, mais cette remontée est principalement le fait d’investisseurs passifs, qui placent “automatiquement” le Japon en position neutre. Le pays n’attire pas encore les investisseurs actifs; lorsque ce sera le cas, ses actions feront l’objet d’une demande structurelle plus intense.
Article repéré dans Beleggers Belangen
Stratégie
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici