Redressement en vue pour l’industrie des semi-conducteurs

Semi-conducteurs (illustration) © .

Ce secteur très cyclique se caractérise par une grande diversité et trouve des champs d’application très vastes. En situation de croissance structurelle, il devrait, malgré les aléas conjoncturels et politiques, amorcer prochainement un redressement.

Les statistiques de la Semiconductor Industry Association annoncent une chute de 16,8% en glissement annuel, à 98,2 milliards de dollars, des ventes mondiales de semi-conducteurs au 2e trimestre (-14,5% sur les six premiers mois de l’année). Le mouvement s’est initié au deuxième semestre de 2018. Le secteur est traditionnellement très cyclique mais comme il s’articule autour de plusieurs segments, les entreprises ne se trouvent pas toutes dans une phase d’avancement identique. Les semi-conducteurs forment un marché hétérogène: ils peuvent par exemple être classés selon leur architecture technique ou leur champ d’application. La plupart des producteurs se spécialisent dans un nombre relativement limité de modèles, mais certains préfèrent proposer plusieurs produits pour un même champ d’application. Les semi-conducteurs sont utilisés dans l’industrie automobile, les applications industrielles et le secteur médical, entre autres.

Plusieurs segments

Les puces-mémoire s’arrogent 50% environ du marché mondial des semi-conducteurs, dont elles constituent dès lors le principal segment. Il en existe plusieurs types, en fonction de l’application à laquelle elles sont destinées. Elles sont dites “cycliques précoces”, car toute baisse de la demande sur les marchés finaux (l’électronique grand public, par exemple) se fait très rapidement sentir. Dans ce segment, dont les principaux acteurs sont Samsung, Micron, Toshiba et Hynix, périodes de surcapacité et de déficit temporaire se succèdent. L’activité est actuellement en phase de suroffre, en raison notamment de l’essoufflement du marché des smartphones. Les microprocesseurs forment un segment important eux aussi. Les premiers rôles sont dévolus à Intel et, dans une moindre mesure, à AMD. Les modèles les plus avancés sont les Systems-on-a-chip, qui intègrent tous les composants d’un système donné dans une unique puce. Les équipementiers, dont les appareils servent à produire des semi-conducteurs, constituent une troisième catégorie de poids. Ce segment intervient en fin de cycle: lorsque le marché se redresse, la capacité excédentaire doit être épuisée avant que de nouveaux équipements ne soient commandés.

Perspectives en demi-teinte

Le marché connaît une croissance structurelle: le cycle fût-il orienté à la baisse, les producteurs investissent sans relâche dans les améliorations technologiques (processeurs plus rapides, plus petits et moins gourmands). Jadis surtout utilisés dans les ordinateurs, les semi-conducteurs équipent aujourd’hui réseaux, appareils de communication, centres de données et systèmes cloud. L’intelligence artificielle (IA), la voiture autonome et l’Internet des objets en sont d’énormes consommateurs. Pour le bureau d’études IDC, le marché de la maison intelligente enregistrera une croissance de 17% l’an en moyenne entre 2019 et 2023. La hausse des volumes est donc garantie. Dans un registre moins optimiste, la guerre commerciale constitue une menace pour l’économie mondiale et, donc, le redémarrage du secteur. Les analystes rappellent qu’en refusant de livrer certains composants à la Chine, les Américains ne font qu’accélérer le développement d’une technologie concurrente.

Redressement, mais quand?

Les cycles baissiers, dans cette industrie, sont plutôt courts: la discipline dont font preuve les producteurs permet d’endiguer rapidement l’offre excédentaire alors que côté demande, le marché croît structurellement. Dans le segment des puces-mémoire, Micron et Hynix ont d’ores et déjà pris des mesures destinées à contrebalancer la surcapacité, ce qui pourrait annoncer la fin du cycle baissier. Goldman Sachs pronostique en tout cas une remontée des marges cette année ainsi qu’au début de l’an prochain. Les résultats de Nvidia sont moins mauvais que prévu, mais AMD, Samsung et Infineon font depuis peu état de prévisions défavorables. L’équipementier Applied Materials estime lui aussi qu’aucune stabilisation n’est en vue à ce stade.

La stabilisation ne sera, ceci dit, qu’une première étape, et la forme que revêtira la reprise est incertaine. Compte tenu du contexte économique et politique, la probabilité d’une relance en V est très faible. La plupart des clients étant en phase de réduction des stocks, ils n’ont pas besoin de capacités supplémentaires; le scénario le plus probable est donc celui d’un redémarrage en L, lent et progressif.

Les puces en Bourse

Malgré le pessimisme ambiant, le secteur n’a pas à rougir de ses performances. Le Philadelphia Semiconductor Index (SOXX) fait cette année nettement mieux que le marché au sens large. Nous nous penchons, ci-dessous, sur Intel et Nvidia, respectivement les plus grands producteurs de microprocesseurs et de semi-conducteurs graphiques pour appareils mobiles. L’analyse de la semaine prochaine se concentrera sur les actions liées aux semi-conducteurs au Benelux.

Nvidia compte depuis plusieurs années parmi les entreprises du secteur dont la croissance est la plus vigoureuse. Processeurs graphiques, jeux de puces et logiciels liés constituent le coeur de ses activités. Elle doit à l’industrie du jeu la moitié de son chiffre d’affaires (CA), notamment grâce à l’alliance formée avec Nintendo, à qui elle fournit les puces qui équipent la console Switch. Un quart du CA provient des semi-conducteurs destinés à connecter les serveurs dans les centres de données. Dans ce segment, Nvidia a annoncé l’acquisition de Mellanox, mais l’opération n’a pas encore obtenu l’aval des autorités chinoises. Le groupe est par ailleurs actif dans le secteur automobile (véhicules autonomes), l’IA et le minage de cryptomonnaies, lequel souffre depuis quelque temps. Le secteur du jeu affiche toujours une vigoureuse croissance, alors que l’activité Puces pour centres de données cède du terrain pour l’instant – ce qui n’empêche pas Nvidia d’afficher une marge brute de 60%. Actif dans plusieurs segments porteurs, le groupe va continuer à enregistrer de la croissance. Bien qu’elle ait perdu un tiers de sa valeur depuis le sommet atteint en octobre 2018, l’action reste un peu trop onéreuse. Il s’agit toutefois d’une valeur intéressante, à laquelle nous allons accorder davantage d’attention.

Intel est, faut-il le rappeler, le premier producteur mondial de microprocesseurs pour ordinateurs. Sa division Semi-conducteurs pour applications mobiles a été liquidée après un long calvaire; l’activité Modems pour smartphones 5G a été cédée à Apple pour 1 milliard de dollars, ce qui va permettre à Intel de réaliser 400 à 500 millions d’économies supplémentaires cette année. La croissance n’est plus au rendez-vous. Les stocks de microprocesseurs ne sont pas encore écoulés et plusieurs des nouveautés proposées par AMD lui font concurrence. La guerre commerciale et la vigueur du dollar pèsent également sur les résultats d’Intel, dont l’augmentation des prix des produits ne suffit pas à compenser le recul des ventes. Bien que les prévisions pour l’exercice aient été revues à la hausse après la publication des résultats du dernier trimestre, le CA sera de 2% environ inférieur à celui de 2018. Les rachats d’actions propres devraient permettre au bénéfice par action d’augmenter légèrement. Vu la valorisation assez faible et le rendement du dividende (2,4%), l’action peut rester en portefeuille.

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