Le très prometteur marché des substituts de viande
Pour l’investisseur, ce marché évalué à 150 milliards de dollars est source d’opportunités.
Plus de 70% des consommateurs affirment vouloir vivre plus sainement et tout particulièrement manger moins, voire plus du tout, de viande. Par ailleurs, la protection, voulue ou forcée, de l’environnement, passe inévitablement par un régime pauvre en viande. Nous sommes donc incontestablement à l’aube d’une ère nouvelle. Le marché des succédanés de viande est estimé à 150 milliards de dollars. Cela fait belle lurette qu’il n’est plus l’apanage des végétariens.
Diminution de la consommation
Végétariens et végétaliens (forme plus restrictive du végétarisme) ne mangent pas de viande, pour des raisons généralement avant tout sanitaires. L’Organisation mondiale de la santé établit un lien entre consommation de viande rouge et certains cancers. Mais le groupe des acheteurs de succédanés de viande ne se limite plus aux végétariens et végétaliens stricts: certaines personnes veulent contribuer à réduire la souffrance animale, d’autres voient dans cette façon différente de consommer un moyen d’alléger leur empreinte écologique. Cette clientèle s’étoffe rapidement; son émergence a même engendré la création du terme ” flexitarien “, qui désigne les personnes qui n’ont pas renié la viande ou les produits carnés, mais qui optent régulièrement pour d’autres solutions.
Quatre générations
L’on distingue grosso modo quatre générations de succédanés de viande. La première se compose des ingrédients les plus anciens, comme le tofu et le tempé, à base de graines de soja et surtout connus des macrobiotes; à cette liste s’ajoute le falafel, fait de pois chiches. La deuxième génération est celle des insectes comestibles, un secteur dans lequel se distinguent, sans encore percer, une poignée d’entreprises belges. Il en va tout autrement des produits de troisième génération, dont l’apparence et la saveur sont proches de celles de la viande. Trois acteurs mènent la course en tête: Beyond Meat, qui utilise les protéines de pois, et Impossible Foods et Le Boucher Végétarien (repris par Unilever), qui travaillent le soja, auquel le second ajoute des graines de lupin. Les plantes permettent également de créer une espèce de scampi végétal. La quatrième génération, enfin, est produite par imprimante 3D. La start-up israélienne Redefine Meat et l’espagnole NovaMeat sont des pionnières en la matière. L’une et l’autre impriment des steaks végétaux.
Croissance fulgurante
Le marché de la viande végétale connaît une croissance telle que les entreprises spécialisées peinent à satisfaire à la demande. Les chaînes de fast-food sont très actives également. Le Boucher Végétarien va produire le Rebel Whopper de Burger King. Aux Etats-Unis, ce dernier a conclu un partenariat avec Impossible Foods. Au Canada, Lightlife, filiale de Maple Leaf Foods, fournit le burger au poulet d’origine végétale des restaurants Kentucky Fried Chicken (KFC). En Allemagne et en Israël, les hamburgers végétariens de Nestlé sont disponibles chez McDonald’s. Pour l’heure, la plupart des sociétés se concentrent sur l’Europe et l’Amérique du Nord, mais certaines se tournent désormais vers le gigantesque marché chinois.
Comme dans la quasi-intégralité des autres secteurs, le caractère durable de la production revêt un rôle de plus en plus important. Aux Etats-Unis, certains fabricants, soucieux de réduire leur influence sur le climat, mélangent des champignons à la viande de leur hamburger. Dans le même ordre d’idées, Burger King s’attelle à rééquilibrer le régime alimentaire des vaches dont il utilise la viande, pour réduire leurs émissions de méthane.
Beyond Meat, acteur “pure player”
Beyond Meat est actuellement l’unique acteur pure player coté en Bourse de ce segment. Ses produits sont disponibles dans plus de 112.000 supermarchés, restaurants (dont KFC) et hôtels. Le groupe a acquis une notoriété particulière lorsque Bill Gates est entré au capital – le multimilliardaire a investi dans Impossible Foods aussi. En Belgique, les hamburgers et autres produits d’imitation sont disponibles chez Delhaize, entre autres. Beyond Meat doit une grande part de son succès à la saveur, très convaincante, de sa gamme. Les pois y sont la principale source de protéines. Ses investissements dans la recherche et le développement absorbent près de 7% de son chiffre d’affaires (CA). Les frais élevés engendrés par sa croissance soutenue grèvent ses résultats; le groupe a récemment annoncé une perte de 10 millions de dollars, mais sa marge brute (30%) est encourageante et son CA croît de façon spectaculaire.
Le cours de l’action Beyond Meat a bondi de 85% en 2020. Comme tant d’autres, il a chuté en mars, lorsqu’a éclaté la pandémie. Reste que son redressement est extraordinaire. Ses causes sont diverses: Beyond Meat attire beaucoup d’investisseurs en quête de placements éthiques, certains institutionnels s’intéressent à sa politique durable… Quoi qu’il en soit, le marché des substituts de viande affiche une insolente croissance. Les groupes alimentaires internationaux en ont bien conscience. Certains concurrents de Beyond Meat, dont Impossible Foods, pourraient du reste faire leur entrée en Bourse également. Côté fast-foods, l’essai effectué par McDonald’s avec les hamburgers de Beyond Meat remporte un succès tel que la chaîne a décidé de développer et de produire elle-même un burger appelé McPlant; elle proposera une version végétale de son hamburger de poulet et de ses formules petit-déjeuner également. Voilà donc une opportunité pour l’investisseur conscient des risques, qui dispose d’un horizon de deux à trois ans au moins.
Les géants investissent
Nous le disions: les grands groupes sont eux aussi dans la course. En Belgique, le suisse Nestlé propose la marque Garden Gourmet dans les rayons des magasins Albert Heijn, entre autres. Ses produits d’origine végétale ont permis à Nestlé d’enregistrer l’an passé pour 200 millions de francs suisses (CHF) de CA aux Etats-Unis et en Europe; ce n’est certes qu’une fraction de son chiffre total (93 milliards CHF), mais la croissance de cette gamme tourne autour des 10% l’an; il n’est donc pas impossible que ces denrées représentent, dans quelques années, l’essentiel du CA du groupe. Comme ses produits à base de vraie viande composent toujours une part importante de son offre, Nestlé ne peut être qualifié d’acteur pur. Son titre ne s’est pas particulièrement distingué l’an passé. Il a violemment chuté en mars, avant de rapidement renouer avec des niveaux quasi normaux. A plus de 2,5%, le rendement en dividende pose un solide plancher sous le cours. Nestlé est une valeur de base dans le portefeuille de tout investisseur défensif.
Ce qui vaut pour Nestlé vaut aussi pour Unilever. Son cours n’a certes pas encore entièrement récupéré de la déconvenue du mois de mars, mais la multinationale néerlando-britannique a toujours été une vraie force tranquille. Cela fait près de cinq ans déjà qu’elle produit des denrées alimentaires d’imitation en collaboration avec Le Boucher Végétarien, qu’elle a racheté il y a deux ans. A l’époque, le CA de cette société néerlandaise atteignait 10 millions d’euros, alors que celui d’Unilever s’établit à 50 milliards d’euros par an. Soutenu par le marketing de la maison mère, le pôle progresse désormais considérablement. Tout comme celle de Nestlé, la gamme des produits Unilever reste d’origine essentiellement animale; le groupe n’est donc pas un pure player mais pour qui souhaite investir dans un secteur incontestablement prometteur, il est à n’en pas douter un excellent choix.
Stratégie
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