Investissements: cinq valeurs classiques en retrait

Aujourd’hui, mieux vaut investir en actions de valeur, car c’est surtout au niveau des actions de croissance que la correction, l’an prochain, va frapper.

Serions-nous revenus en 1999? Au vu de l’évolution des actions de croissance par rapport aux actions de valeur, la réponse est oui. Les premières n’avaient plus surperformé autant les secondes depuis les années 1999-2000. Le rapport entre le S&P 500 Value Index et le S&P 500 Growth Index est retombé aux environs de 0,65, alors qu’il culminait à près de 1,2 en 2008. Sur ces dix dernières années, le Growth Index a progressé plus de deux fois plus vite que le Value Index: +211%, contre +92%, alors que l’indice S&P 500 gagnait 149%.

Les actions de croissance américaines progressent de 15% en moyenne depuis le début de l’année, contre 2% seulement pour les actions de valeur.



Les proportions extrêmes désormais prises par cet écart ne laissent pas d’inquiéter: le S&P 500 affiche un gain de 8%, mais les valeurs de croissance ont bondi de 15%, contre 2% “seulement” pour les actions de valeur. Quelque 80% de la hausse du S&P 500 en 2018 sont à mettre au crédit des seules Apple, Amazon, Microsoft et Netflix. Aujourd’hui, mieux vaut investir en actions de valeur, car c’est surtout au niveau des actions de croissance que la correction, l’an prochain, va frapper. Le segment des valeurs classiques compte en effet de nombreux retardataires, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Voici cinq candidats à un redressement à relativement brève échéance.

1. AB InBev

Le plus grand brasseur du monde éprouve depuis quelques années des difficultés à convaincre. Si son chiffre d’affaires et ses bénéfices sont acceptables, ses volumes n’augmentent plus. Le ralentissement constant des ventes de bière aux Etats-Unis est préoccupant. L’accroissement n’a pas dépassé 0,3% (+0,7%, pour les bières maison) au cours des six premiers mois de 2018, car l’Amérique du Nord est, naturellement, un important marché. Les Américains boivent de moins en moins de pils classiques, comme la Budweiser et la Bud Light, auxquelles ils préfèrent désormais les bières spéciales, voire le vin et les cocktails. Malgré l’amélioration enregistrée au premier semestre, le marché brésilien suscite depuis peu de nouvelles inquiétudes. Ailleurs, les résultats sont excellents, en particulier dans des pays comme le Mexique ou la Chine. Mais AB InBev se singularise surtout par ses marges bénéficiaires, exceptionnelles pour le secteur. A 13 fois le rapport valeur d’entreprise (EV)/cash-flows opérationnels (Ebitda), l’action est assez faiblement valorisée par rapport aux autres géants des biens de consommation. Nous continuons de croire en une amélioration ces prochains mois et recommandons d’acheter (rating 1A).

2. The Coca-Cola Company

Au siège d’Atlanta, l’on n’aime plus être qualifié de géant des sodas. L’importance croissante accordée à la santé en Occident a engendré une diminution de la consommation de boissons riches en sucre ou contenant des édulcorants. A cela s’ajoute une sensibilité accrue au prix, qui incite le consommateur à se tourner vers les marques de distributeur ou les sodas maison (Sodastream, achetée par PepsiCo). The Coca-Cola Company n’en détient pas moins 40,2% de la part de marché mondiale des boissons rafraîchissantes. Si la croissance bénéficiaire par action a été tout sauf impressionnante ces dernières années, le bénéfice, de 0,61 dollar, enregistré au deuxième trimestre, est supérieur aux prévisions des analystes (0,60 dollar); il est aussi le bénéfice trimestriel le plus élevé du groupe depuis le deuxième trimestre de 2015. Le portefeuille évolue vers des produits plus sains, comme des boissons moins sucrées ou naturellement peu ou non sucrées. Plus de 200 produits ou variantes de boissons existantes ont été mis sur le marché rien que l’an dernier. Ce qui a permis à la direction d’annoncer une croissance de 8 à 10% du bénéfice par action pour 2018 (consensus: 2,08 dollars). A 22 fois le bénéfice escompté pour 2018, la valorisation n’évolue plus depuis quelques années, mais l’on peut désormais espérer une accélération de la croissance du bénéfice par action. C’est pourquoi nous avons récemment relevé notre recommandation à “acheter” (rating 1A).

3. General Electric

Après en avoir fait partie pendant plus d’un siècle, l’action a récemment été éjectée de l’indice Dow Jones. Il est loin, l’âge d’or du conglomérat industriel, alors dirigé par Jack Welch. Son successeur, Jeffrey Immelt, a transgressé à peu près toutes les règles de prudence et des acquisitions malheureuses (Alstom, Baker Hughes) l’ont poussé vers la sortie l’été dernier. Lorsqu’il a repris le flambeau, le fidèle John Flannery est allé jusqu’à diminuer le dividende de moitié pour souligner la gravité de la situation. C’est la deuxième réduction seulement du dividende depuis la Grande Récession des années 1930. Fin juin, John Flannery a présenté la nouvelle organisation du groupe – un conglomérat plus simple, plus solide et plus concentré. Vilain petit canard de Wall Street, General Electric doit retrouver sa place dans l’aéronautique (GE Aviation; 27 milliards USD de chiffre d’affaires en 2017), l’énergie (35 milliards USD) et les énergies renouvelables (9 milliards). Le chantier est colossal et le paquebot, difficile à manoeuvrer. Mais nous continuons de croire à un redressement d’ici trois ans. Notre recommandation: acheter (rating 1B).

4. General Mills

Créé à la fin du 19e siècle, General Mills produisait à l’époque des farines – primées à maintes reprises – pour les boulangeries. Aujourd’hui, les produits de boulangerie représentent toujours 11% de son chiffre d’affaires. Le groupe s’est pour le reste considérablement diversifié ces dernières décennies: il produit désormais des snacks (22%), des repas préparés (17%), des céréales (17%), des yaourts (15%), des pâtes (11%) et de la crème glacée haut de gamme (5%) – il est propriétaire de Häagen-Dazs. Parmi les autres grandes marques, citons Yoplait et ses 13% de part de marché en France. General Mills réalise près des deux tiers de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis. Comme celui du reste du secteur, son chiffre d’affaires fait du surplace. Le bénéfice par action continue certes à progresser, mais plus au même rythme. Il reste en outre beaucoup à faire au niveau du bénéfice. Le marché nous paraît toutefois faire preuve d’un pessimisme excessif. A acheter progressivement, sans se presser (rating 1B).

5. The Kraft Heinz Company

Issu de la fusion opérée en 2015, fort de deux actionnaires prestigieux (Berkshire Hathaway, de Warren Buffett, et 3G Global Food Holding, des actionnaires brésiliens d’AB InBev, notamment, comme Jorge Paulo Lemann), The Kraft Heinz Company est le cinquième groupe agroalimentaire mondial. La stagnation de son chiffre d’affaires alimente depuis un certain temps les spéculations à propos d’une possible acquisition. L’idée, émise l’an dernier, de reprendre Unilever, a très vite tourné court. L’on évoque depuis quelques mois l’américain Campbell Soup, dont les actionnaires familiaux semblent toutefois faire la sourde oreille, du moins pour l’instant. A 1,1 fois à peine la valeur comptable, 4,1% de rendement de dividende brut et un rapport valeur d’entreprise/cash-flows opérationnels de 14, l’action est attrayante. Nous continuons à recommander de l’acheter (rating 1A).

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