Des groupes miniers au bilan robuste

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Si au premier abord, la révision à la baisse des prévisions de croissance de l’économie mondiale est une mauvaise nouvelle pour l’industrie minière, secteur cyclique par excellence, il y a cependant peu à craindre pour les grands groupes.

Ces dernières années, les grands groupes miniers ont accumulé suffisamment de liquidités pour pouvoir notamment réduire leur endettement et renforcer leur bilan. Nombre d’entre eux affichent une bonne santé.

BHP: le CA le plus important

BHP Billiton est le premier groupe minier mondial s’agissant du chiffre d’affaires (CA) et il affiche une rentabilité plus élevée que la moyenne du secteur. Ses résultats semestriels ont cependant quelque peu déçu le marché. De juillet à décembre 2018, il a réalisé un bénéfice sous-jacent légèrement supérieur à 4 milliards de dollars, en baisse de 8% par rapport à la même période un an plus tôt et sous le consensus (4,2 milliards). L’an dernier, le minerai de fer a contribué à hauteur de 34% au CA et 38,5% au cash-flow opérationnel (Ebitda) de BHP, contre 30% pour le cuivre. Le recul du bénéfice est en partie imputable à la baisse de la contribution du cuivre ; une moindre qualité du minerai extrait de la mine Escondida et des interruptions de la production ont en outre empêché BHP de réaliser les économies espérées.

BHP tire un tiers de son CA des combustibles fossiles (pétrole et charbon). Lesquels, s’ils constituent une couverture naturelle contre la hausse des prix de l’énergie, accroissent cependant la volatilité des résultats. Ainsi la Chine envisage-t-elle d’imposer des restrictions aux importations de charbon provenant d’Australie. BHP en pâtirait sévèrement, dès lors que le charbon apporte un cinquième de son CA et de son bénéfice opérationnel. Sa dette nette est retombée sous les 10 milliards de dollars. La marge d’Ebitda du groupe s’établissait à 53% en 2018.

Rio Tinto, le plus généreux

Numéro deux mondial par le CA, Rio Tinto est toutefois le groupe minier qui rémunère le mieux ses actionnaires. Par ailleurs, il bénéficie le plus de la hausse des cours du minerai de fer. La division qui l’extrait apporte 46% de son CA et quelque 62,5% de son Ebitda. Elle affiche des marges très élevées (68%) et supérieures à celles de BHP Billiton (60%). Pourtant, à 45%, la marge bénéficiaire au niveau du groupe est, elle, inférieure à celle de son plus grand rival. Autrement dit: les autres divisions sont moins rentables.

Sa dépendance au minerai de fer constitue un atout actuellement, puisque les cours sont élevés et les perspectives, favorables. Rio Tinto n’en ambitionne pas moins de diversifier ses activités, notamment dans le cuivre. La part combinée du métal rouge et du diamant dans le CA du groupe est de 16%, mais la division Cuivre est moins rentable que celle de BHP. La division Aluminium fournit, elle, 30% du CA de Rio Tinto, mais elle est la moins rentable du groupe, avec une marge d’Ebitda de seulement 32%.

Glencore: moins cher mais plus risqué

Pour sa part, et bien qu’il compte une division Trading, qui achète et vend des matières premières, Glencore n’est pas actif dans le minerai de fer. En 2018, le cuivre s’adjugeait 40% du CA de sa branche industrielle, le charbon, 28% et le zinc, 20%. Glencore extrait en outre, mais à titre de produit secondaire, du cobalt de ses mines de cuivre et de nickel. L’an passé, il a réalisé un Ebitda record de 15,8 milliards de dollars, en hausse de 8% par rapport à 2017.

A compter de l’exercice courant, Glencore se concentre sur les matières premières qui contribuent à réduire les émissions de CO2 – le cobalt et le nickel. Il entend dès lors ne pas produire plus de 150 millions de tonnes par an de charbon destiné à l’industrie sidérurgique. Un accroissement de la capacité de ses mines n’est pas à l’ordre du jour.

Pour 2018, une part du bénéfice de 2,8 milliards de dollars sera versée aux actionnaires au titre de dividende. Glencore rachètera pour deux milliards de dollars d’actions propres, auxquels s’ajoutera un milliard, le produit attendu de la vente d’actifs non essentiels. Du fait des acquisitions et de la hausse des stocks, le groupe accuse une dette nette de 14,7 milliards de dollars, ou de 0,9 fois l’Ebitda.

Vale: réputation entachée

Avec 390 millions de tonnes par an, Vale est le premier producteur mondial de minerai de fer. Mais le groupe brésilien doit redorer son image, après que début février, un deuxième barrage lui appartenant a cédé, faisant bien plus de victimes qu’en 2015, un désastre par ailleurs environnemental. Cette fois, le marché mondial du minerai de fer en pâtit. En effet, l’exploitation de la mine de Brucutu, théâtre de l’accident, par exemple, d’où sont extraites 30 millions de tonnes l’an, a été interdite jusque récemment. Vale est contraint de modifier toutes les digues érigées selon une structure similaire à celle qui a cédé. Pour compenser la baisse de sa production, il va accroître la capacité de quelques-unes de ses mines, mais la perte nette s’élèvera à 45 millions de tonnes.

Le consensus ne table plus que sur un Ebitda d’un peu plus de 15 milliards de dollars (initialement 16,5 milliards). Vale devra s’acquitter d’une amende de 7,2 milliards de dollars, soit environ un cinquième de son CA. La catastrophe de 2015 lui avait déjà coûté 5,3 milliards. Cela dit, Vale n’est pas en danger. Ses résultats du quatrième trimestre n’ont pas encore été publiés, mais sur les douze mois précédents, le groupe a enregistré un Ebitda de 13,7 milliards de dollars. Dans la mesure où le groupe compte affecter 3,3 milliards aux investissements et 4,1 milliards aux dividendes, les cash-flows disponibles s’établiront à 6,3 milliards. Au lendemain de la tragédie de février, Vale a suspendu le rachat de ses actions et la distribution du dividende. Avec le montant ainsi économisé, il paiera le plus clair de l’amende.

Le cours de référence du minerai de fer (d’une teneur en fer de 62%) a bondi au-dessus du seuil de 90 dollars la tonne au cours des semaines qui ont suivi l’accident, atteignant ainsi son plus haut niveau depuis 2014, si bien que – quelle ironie! – Vale pourrait tirer profit de la situation. Dernièrement, le cours s’est stabilisé entre 80 et 85 dollars la tonne.

L’action Vale a dévissé de 24% le jour suivant la catastrophe, signant ainsi la plus forte baisse journalière de l’histoire de la Bourse brésilienne. Et bien que le cours ait déjà regagné 80%, la valeur de l’entreprise correspond à peine à 4 fois l’Ebitda attendu, soit un ratio nettement inférieur à celui de BHP (6) et de Rio Tinto (5,5). Naturellement, rien ne dit que cet écart de valorisation sera comblé rapidement, dès lors que les rémunérations des actionnaires sont suspendues et qu’on ignore encore à combien se monteront les frais juridiques.

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