C’est le moment d’acheter des actions de producteurs d’or

Plusieurs facteurs pourraient inciter les producteurs d’or à s’allier, dont le fait qu’il soit plus simple d’étoffer les réserves en procédant à des acquisitions.

Le secteur des mines d’or a vécu deux mégafusions en l’espace de quatre mois. En rachetant Randgold Resources, pour un montant de 6,5 milliards de dollars, Barrick Gold est devenu le plus grand producteur d’or au monde. Pas pour longtemps toutefois, puisqu’il vient d’être dépassé par la combinaison Newmont Mining – Goldcorp (10 milliards de dollars). Barrick a bien essayé de torpiller l’acquisition de Goldcorp en émettant une offre sur Newmont, mais en vain. Ces transactions n’ont pas déclenché de consolidations majeures – pour l’instant.

Réserves

Plusieurs facteurs pourraient inciter les producteurs d’or à s’allier. Tout d’abord, l’extrême fragmentation du secteur, composé d’une poignée de majors, de quelques dizaines de producteurs de taille moyenne et de plusieurs centaines de petites entreprises spécialisées dans l’exploration. Collaborer permet d’exploiter plus efficacement infrastructure, capitaux et main-d’oeuvre, et donc de compresser les coûts. Les investisseurs montrent actuellement peu d’intérêt pour l’or et les actions minières, parce que les marchés d’actions et d’obligations, de même que l’immobilier, se portent bien. Ils considèrent en outre les producteurs individuels comme très risqués. Du reste, plus le producteur est grand, plus il a de chances d’être repris dans des indices, fonds ou trackers spécialisés.

Le cours de l’or a nettement baissé depuis le sommet atteint en 2011. Cela fait six ans maintenant que le métal jaune fluctue dans une fourchette assez étroite qui va de 1050 à 1350 dollars l’once troy. Toute baisse du cours engendrant une diminution des revenus, les actionnaires incitent les directions à alléger l’endettement et à limiter les dépenses… au détriment des budgets d’exploration et des découvertes de nouvelles réserves. Les investissements dans la recherche de nouveaux projets ont donc cédé 70% en moyenne depuis 2009.

Or disposer de réserves est une condition sine qua non à la viabilité des entreprises. Idéalement, les découvertes doivent correspondre chaque année, au minimum, aux quantités produites, ce qui est toutefois rarement le cas. Les gisements les plus riches et les plus accessibles, dans les régions favorables à l’industrie, ont été exploités depuis longtemps. Les producteurs doivent donc se rabattre sur des zones moins accessibles ou des juridictions politiquement plus instables, ce qui accroît à la fois les risques et les coûts.

Il est par conséquent plus facile d’acheter des réserves ou des projets quasi “clé sur porte” que de parcourir le long et coûteux cycle “exploration – découverte – permis – financement – production”. Le fait qu’il soit plus simple d’étoffer les réserves en procédant à des acquisitions est la principale raison pour laquelle nous prévoyons des consolidations.

Tournant du siècle

L’on avait assisté à une telle vague au tournant du siècle. En 2002, Newmont s’était hissé au rang de premier producteur au monde, détrônant le sud-africain AngloGold Ashanti. Le podium était complété par Barrick, qui avait lui aussi procédé à plusieurs acquisitions. Près de deux décennies plus tard, le classement n’a pas changé.

L’histoire se répète donc, sous l’influence, une fois encore, des grands acteurs. Comme autrefois, les primes sont, en ce début de cycle, plutôt basses (les acquéreurs ne sont pas encore prêts à débourser beaucoup plus que la valeur de l’entreprise sur le marché). Après les fusions, tant Barrick que Newmont vont devoir se défaire de plusieurs actifs devenus étrangers à leur stratégie et/ou géographiquement incompatibles. Ces mines individuelles seront sans doute absorbées par d’autres groupes, grands ou moyens. Les plus petites entreprises n’entreront dans la danse qu’à un stade ultérieur.

Les acquéreurs devront se montrer plus généreux à mesure que l’on avancera dans le cycle. Des primes toujours plus élevées ont été payées – jusqu’à l’écoeurement – entre 2003 et 2011. Le point culminant du dernier cycle a coïncidé avec le sommet historique, en termes nominaux, atteint en août 2011. A l’époque, certaines acquisitions, comme celle de Red Back Mining par Kinross Gold, s’étaient payées au prix fort. Les primes ont creusé l’endettement des grands acteurs, qui n’ont pu reprendre le contrôle que très récemment. Le cycle peut donc progressivement redémarrer – avec, à la clé, une augmentation des primes.

Diversification

Investir dans des sociétés d’exploration est risqué. Ces entreprises n’ont guère d’actifs productifs: elles ne possèdent qu’un ou plusieurs gisements inexploités, dont la rentabilité commerciale n’est pas démontrée. Si les études de faisabilité se révèlent concluantes, c’est là que le travail commence. L’obtention des autorisations et, surtout, des financements, constituant un obstacle majeur, la plupart des entreprises se mettent à ce stade en quête de partenariats, leur objectif étant souvent de livrer un projet “vendable”. En phase initiale surtout, il reste difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. Suffisamment d’exemples montrent que les études de faisabilité ne font pas tout. Bien que les réussites individuelles suscitent un vif intérêt, nous recommandons de limiter le poids des entreprises d’exploration dans le portefeuille.

Lors de la vague de consolidations à venir, ce sont sans doute les producteurs dont la valorisation fluctuera entre 500 millions et 3 milliards de dollars environ, qui recèleront le plus de potentiel. Soit un noyau de quelques dizaines d’entreprises dont les sièges sont majoritairement établis aux Etats-Unis, au Canada et en Australie. Sous ce seuil, le risque augmente de manière exponentielle. Quant aux très grands noms, ils sont, depuis les mégafusions, moins intéressants.

La plupart des trackers spécialisés se concentrent sur les grands groupes, mais certains préfèrent les petites et moyennes capitalisations. L’ETF Van Eck Vectors Junior Gold Miners est numéro 1 dans ce segment. Sa version européenne est cotée en Bourse de Francfort (Xetra, ticker: G2XJ). La composition du sous-jacent n’est toutefois pas optimale: il contient plusieurs grands noms (Kinross, Gold Fields, Evolution Mining, Northern Star Resources, Buenaventura et Pan American Silver) qui, vu leur valeur boursière, n’ont rien à faire dans le segment junior alors que leur poids combiné atteint tout de même 33%. La composition de l’ETF Sprott Junior Gold Miners (SGDJ) et de l’ETF Global X Gold Explorers (GOEX) est plus intéressante… mais ces produits ne sont plus disponibles en Europe. Rien n’empêche toutefois d’acheter individuellement les titres qui les composent.

Catalyseur

Reste à savoir ce qui provoquera la phase suivante de la consolidation. Le plus logique serait une hausse du prix de l’or. Les prix étant fixés par le marché, les producteurs n’ont aucun pouvoir de tarification. Si les coûts restent à peu près stables, une hausse du cours de l’or engendrera une augmentation brutale des cash-flows; si cette hausse se maintient (en d’autres termes, si l’or franchit le cap des 1.370 dollars l’once de manière convaincante), la valeur de la production future et des réserves s’envolera elle aussi. Or le métal jaune s’est plusieurs fois cassé les dents sur ce niveau de résistance depuis 2013. Attendre une percée n’a donc guère de sens. Sur le plan des primes d’acquisition et des valorisations, la situation est comparable à ce qu’elle était il y a 20 ans. C’est donc le moment d’acheter des actions de producteurs d’or.

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