Quand la SNCB innove avec une nouvelle version de son application
Améliorer les services de la SNCB ne passe pas seulement par l’achat de nouveaux trains. Ici, c’est son application mobile qui vient d’être renouvelée, alors que de nouveaux services sont actuellement en phase de tests dans son Innovation Lab.
Alors que la SNCB a commandé en décembre 200 nouvelles voitures M7 au constructeur Bombardier-Alstom, l’entreprise publique vient de lancer ce 20 janvier une version plus personnalisée de son application mobile qui permet aux voyageurs de consulter les horaires, établir leurs trajets et acheter des tickets.
L’appli, c’est le guichet numérique qui monte, représentant actuellement plus d’un ticket vendu sur 10. On pourra désormais y acheter les anciens Go Pass et Rail Pass, devenus Youth Multi et Standard Multi, mais aussi vérifier le taux d’occupation des rames. Fourni jusque-là par une application séparée, ce service connu sous le nom de Move Safe est une source d’information précieuse et rassurante en ces temps de pandémie, pour éviter les trains trop remplis.
Malgré son âge respectable, la SNCB tient manifestement à se montrer innovante. En novembre 2019, elle a notamment créé un “Innovation Lab”: une cellule transversale mise sur pied en dehors du service informatique, qui encourage les innovations (surtout digitales). Objectif: améliorer la relation avec la clientèle et tâter des idées nouvelles. Pas pour faire branché mais pour attirer davantage de voyageurs.
Voyager sans acheter de ticket
Actuellement, l’Innovation Lab teste une application qui permet de prendre le train sans acheter de ticket au préalable. “Quand le passager arrive à la gare, il peut faire un check-in pour indiquer qu’il prend le train, ou alors c’est l’appli qui détecte le voyageur et lui demande de confirmer qu’il entre dans un wagon, explique Stefan Costeur, responsable de l’Innovation Lab et de la cellule digitale de la SNCB (marketing et ventes numériques). Quand il arrive à destination, le passager l’indique dans l’application, soit cette dernière le détecte automatiquement, et le prix du trajet est alors établi et débité. Nous avons réalisé un test de faisabilité technique avec 400 personnes et nous allons bientôt en lancer un nouveau avec le concours d’une dizaine de milliers de voyageurs.”
Nous allons bientôt lancer un nouveau test, avec le concours d’une dizaine de milliers de voyageurs.
Stefan Costeur, responsable de l’Innovation Lab et de la cellule digitale de la SNCB
Ce système de ticket “automatique” a déjà été mis en place en Suisse et c’est une société helvétique, Fairtiq, qui aide la SNCB. ” Là-bas, le système permet de mieux profiter de la tarification parce qu’il y existe une politique de prix last minut, avec des tarifs différents selon qu’on est en heure de pointe ou en heure creuse. Il fonctionne aussi en combinant plusieurs transports: trains, bus ou trams”, poursuit Stefan Costeur. L’enjeu de ce type de service est de réduire à rien, ou presque, les barrières pratiques à l’usage des transports en commun. “Si tout se passe bien, on pourrait imaginer que cette fonction figure dans une version ultérieure de l’application de la SNCB”, assure Marc Huybrechts, membre du comité exécutif de la SNCB, chargé du marketing et des ventes.
Pas seulement une histoire de jeunes
Pour la SNCB, le digital est en effet un des véhicules permettant d’augmenter la qualité de ses services. “Elle s’est fort améliorée”, avance Marc Huybrechts, qui aligne les chiffres des enquêtes de satisfaction. “Ceux-ci sont passés d’un indice de 60% de clients satisfaits et très satisfaits en 2018 à 75% dernièrement”, indique-t-il. Les chiffres de la ponctualité seraient, eux aussi, “en forte hausse”. La vente des tickets a aussi été très largement numérisée. Les bornes (appelées TVM par la SNCB) disponibles à toutes les gares et les points d’arrêts sont encore le premier le canal de distribution des titres de transport. Mais 25% des ventes s’opèrent désormais via le web et les applications, en forte croissance. Quant aux guichets, disponibles dans les gares grandes et moyennes, ils ne représentent plus qu’un petit 20% (tickets et abonnements), le solde étant constitué notamment par les ventes à bord.
Comme transporteur public, la SNCB ne cherche pas à obliger tous les utilisateurs à utiliser un seul canal numérique. Elle n’oublie pas que la fracture digitale reste une réalité et que le ticket papier et les guichets, dont la disparition est parfois regrettée, a encore des adeptes. Mais aujourd’hui, ce groupe serait désormais très réduit. “Nos enquêtes montrent que plus de 95% des voyageurs sont d’accord et prêts à utiliser les canaux comme les automates, le web ou l’appli”, continue Marc Huybrechts. Et d’après le directeur, les seniors ne trancheraient pas beaucoup avec la moyenne. “Ils sont tout de même environ 80% à être prêts à utiliser le web, l’appli ou l’automate. Ce n’est pas seulement une histoire de jeunes.”
Sauf que par expérience, la SNCB sait que les clients ne changent pas facilement de canal. “C’est culturel, c’est la force de l’habitude, concède Stefan Costeur. Le réflexe de télécharger l’application n’est pas toujours présent à l’esprit, Mais après une première utilisation, 90% de ceux qui l’ont téléchargée continuent à en faire usage.”
L’enjeu des heures creuses
Les développements numériques peuvent contribuer à augmenter la fréquentation des trains aux heures creuses. C’est l’un des soucis de la SNCB, dont le parc de trains est dimensionné en fonction des heures de pointe. Tous les ans, l’offre y augmente, comme la fréquentation. “A peu près de 3,5% par exercice, sauf en cette période de pandémie”, indique Marc Huybrechts. Voilà pourquoi la SNCB étudie la possibilité d’appliquer des tarifs off peak pour encourager l’usage du train en heures creuses. Les canaux numériques pourraient y contribuer. Ils le font d’ailleurs déjà: en 2019, les trajets off peak avaient augmenté de 6% en un an.
Nos enquêtes montrent que plus de 95% des voyageurs sont d’accord et prêts à utiliser les canaux comme les automates, le web ou l’appli.”
Marc Huybrechts, directeur marketing et ventes de la SNCB
“Comme les canaux digitaux nous donnent plus d’informations sur les déplacements des voyageurs, ils nous permettront de fournir des informations plus ciblées, pouvant inciter à prendre davantage le train”, continue Marc Huybrechts. Par exemple, “si un nouveau plan de transport ajoute des fréquences sur la gare de La Hulpe, on pourrait informer directement les usagers de cette gare, via l’achat de tickets par nos canaux numériques”, illustre le directeur. Le tout, “dans le respect des règles RGPD”.
L’application SNCB, qui est renouvelée ce 20 janvier, est un cheval de bataille pour cette évolution. Elle pourrait devenir demain le canal principal de vente des tickets et d’outil pour le voyageur. Dans le futur, de nouvelles formes d’abonnements flexibles devraient y être intégrées. Cette application aidera en outre le client à mieux naviguer dans les tarifs, qui sont parfois un peu compliqués.
Collaborer avec les autres réseaux
L’outil a en tout cas été remodelé en profondeur. “L’application doit pouvoir absorber la croissance”, explique Stefan Costeur, et encaisser l’achat de dizaines de milliers de tickets tous les jours. Mais elle va continuer à évoluer. La priorité est d’y ajouter des informations sur les parkings attenant aux gares et donc d’y acheter aussi son ticket de parking. Elle pourrait aussi intégrer l’achat de titres de transport sur les autres réseaux publics (Stib, Tec et De Lijn), qui sont de toute façon déjà implémentés dans le planificateur d’itinéraires de l’application. “C’est prévu dans le roadmap 21-22″, argue Stefan Costeur. Du moins si la pandémie ne ralentit pas trop les travaux. Comme le rappelle le responsable, cette formule existe déjà depuis longtemps pour les abonnements, dont certains intègrent le rail et les autres transports en commun (abonnements MTB Bruxelles sur carte Mobib, par exemple).
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Autre priorité: modeler le planificateur pour qu’il puisse tenir compte, en temps réel, des retards, perturbations locales ou annulations de trajets des autres réseaux de transport en commun. A l’heure actuelle, ce n’est pas encore le cas: à part pour le rail, les trajets et les combinaisons de transports proposés dans le planificateur de la SNCB partent encore de l’horaire théorique de ces réseaux. Cette intégration est pourtant importante si l’on veut rendre le système plus fiable aux yeux des voyageurs et augmenter leur confiance dans les transports en commun.
Tester des idées
Beaucoup d’entreprises grand public qui cherchent à faire un bond dans le numérique se sont déjà soumises à ce rite de l’Innovation Lab, soit la création d’une équipe transversale qui cherche et teste des idées nouvelles hors des processus d’une grande structure. A la SNCB, c’est Stefan Costeur qui a proposé l’idée et en assure la direction. Le Lab occupe aujourd’hui 10 personnes. Une cellule que la crise du Covid a bien mise à contribution, puisque son application Move Safe, qui informe le voyageur du taux de fréquentation des trains, a été imaginée durant la pandémie et lancée en septembre. Parmi les autres idées actuellement à l’étude, notons ausi ce QR code nouvelle génération à coller aux murs des gares et qu’un smartphone peut lire de loin, à destination des malvoyants.
Reste que l’Innovation Lab ne gère pas les applications de la SNCB. Son travail, c’est de générer de nouvelles idées. Jouant un rôle d’étude, il ne met donc pas en oeuvre lui-même ces avancées. Dès qu’une de ses idées est jugée mûre et testée, elle passe en production via les services IT et marketing. Mais tout n’est pas forcément implémenté. “Sur une dizaine de projets, trois ont été retenus”, explique Stefan Costeur.
L’impact du télétravail
La pandémie met la SNCB sous pression: elle doit assurer un service complet avec une fréquentation en fort recul. “On pense aussi à la suite car le télétravail s’est accéléré avec le Covid au point qu’il faut créer des formules d’abonnement plus flexibles, estime Marc Huybrechts, directeur marketing et ventes de la SNCB. Avant la crise sanitaire, 40% de nos abonnés pouvaient effectuer leur tâche en télétravail un jour par semaine, selon nos enquêtes. Ce niveau devrait passer à 50%, voire 60%, de nos abonnés, pour une moyenne de deux à trois jours semaine. Cela va influencer l’usage du train.” Or; la SNCB n’offre que des abonnements à temps plein ou à mi-temps. “Nous devrons innover et nous adapter pour proposer de nouvelles formules, comme vient de le faire la Stib avec sa carte de 100 trajets sur trois mois.” L’approche numérique, par smartphone, pourrait contribuer à faciliter ces futures offres.
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