Delhaize : quelle conséquence en cas de bataille au finish ?

Les syndicats s’attendent à un conflit qui risque de s’éterniser chez Delhaize. Pour durer, ils envisageraient de ne faire grève que les samedis, de façon à réduire la perte de salaire. Est-ce que cette grève peut vraiment mettre en danger Delhaize si elle dure trop longtemps ?

Réunis mardi après-midi en front commun, les syndicats se sont accordés sur un plan d’action qu’ils entendent déployer au cours des prochaines semaines. S’ils en réservent la primeur aux employés et à la direction, il se murmure que pour permettre au mouvement de ne pas s’essouffler trop vite, les syndicats envisagent sérieusement de morceler la lutte. Par exemple, ils ne feraient grève chez Delhaize que les vendredis après-midi et le samedi. Soit à la période où l’enseigne fait le plus gros de son chiffre d’affaires selon De Standaard.

Une motivation qui ne faiblit pas

« Nous sommes déterminés à faire retirer ce plan dans son ensemble« , a ainsi affirmé la présidente du SETCa, Myriam Delmée à l’agence Belga. « Le front commun – ouvriers et employés – est plus fort que jamais. D’autant plus que le plan concernerait déjà la suppression de 247 postes dans les services centraux« , ajoute-t-elle.  

Un chiffre que confirme le représentant du syndicat chrétien ACV Puls (équivalent flamand de la CNE), Frank Convents. « Cela a été mentionné sur l’une des diapositives présentées par la direction. Quelque 280 postes disparaîtraient avec le projet de franchise, dont 247 sont occupés par du personnel propre et 33 par des externes. Dans ce cas, il s’agirait d’un licenciement collectif et la loi Renault devrait s’appliquer », a-t-il précisé.

Selon De Standaard et l’Echo, 72 nouveaux postes adaptés au nouveau profil du groupe seront par contre créés. Des postes auxquels pourra postuler le personnel. Par ailleurs, le rythme du passage sous franchise va s’étaler sur de longs mois et déterminera le rythme des suppressions d’emploi au siège. Les intérimaires par contre ne seront pas reconduits.

La grève chez Delhaize ? Surtout du côté francophone

Mardi, les 128 magasins n’étaient plus tous fermés puisque 30, principalement en Flandre, avaient ouvert leurs portes. Ce mercredi, 44 sont ouverts et 84 sont fermés. C’est surtout à Bruxelles et en Wallonie que la volonté d’agir reste forte avec un seul magasin ouvert. Les 43 autres magasins ouverts se trouvent en Flandre. Selon De Standaard, Delhaize a reporté les négociations sur la vente des magasins qui devaient commencer cette semaine. Selon Delhaize, il y aurait déjà 150 candidats à la reprise de magasins. Les candidats seraient « des propriétaires actuels de magasins affiliés Delhaize, d’employés de Delhaize, ainsi que des candidats externes ».

Top 5 des magasins qui seraient les plus rentables 

1:Chazal (Schaerbeek)

2) Fort Jaco (Uccle)

3) Flagey (Ixelles).

4) Genval

5) Nivelles

Toujours selon Delhaize, les indépendants reprendraient l’ensemble du personnel des magasins, soit 9 200 personnes. Toujours selon Delhaize, les employés conserveraient non seulement leur emploi, mais aussi tous les avantages sociaux. Des promesses que les syndicats ne semblent pas prêts à croire et qui serviraient juste à contourner la loi Renault.

Combien de temps est-ce tenable ?

Mardi matin, direction et syndicats se sont rencontrés pour la première fois depuis l’annonce. La réunion a toutefois tourné court. Après un quart d’heure, les deux parties se sont quittées sur un « désaccord total », ont proclamé les syndicats à leur sortie. À ce stade, les syndicats ne prévoient pas de nouvelles discussions avec la direction avant les deux conseils d’entreprise prévus les mardis 21 et 28 mars prochains.

Si la grève et la fermeture des magasins représentent une énorme perte en chiffre d’affaires pour Delhaize (entre 70 et 75 millions d’euros par semaine selon Roel Gevaers, économiste à l’Université d’Anvers et spécialiste de la chaîne d’approvisionnement), les grévistes ne sont pas payés non plus. Garder tous les magasins fermés pendant longtemps n’est donc simplement pas tenable financièrement. De quoi mettre la pression des deux côtés, surtout si le combat s’annonce comme un marathon.

Pas une grève surprise

Il existe tout de même une différence. Ahold Delhaize s’est plus que probablement préparé à l’éventualité d’une grève et ses conséquences. Celle-ci n’aura probablement qu’un impact limité sur le groupe lui-même qui est l’une des plus grandes chaînes de supermarchés au monde. Le holding possède ainsi des supermarchés dans 10 pays, emploie 414 000 personnes et exploite près de 8 000 magasins. Vu comme ça, 128 magasins ce n’est pas grand-chose. Gevaers explique aussi à la VRT que « l’année dernière, Ahold Delhaize a réalisé un chiffre d’affaires global de 87 milliards d’euros, dont 2,5 milliards d’euros de bénéfices ». Là aussi, quelques millions d’euros de ventes en moins devraient facilement être digérés.

Et la mauvaise image que cela peut donner à la marque ? Malgré une certaine indignation, pas de quoi faire beaucoup de mal sur le long terme. La plupart des gens oublient vite et s’intéressent surtout aux prix.

Un cas d’école ?

Plus cynique encore, la réorganisation proposée par Delhaize pourrait même devenir un cas d’école. Si elle passe, elle pourrait devenir un modèle pour ceux qui souhaitent transférer les obligations sociales de plusieurs milliers de ses propres employés sans devoir négocier un plan social.

Aujourd’hui, les principales enseignes encore présentes avec leurs propres magasins sont Colruyt, Aldi et Lidl. Il est plus que probable qu’eux aussi voudront d’une façon ou d’une autre adapter leur modèle. Soit autant d’enseignes qui regardent probablement depuis le balcon pour savoir s’il est intéressant ou non de franchiser à tout va. Et qui vont certainement tirer des leçons des erreurs, mais aussi des succès, de Delhaize.

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