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“Taxe Gafa et politiciens ignorants”

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

La France a décidé, le 11 juillet dernier, de mettre en place sa propre “taxe Gafa”, du nom de quatre géants du numérique : Google, Amazon, Facebook et Apple.

La France considérait que ces entreprises multinationales payaient trop peu d’impôts en France, ce qui est pourtant logique puisque ces entreprises ne sont pas françaises et ne créent pas leur richesse en France. C’est d’ailleurs là une faiblesse de la France et de l’Europe, en général : les entreprises technologiques ne s’y installent jamais ou ne s’y développent pas, les quatre firmes pré-citées étant toutes américaines et n’ayant comme concurrents crédibles, en général, que des entreprises asiatiques. L’Europe, à cause de son système d’enseignement peu élitiste, sauf au Royaume-Uni, et de la lourdeur de ses charges sociales et fiscales n’est, il faut le remarquer, en général guère attrayante pour les entreprises innovantes.

L’idée était donc de taxer à concurrence de 3% la totalité des ventes en France des entreprises de ce secteur dont le chiffre d’affaires mondial excède 750 millions d’euros, dont au moins 25 millions en France. En réalité, le nombre de firmes visées excède les quatre Gafa mais ces entreprises étrangères à la France représentent la grande majorité des taxes dues à ce titre. Amazon, qui ne vend pas seulement des marchandises propres mais aussi, moyennant de plantureuses commissions, des produits d’entreprises petites et moyennes sur les market place de son site, a très rapidement annoncé qu’elle répercuterait la taxe sur ses fournisseurs, dont beaucoup sont français. Elle ne le dit pas, mais il est très probable aussi que, d’une manière ou d’une autre, elle reportera la taxe de ses propres produits tout simplement sur les consommateurs, en majorant ses prix lorsque cela n’entrave pas sa position concurrentielle.

Cette réaction est particulièrement prévisible, tant le transfert d’impôts par l’entreprise qui en est redevable sur des tiers est une manoeuvre courante. Cela n’a pas empêché l’ancien secrétaire d’Etat français au Numérique, Mounir Mahjoubi, d’hurler que ce comportement serait inacceptable. Ce politicien ignore vraisemblablement que la plupart des impôts finissent, de manière directe ou indirecte, par être répercutés par leurs contribuables légaux sur de tierces personnes. Le cas le plus flagrant est la TVA, due uniquement par les assujettis à l’Etat, mais qui est toujours répercutée sur les consommateurs. Dès le départ, elle a toujours été conçue, d’ailleurs, comme une taxe sur la consommation. Lorsque l’on se rend dans un magasin, la TVA est tout simplement inclue dans le prix et c’est le consommateur qui la paye au distributeur, dont le rôle est seulement de collecter de l’impôt, mais non de le supporter personnellement.

Comme pour tous les droits de douane, la victime est toujours le consommateur, amené à renoncer au produit de son choix ou à le payer plus cher.

Les impôts sont des coûts, dont la caractéristique est d’être sans contre-partie de la part de leur percepteur, l’Etat, les Régions, les communes ou toute autre entité publique. Comme les autres charges qui grèvent les entreprises, il faut bien qu’elles se retrouvent quelque part, répercutées dans le chiffre d’affaires. Et il en est même ainsi des impôts payés sur les salaires du personnel qui, comme ceux-ci, font partie du coût salarial de l’entreprise.

Cette façon de répercuter l’impôt est quasi généralisée, sauf lorsque l’entreprise n’en a pas la possibilité en raison de la concurrence par des firmes qui ne devraient pas le supporter. C’est la raison pour laquelle les entreprises des pays lourdement taxés, comme la France et la Belgique, subissent une perte concurrentielle, résultant de ces charges que les entreprises établies sous des cieux fiscalement plus cléments ne supportent pas. Lorsqu’une nouvelle taxe est introduite, elle finit donc toujours par être répercutée, sauf lorsque les entreprises qui en font l’objet sont ainsi défavorisées. Dans ce cas, leur choix logique est d’aller s’établir à l’étranger si c’est possible.

Ajoutons que la menace de représailles de Donald Trump, qui annoncé une possible taxe sur les vins français aux Etats-Unis, devrait avoir des conséquences comparables. Si ces vins sont taxés, la taxe qui les grèvera – en l’occurrence des droits de douane – ne sera pas payée par le producteur français mais bien par le consommateur américain, sur qui cette taxe sera répercutée. Comme pour tous les droits de douane, la victime est toujours le consommateur, amené à renoncer au produit de son choix ou à le payer plus cher. Ce qui est étonnant, c’est l’ignorance des politiques, qui s’imaginent que les impôts sont payés par ceux qu’ils ont choisis pour cela.

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