“Les primes à l’énergie et la réduction de la TVA ne sont pas nécessaires pour une famille de la classe moyenne”

Une grande partie des primes énergie octroyées aux ménages n’a pas l’effet escompté. La plupart des avantages financiers aboutissent sur des comptes d’épargne. C’est ce que révèle une étude de la Banque nationale et de l’Université de Gand, rapporte De Standaard.

Une étude de l’UGent et de la BNB, rapportée par le journal flamand De Standaard, dresse un tableau critique de l’approche du gouvernement concernant l’aide apportée aux ménages dans le contexte de flambée des coûts de l’énergie. Selon les chercheurs Gert Peersman (Université de Gand) et Joris Wauters (Banque Nationale), de nombreuses familles sont surcompensées par les généreuses aides publiques. Par conséquent, ils sont moins enclins à réduire leur consommation d’énergie.

Sur les trois mesures de soutien prises par le gouvernement, deux n’ont qu’un effet limité, selon les auteurs de l’étude. La réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité est particulièrement critiquable selon eux. La plupart de ces avantages financiers aboutissent en réalité sur les comptes d’épargne des ménages. C’est également le cas pour les primes d’énergie. “L’efficacité de ces mesures est faible“, écrivent les chercheurs.

Petit rappel : dans le cadre de la crise énergétique, le gouvernement a notamment décidé d’octroyer une réduction sur les factures de gaz et électricité. Elle est valable de novembre à mars. Il s’agit d’une déduction de 135 euros par mois sur la facture de gaz et de 61 euros par mois sur la facture d’électricité. Cette mesure est destinée à la classe moyenne. Les personnes bénéficiant du tarif social, soit 20% des ménages, en sont exclues.

Et les petits acomptes?

Cependant, force est de constater que parmi ces ménages, certains paient à l’heure actuelle des acomptes mensuels moins élevés que 61 euros pour l’électricité et 135 euros pour le gaz. Ils n’ont pas une facture cumulée de 196 euros par mois, soit le montant de la mesure de soutien.

Les raisons sont diverses: ils bénéficient encore de contrats fixes à prix intéressants, ont une consommation faible, ou sont aidés par des panneaux photovoltaïques. Ils recevront pourtant bel et bien la prime du gouvernement. Leur facture d’acompte sera réduite à zéro pour les mois concernés et ils bénéficieront même d’un boni.

Selon les conclusions de Peersman et Wauters, le gouvernement a surcompensé de nombreuses familles. Ils le déduisent également de l’observation selon laquelle les dépenses énergétiques d’une famille belge moyenne pour la période mai-juillet 2022 étaient de 170 euros par mois.

“La réduction de la TVA et les bons d’énergie ne sont pas nécessaires pour une famille de la classe moyenne, et encore moins pour les revenus élevés”

Gert Peersman (UGent)

Il s’agit d’un montant bien inférieur à celui que le gouvernement avait supposé lorsque les mesures de soutien ont été décidées. Cette différence peut s’expliquer par le fait que de nombreuses familles avaient encore un contrat fixe ou utilisaient une autre source de chauffage que le gaz, comme le fioul. “La réduction de la TVA et les primes d’énergie ne sont pas nécessaires pour une famille de la classe moyenne, et encore moins pour les revenus élevés”, déclare Gert Peersman. En même temps, ces mesures creusent un trou énorme dans le budget.

Les personnes qui sont aidés par des panneaux solaires bénéficieront aussi de la prime énergie du gouvernement.
Les personnes qui sont aidés par des panneaux solaires bénéficieront aussi de la prime énergie du gouvernement.© GETTY

Plus d’énergie consommée

En raison de la surcompensation, les familles ont consommé plus d’énergie qu’elles ne l’auraient fait autrement. Après tout, des prix élevés conduisent à une consommation plus économique. La consommation supplémentaire qui a résulté du soutien gouvernemental a poussé les prix de l’énergie encore plus haut. Un cercle vicieux“, conclut Peersman.

Le fait que les ménages les plus aisés puissent supporter eux-mêmes les coûts élevés de l’énergie n’est pas un message qu’aiment donner les politiciens. Gert Peersman le reconnaît. “Mais, dit-il, en tant que politicien, il faut parfois oser prendre la bonne décision. Grâce aux données de cette enquête, nous voulons les aider à le faire”.

Le but était de soulager ceux qu’on n’avait pas encore aidés, la classe moyenne. Mais encore faut-il pouvoir définir celle-ci”

Le cabinet du ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS)

Un trou dans le budget

Avant la crise actuelle, il aurait suffi au gouvernement de prolonger le tarif social pour les familles très vulnérables. Idéalement, le taux social serait un peu plus progressif pour éviter que ceux qui se situent juste au-dessus du seuil de revenu ne soient laissés pour compte. De cette façon, le coût pour le budget aurait également été limité“, est-il encore d’avis.

Le cabinet du ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne (PS) explique, de son côté, à l’Echo : “Le but était de soulager ceux qu’on n’avait pas encore aidés, la classe moyenne. Mais encore faut-il pouvoir définir celle-ci“, glisse le porte-parole du ministre Dermagne au journal économique. Cette précision a d’ailleurs largement fait débat lorsque la Vivaldi tablait sur la mesure.

Le fait que certains ménages vont recevoir une somme supérieure à leur acompte mensuel d’énergie peut interpeller.Mais c’est le fruit d’un compromis politique, pointe le porte-parole du ministre de l’Économie. Certains voulaient retirer de la liste certains déciles. D’autres voulaient montrer qu’on aidait toute la population…”

Mieux cibler les aides

Pour l’économiste Philippe Defeyt, dans l’idéal, à l’avenir, il faut bien mieux cibler les aides. On a quand même ciblé de manière importante les primes énergie pour les personnes qui avaient des contrats d’énergie antérieurs au 1er octobre 2021. Elles ne vont pas bénéficier de cette aide quelle que soit la hauteur de leurs revenus. Ces ménages sont beaucoup plus nombreux qu’on ne le pense. C’est un premier ciblage intéressant. Et c’est bien plus intéressant que de donner cent euros à toute la population ! “, explique-t-il à Trends Tendances.

Par contre, où on a complètement raté le coche, estime l’économiste, c’est de donner cette prime à des gens qui ont des revenus élevés, des panneaux solaires, une voiture salaire, couplé à une carte essence,…là, c’est indécent !

Aider les propriétaires de panneaux photovoltaïques, c’est absurde !

Philippe Defeyt, économiste

Il ajoute : “Aider les propriétaires de panneaux photovoltaïques, c’est absurde ! Mais pour pouvoir le faire, il faut coupler les banques de données et c’est apparemment difficile avec la législation sur la protection de la vie privée.”

“Ce qui est claire c’est que je refuse de parler des problèmes de la classe moyenne, le souci c’est la classe moyenne inférieure. Il faut faire un choix pour la définir. Ce sont en général des gens qui ont de petits salaires, qui travaillent à temps partiel, qui n’ont pas beaucoup d’avantages extralégaux, sont plus souvent locataires… ces personnes sont juste au-dessus des plafonds pour avoir le tarif social et auront plus de difficultés à payer les factures, c’est elles qu’il faut aider en priorité !“, avance Philippe Defeyt.

L’extension du tarif social, une mesure efficace

Les résultats de l’étude de l’UGent et de la BNB montrent ainsi que l’extension des tarifs sociaux est, en revanche, une mesure efficace pour soutenir les familles. Les familles financièrement vulnérables consacrent en effet la majeure partie de l’allocation à d’autres dépenses de consommation. Une majorité de ce groupe consomme effectivement plus d’énergie avec le tarif social, ce qui implique qu’ils auraient probablement dû réduire plus fortement leur consommation d’énergie sans cette mesure.

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