Comment le bon d’État pourrait renforcer l’Etat belge
Ce n’est pas l’Agence de la dette qui a eu l’idée d’un bon d’Etat à un an, mais cela ne l’empêche pas d’y être très favorable. En effet, si des milliards sont levés au moyen d’obligations d’État, le gouvernement belge devra payer moins d’intérêts sur d’autres dettes. Une astuce déjà utilisée en début d’année par des pays comme le Portugal et l’Italie.
De janvier à juin, le Portugal a déjà levé plus de 10,2 milliards d’euros auprès de particuliers au moyen de savings certificates (certificats d’épargne). Soit, selon l’agence de presse Reuters, l’équivalent portugais des bons d’État belges. Ce montant est le double des 4,6 milliards d’euros que les certificats d’épargne portugais avaient levés durant toute l’année 2022 et des 500 millions d’euros levés durant toute l’année 2021. L’explication du succès des obligations d’État portugaises ne doit pas être cherchée bien loin. Les banques portugaises, comme en Belgique et dans la plupart des autres pays d’Europe, tardent à augmenter les taux d’intérêt de leur comptes épargnes.
L’Italie a elle vendu pour 18,2 milliards d’euros d’obligations d’État à des particuliers en juin. En Espagne, où il n’existe plus de tels instruments économiques destinés aux particuliers, les bons du Trésor classiques sont devenus très populaires auprès du grand public. Les Espagnols détiennent aujourd’hui près de 15 % de l’ensemble des bons du Trésor espagnols, alors qu’auparavant ce pourcentage était négligeable. Les bons d’État connaissent également un regain d’intérêt en Belgique. Surtout depuis que le gouvernement a dépoussiéré ce produit d’épargne un peu désuet en lui accordant un avantage fiscal temporaire et en fixant l’échéance à un an.
Plus d’un milliard ou des milliards ?
Les bons d’Etat à un an sont une première pour l’Agence belge de la dette. Ils seront émis fin septembre. Les bons d’Etat à plus long terme (3, 5, 8 ou 10 ans) existent depuis des dizaines d’années. Les instruments de dette à court terme tels que les certificats de Trésorerie ou les Euro Commercial Paper (ECP) destinés aux grands investisseurs font également partie de la gamme du Trésor belge depuis bien plus longtemps. L’émission inattendue de ces bons d’Etat bouleverse quelque peu le calendrier “normal” des émissions de dette.
Les experts s’attendent à ce que le produit de ce bon d’État dépasse le milliard. Les bons d’État n’ont jamais récolté plus que les 5,7 milliards d’euros levés sous le gouvernement Leterme en décembre 2011. Cette fois-ci, il n’y a pas, comme en 2011, d’appel du premier ministre à sauver la patrie, mais il y a un allègement fiscal comme il y a 12 ans. Et en 2011, ce n’est qu’au moment de la période d’enregistrement qu’il a été décidé d’accorder avantage fiscal pour le bon d’État. Cette fois-ci, il a été annoncé longtemps à l’avance.
Une bonne chose pour les épargnants et le trésor public ?
Selon Jean Deboutte, directeur de l’Agence fédérale de la dette, les gestionnaires de la dette publique belge peuvent déplacer des milliards relativement facilement. Pour rappel, l’Agence doit lever plus de 50 milliards d’euros cette année et l’année prochaine auprès des investisseurs pour financer le déficit public et refinancer les dettes arrivant à échéance.
Le Trésor, par exemple, peut lever moins d’argent que prévu en émettant des bons du Trésor. Les excédents temporaires de trésorerie peuvent également être investis par l’agence à tout moment, avec une garantie de capital. Selon M. Deboutte, une émission réussie d’obligations d’État pourrait permettre à notre pays de refinancer la dette publique à moindre coût. “Seule l’annonce des bons d’État à un an a permis de réduire quelque peu le différentiel de taux d’intérêt avec la France. Je suis également convaincu que le Portugal aurait dû payer plus d’intérêts si les épargnants portugais n’avaient pas acheté autant de bons d’épargne”.
Malgré les querelles politiques répétées de la rue de la Loi et l’absence d’intervention pour réduire le déficit budgétaire, la Belgique n’est pas encore dans le collimateur des spéculateurs. L’agence de notation Fitch a confirmé la note AA- de la Belgique en mars, mais a fixé les perspectives à négatives. En d’autres termes, il existe encore quelques éléments qui font que Fitch garde un œil sur la Belgique et qui, en l’absence d’amélioration, pourraient entraîner un abaissement de la note. La note la plus élevée pour les émetteurs de dette à long terme est AAA. Le Portugal, par exemple, est noté BBB+ par Fitch.
Plus sûr qu’un compte d’épargne ?
À court terme, la note souveraine de la Belgique est aussi sûre que possible. “La Belgique bénéficie de la notation la plus élevée possible pour les instruments de dette à court terme”, affirme M. Deboutte. Il s’agit de la note F1+ de Fitch. Le Portugal a une note F pour cette dette à court terme, mais les taux portugais à un et deux ans sont inférieurs aux taux belges. Pour les comptes épargnes, il existe une garantie de dépôt allant jusqu’à 100 000 euros par banque et par épargnant en cas de faillite. Pour les obligations d’État, cette garantie de l’État est illimitée. Et si un pays peut également faire faillite, cesser de payer les intérêts ou même de rembourser ses dettes, cela est beaucoup plus rare qu’une faillite de banque.
L’Agence de la dette a levé mardi 1,981 milliard d’euros avec des bons du Trésor à deux échéances différentes. Pour les certificats arrivant à échéance le 9 novembre 2023, les investisseurs internationaux ont demandé un taux d’intérêt de 3,567 pour cent. Pour les certificats arrivant à échéance le 11 juillet 2024, ils ont demandé un taux de 3,568 %. Le coupon des obligations d’État ne sera fixé que le 22 août. Si les taux d’intérêt de l’État belge ne commencent pas à baisser brusquement dans les semaines à venir, le taux d’intérêt des bons d’État à un an sera normalement plus élevé que les taux d’épargne actuels.
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