Georges-Louis Bouchez: “La banalisation du PTB par le PS et Ecolo est grave”

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Olivier Mouton

Le patron des libéraux francophones estime que le PTB est un parti “anti-démocratique” et réclame un “cordon sanitaire politique et médiatique” pour lui faire barrage.

Si on lui demande si le PTB représente un danger pour notre pays, le libéral Georges-Louis Bouchez, comme à son habitude, n’y va pas par quatre chemins: “C’est clair, le PTB est un danger extrêmement évident parce que c’est un parti antidémocratique. Mais ce qui est le plus grave, c’est que le PS laisse entendre qu’il pourrait gouverner avec le PTB”, répond-il tout de go.

TRENDS-TENDANCES. Pourquoi serait-ce grave?

GEORGES-LOUIS BOUCHEZ. On dit que la différence entre l’extrême droite et l’extrême gauche, c’est le racisme. Je veux bien, mais quand on regarde l’histoire, on ne peut pas dire que les régimes communistes aient été exempts de tout reproche. A l’extrême gauche, c’est généralement l’antisémitisme qui pose le plus question. On ne peut pas faire non plus l’impasse sur les autres atteintes aux libertés véhiculées par ces partis et ces régimes, que ce soit contre la liberté d’expression, la liberté religieuse… On me rétorque: “oui mais ce n’est pas le cas du PTB”. Dans ce cas, on peut également dire que le Vlaams Belang n’a rien à voir avec le fascisme italien ou le nazisme allemand…. Alors, pourquoi a-t-on décidé d’un cordon sanitaire et médiatique contre le Vlaams Belang? Parce que c’est un parti qui se revendique de régimes aux atrocités sans nom. Pourquoi considérerait-on que les régimes communistes seraient plus acceptables? Personnellement, je pense qu’un cordon sanitaire et médiatique devrait être imposé contre le PTB ou, a minima, que les partis s’engagent à ne pas gouverner avec lui. Cette banalisation du PTB par le PS et Ecolo est grave et les décrédibilise dans leur combat contre l’extrême droite. Ces partis adoptent davantage des postures d’opportunisme que de convictions politiques.

La première chose que le PTB déciderait en arrivant au pouvoir, ce serait de faire sortir la Belgique des organisations internationales et des traités internationaux.

Le programme socioéconomique du PTB est-il une menace?

Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Le programme du PTB, c’est la faillite de la Wallonie et de Bruxelles, mais aussi celle de la Belgique. Il n’est d’ailleurs pas du tout compatible avec le système international dans lequel on vit. La première chose que le PTB déciderait en arrivant au pouvoir, ce serait de faire sortir la Belgique des organisations internationales et des traités internationaux. Ses positions vont à l’encontre de l’économie de marché et de la démocratie libérale.

Aucun pays dirigé par un parti de ce type n’a le même niveau de bien-être que le nôtre. Ceux qui pensent que cela irait mieux avec le PTB, je les invite à visiter le Venezuela, la Chine – que le PTB a du mal à critiquer – ou Cuba. Ce n’est pas pour rien que les ressortissants de ces pays partent pour des démocraties libérales. Pour être sincère, je ne vois pas de phénomène inverse: peut-être y a-t-il une raison?

Le plus grand risque d’un PTB fort en 2024 n’est-il pas d’abord celui d’un blocage du pays?

Le vote PTB est un vote inutile car ce parti refusera de toute manière d’aller au pouvoir en 2024. Mais là encore, il y a une grande responsabilité de la part du PS et d’Ecolo: en faisant miroiter des alliances, ils font croire que ce vote peut être utile. Ce n’est pas le PTB qui est responsable de se présenter devant les électeurs.

Par ailleurs, s’il est de plus en plus difficile de former des majorités, c’est avant tout en raison de l’érosion lente des formations politiques traditionnelles. Celle-ci a débuté il y a 20 ou 30 ans, bien avant la progression du PTB. Je rappelle qu’au début des années 2000, le PS était à 30-35% et qu’aujourd’hui, il se félicite d’être à 20-25%. En Flandre, le leadership était à 30-35%, il est aussi à 20-22% et les partis traditionnels sont très loin de ce niveau.

Le PTB ne fait que recueillir les voix d’électeurs qui avaient quitté ces partis auparavant. Je ne crois pas du tout au fait que les gens écoutent Raoul Hedebouw et décident de changer leur vote du jour au lendemain. D’ailleurs, cela dit en passant, il n’y a pas plus traditionnel que le PTB dans son mode de fonctionnement.

Le PTB influence la ligne de conduite du PS. Cela vous préoccupe?

Je l’ai dit dans mon discours du 1er Mai: on ne peut pas laisser la Wallonie entre les mains d’un parti dont la boussole est Raoul Hedebouw. C’est extrêmement grave. Le PTB n’a pas besoin d’aller au pouvoir: il a contaminé le PS et Ecolo qui déclarent les mêmes absurdités. Dans leurs expressions publiques, ces partis sont de plus en plus radicaux et misérabilistes. Le PS était un parti capable de conclure des accords et des compromis, cela devient quasiment impossible aujourd’hui en matière d’économie ou d’emploi. C’est le PS qui doit se ressaisir. Plus il tient un discours semblable à celui du PTB, plus il le crédibilise et plus il se contraint lui-même à adopter des positions très tranchées.

Le réalisme d’Elio Di Rupo ou de Jean-Claude Marcourt semble désormais bien loin. Non que Marcourt représentait ma ligne – il y a énormément de choses à lui reprocher – mais il ne tenait pas un discours anti-entreprises. Après le clientélisme social, on assiste aujourd’hui à un clientélisme économique: des subsides pour tout, l’Etat doit tout faire… On regarde désormais Elio Di Rupo comme l’espoir d’un certain réalisme, c’est dire! Je ne crois pas qu’il soit présent chez Paul Magnette.

Vous qualifieriez Paul Magnette de doctrinaire?

Elio Di Rupo porte un socialisme de terrain, de vécu. Paul Magnette, lui, incarne davantage un socialisme très intellectuel, doctrinaire, à la française. Le PTB a une influence doctrinale sur le PS de par sa pression électorale, mais il trouve également un terreau fertile dans la mesure où les dirigeants actuels du PS portent, eux aussi, un socialisme théorique.

Quand j’entends le vice-Premier ministre PS Pierre-Yves Dermagne considérer Robespierre comme un modèle, je trouve cela dramatique. Robespierre, c’était un extrémiste! On retrouve une génération de socialistes de bibliothèques comme ceux qui étaient séduits à l’époque par l’URSS. A l’époque, ils préféraient avoir tort avec Jean-Paul Sartre plutôt qu’avoir raison avec Raymond Aron. Je rappelle quand même que dans les années 1960, Raymond Aron avait exactement expliqué comment l’URSS allait tomber…

Vous plaidez pour un cordon contre le PTB mais vous avez débattu à plusieurs reprises avec Raoul Hedebouw. Est-ce cohérent?

J’ai débattu aussi avec le Vlaams Belang et on a vu le bordel que cela a provoqué. Je suis responsable de ma formation politique, nous avons signé des chartes et je reste fidèle à cela. Mais ma position personnelle, c’est que quand on a des partis qui se situent aux alentours de 15%, on ne peut plus faire l’économie de débattre avec eux. Quand il s’agit de petits partis, c’est clair qu’on risque de leur faire de la pub. Mais dans le cas de formations à un tel niveau, on doit prendre le temps de déconstruire leur discours avec des arguments.

Une des difficultés avec le PTB, là encore, c’est que le PS n’ose pas l’affronter. Il essaie au contraire de montrer à quel point ils pourraient être compatibles. Le résultat, c’est que cela leur confère une légitimité. Dans ce cas, pourquoi ne pas voter pour eux? Lorsque j’ai vu des débats entre le PTB, le PS et Ecolo, j’avais le sentiment d’assister à l’ancienne convergence des gauches. Franchement, quel est le message envoyé? Le PS devrait être clair et dire qu’il ne fera jamais de coalition avec eux. Si les socialistes continuent à avoir une telle complaisance, ils vont se créer eux-mêmes des problèmes.

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