“Il faut réduire les allocations de chômage plus fortement et plus rapidement”
Débat électoral : certains partis préconisent d’arrêter le versement des allocations de chômage après deux ans. L’économiste Stijn Baert donne aussi une autre piste : réduire le montant des allocations plus rapidement et plus fortement.
Cela a été un des débats politiques de cette législature et c’est aussi un des sujets de la campagne électorale : les allocations de chômage doivent-elles être stoppées après deux ans ? C’est notamment une idée mise en avant par les libéraux, francophones comme néerlandophones.
D’abord, quelle est la situation aujourd’hui ? “Le montant des allocations de chômage dépend de la dernière rémunération, de la situation familiale et du passé professionnel. Les allocations sont accordées en principe pour une durée illimitée”, explique le SPF Emploi sur son site. Les allocations sont néanmoins dégressives et cette baisse, organisée en trois périodes, dépend de la durée de carrière et de la situation familiale.
Augmentation de l’inactivité
Stijn Baert, économiste du travail de l’UGent, a réagi au débat de la fin des allocations de chômage. “Il n’est pas facile d’y répondre par ‘oui’ ou par ‘non’ “, explique-t-il dans un fil sur X.
C’est que la situation est particulière en Belgique. “La recherche internationale fait référence au ‘risque moral’ dans le domaine du chômage. Le versement d’allocations (plus élevées) diminue l’effort de recherche de certains demandeurs d’emploi. Par conséquent, dès que les allocations cessent d’être versées, on peut s’attendre à ce que certains d’entre eux trouvent soudainement un emploi”, écrit-il.
Mais ce n’est pas le cas. D’autres basculeraient alors dans l’inactivité, qui est déjà “LE problème de notre marché du travail”. La Belgique compte en effet un des taux d’inactivité (c’est-à-dire les personnes qui ne travaillent pas et ne cherchent pas d’emploi, alors qu’elles sont en âge et en capacité de) les plus élevés d’Europe. Ce qui amène l’économiste à dire que l’argument qu’il faut “faire comme ailleurs” et arrêter les allocations après une période donnée ne “tiendrait pas la route”.
Inciter plus tôt
Il ne plaide cependant pas pour conserver le statu quo. Au contraire, il préconise qu’il faut des incitants qui interviennent beaucoup plus tôt dans le processus du chômage. “Il faut simplifier les allocations de chômage et renforcer la dégressivité. Faire diminuer fortement les allocations après, par exemple, trois mois, six mois et neuf mois. De sorte qu’à ces moments-là, les gens élargissent déjà le nombre d’offres d’emploi qu’ils envisagent”, réfléchit-il. Il ajoute que l’OCDE plaide aussi pour une dégressivité plus élevée.
C’est qu’être au chômage pendant une longue durée n’est pas bien vu par les employeurs. Ils considèrent les chercheurs d’emploi comme “moins motivés, moins talentueux et plus difficiles à former”, selon Baert. Il y a donc un risque, si le principal incitant est la fin des allocations après deux ans : les personnes pourraient avoir des difficultés à trouver un travail et les entreprises du mal à recruter.
Pour mémoire, la première baisse intervient après trois mois dans le système actuel. Les allocations passent de 65 à 60% de la dernière rémunération, puis restent à ce stade pendant neuf mois. Faut-il serrer la vis à ce niveau-là avant de limiter les allocations dans le temps ? La balle est dans le camp des politiques.
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