Olivier Mouton

Mépris, testostérone et démocratie confisquée

Les six présidents de parti francophones ont répondu à l’invitation de Trends-Tendances, de Canal Z et du Vif, mercredi 27 mars, à participer à un débat préélectoral, qui ne fut pas sans enseignements ni confrontations.

Le président du PS, Paul Magnette, a qualifié son homologue du PTB Raoul Hedebouw de “bulle”, confirmant l’existence d’une lutte à mort à gauche de l’échiquier. Jean-Marc Nollet (Ecolo) n’a cessé de s’en prendre à Georges-Louis Bouchez (MR), affirmant qu’il serait “contournable”. Un Olivier (socialistes, écologistes et Engagés) serait-il sur les rails ? Pas sûr, car Maxime Prévot, président des Engagés, entend bien piloter au centre. Voilà pour l’enseignement politique.

La tonalité du débat, avec ses agressions verbales, a toutefois suscité bien des critiques de la part d’électeurs consternés par ce concentré de mépris, surtout dans le chef d’un Paul Magnette remonté contre Trends-Tendances et dénigrant vis-à-vis de Canal Z, et de testostérone, à gauche comme à droite. En passant, de nombreuses voix se sont élevées pour regretter la présence dans le studio de Canal Z de six hommes. Pas une femme. Rajae Maouane, coprésidente d’Ecolo, avait un souci d’agenda. Dans les milieux économiques, enfin, on s’est dit fatigué de ces joutes alors que le pays ne se réforme pas suffisamment et que la Wallonie tarde à se redresser.

On sent bien que la politique elle-même doit se réformer, pour se mettre au service de l’économie et des citoyens. Et que les présidents doivent sortir de leur bulle.

La politique s’est transformée en match de boxe pour une bonne et simple raison : tous se livrent à une compétition sans vergogne pour conquérir des parts de marché. Le paysage médiatique n’est pas étranger à cette atmosphère : il faut être incisif, lancer des formules choc et polariser autant que possible. Ce n’est pas par hasard que Raoul Hedebouw excelle dans cet exercice en jouant le marchand de foire sympathique, alors que son idéologie est dangereuse. Surtout, les présidents de parti dominent la campagne, confisquent la démocratie et détiennent un pouvoir devenu absolu. Ils sont les seuls liants entre niveaux de pouvoir dans notre pays complexe. Ce sont eux aussi qui nomment les ministres et font la pluie et le beau temps des gouvernements. Des princes.

Lors d’un débat à l’Union wallonne des entreprises, peu après cette rencontre, de nombreux CEO ont exprimé leur désarroi face à cette confiscation du système par une caste non élue. La démocratie belge est devenue une particratie, et beaucoup le déplorent. D’autant que la forme n’est pas à la hauteur : “Quand nous sommes reçus par un président de parti, il ne nous écoute pas, il parle et, parfois, on se fait même engueuler”, regrettent les représentants du patronat. Au sein des entreprises domine une question : comment changer tout cela ?

Yvan Verougstraete, ancien manager de l’année de Trends-Tendances et tête de liste des Engagés pour les européennes, nous confie cette semaine dans une interview combien les critiques permanentes du PTB ou l’approche déconnectée de certains (il cite Ecolo) donnent à cette campagne électorale un drôle de parfum, mâtiné d’un désaveu citoyen manifeste. “Il faut relancer la machine à progrès !”, dit-il. Un bel enjeu. Mais en toile de fond, on sent bien que la politique elle-même doit se réformer pour se mettre au service de l’économie et des citoyens. Et que les présidents doivent sortir de leur bulle.

Koen Geens (CD&V), ancien ministre, avance que les présidents de parti “devront monter” au prochain gouvernement pour le stabiliser, faire des réformes et… économiser. C’est le constat qu’avait déjà posé Wilfried Martens, fin des années 1980, dans un contexte tout aussi délicat. C’est une façon également de… reconnaître à quel point ces présidents ont confisqué la démocratie.

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