Entreprises en difficulté? Pensez médiation, vite…

Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Cent mille entreprises devraient arrêter leur activité cette année. La médiation peut aiguiller celles en difficulté vers les aides les plus utiles, rappelle Paul Dhaeyer, président du tribunal bruxellois de l’entreprise.

1. Paul Dhaeyer, 100.000 entrepreneurs devraient arrêter leur activité cette année. Ressentez-vous leur désarroi au tribunal de l’entreprise?

Bien sûr. Il faut distinguer la faillite, qui est la fin du processus, de la citation devant le tribunal pour des factures impayées. Nous sommes encore dans les impayés de la crise du covid et nous voyons poindre les premiers impayés chez les fournisseurs d’énergie. Nous allons au-devant d’un très sérieux problème. Le tribunal de l’entreprise peut aider à trouver des solutions mais il y a une certaine pudeur de l’entrepreneur à demander de l’aide. D’où notre message: venez voir le tribunal avant qu’il ne soit trop tard.

2. Quelles aides le tribunal peut-il apporter aux entreprises en difficulté?

Les moratoires sur les faillites, c’est bien mais c’est juste mettre les problèmes au frigo. Nous pouvons agir bien en amont, en travaillant sur l’endettement des entreprises. La conciliation permet l’apurement, l’étalement voire l’abandon d’une partie de la dette. Des financements européens assurent la prise en charge de 75% de la rémunération des médiateurs et des mandataires de justice dans les procédures de réorganisation judiciaire. Cela fonctionne, nous obtenons des accords avec les administrations fiscales et sociales et nous commençons à en obtenir avec les fournisseurs d’énergie. Nous avons installé une chambre des règlements amiables spécialement dédiée aux factures d’énergie. Il faut le faire savoir. Sauver une entreprise d’un étranglement immédiat, c’est permettre la pérennité de cette entreprise mais aussi de ses créanciers. Les fournisseurs ne vont pas tuer leurs clients.

3. Ce travail en amont, est-ce bien le rôle de la justice?

Tout à fait. Notre rôle est certes de trancher les litiges mais n’oublions pas que la justice est un service public. Nous offrons des services aux entreprises en difficulté. Beaucoup d’aides existent, nous sommes une courroie de transmission, nous amenons les entrepreneurs vers les aides adéquates, vers les solutions à leurs problèmes. Cela peut être la médiation mais aussi des rebonds avec la Fondation Pulse ou même du soutien psychologique avec l’association “Un pass dans l’impasse” pour les entrepreneurs en profonde détresse, parfois proches du suicide. C’est pour moi le rôle d’une justice moderne et proactive, évidemment sans se substituer à l’avocat. Nous ne donnons pas de conseils. Un conciliateur désigné par le tribunal apporte une garantie de sérieux et de crédibilité, en ce compris vis-à-vis des créanciers.

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