Olivier Mouton
Energie et salaire: oser réformer
La nécessité d’anticiper le risque et de mener des réformes courageuses est manifeste, alors que la transition économique et énergétique est une révolution sans précédent. C’est le signal d’alarme lancé par le monde des entreprises.
L’inflation est le gros sujet d’inquiétude en ce début d’année. Après un niveau record de près de 8% en janvier, la hausse globale des prix pourrait retrouver des accents moins préoccupants dans la seconde partie de 2022, si l’on en croit le Bureau du Plan. Mais les fédérations patronales sont sceptiques quant à une baisse rapide, tandis que Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, reconnaît que ces hausses de prix ne sont plus “provisoires”. La vigilance est de mise.
Plusieurs sources de tensions expliquent cette pression susceptible de se prolonger au-delà du printemps. Le bras de fer entre la Russie et l’Otan au sujet de l’Ukraine indique un changement de marqueur géopolitique : faute de “désescalade”, le prix de l’énergie continuera à grimper. L’enjeu diplomatique est crucial pour l’avenir de l’Europe et nous dépasse, en partie. Mais deux éléments “typiquement belges” suscitent une crainte particulière de nos dirigeants d’entreprise.
L’énergie et les salaires vont devenir des abcès de fixation ces prochaines semaines. Une action politique cohérente, lisible et anticipatrice s’impose. Dès à présent. Le gouvernement fédéral, nous dit le ministre MR David Clarinval, est “fortement préoccupé” par cette inflation. Concrètement, il n’a pas pour autant pris toute la mesure de l’importance de l’enjeu. Il est plus que temps…
En matière énergétique, ce n’est pas un chèque de 100 euros qui changera la donne, ni le flou persistant au sujet de la sortie du nucléaire. Ici et maintenant, le débat de fond n’a pas encore été mené sur une facture énergétique devenue une seconde feuille d’impôt, ni sur le coût vérité que risque d’imposer la transition. Notre dépendance vis-à-vis d’un contexte international houleux et le brouhaha permanent sur le futur mix énergétique ne sont pas de nature à rassurer. Apporter de la clarté est une priorité, en toute transparence et sans tabou écologique.
En ce qui concerne les salaires, notre pays est le seul – avec Malte et le Luxembourg – à disposer d’une indexation automatique : si le système est vertueux parce qu’il préserve le pouvoir d’achat, il est aussi considéré par les milieux patronaux comme un choc trop soudain pour les entreprises. Leitmotiv : la compétitivité de nos entreprises est menacée. Plusieurs pistes existent pour revoir le système tout en préservant ses qualités, elles figurent dans une note de la Banque nationale datant de… 2012. On pourrait prévoir une seule indexation annuelle, changer son mode de calcul, moduler son intensité selon la hauteur des revenus… Ce débat, à mener sans faux tabou social, est une autre priorité.
“Le problème, c’est qu’en Belgique, on nie d’abord le problème, puis on réagit de façon minimale, avant de prendre de vraies mesures quand on prend le boomerang dans la figure”, martèle depuis le début de l’année Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB, une mise en garde réitérée dans ce numéro. Sa demande : “se mettre enfin autour de la table pour apporter des réponses”. Faute de quoi, ajoute le “patron des patrons”, on sera, d’ici 2023 ou 2024, à un nouveau “plan global”, comme la Belgique en a connu dans les années 1980-1990. A l’époque, certains ministres et partenaires sociaux s’étaient même retrouvés en secret dans la petite cité wallonne de Poupehan pour rebattre les cartes du système belge.
En arrivera-t-on là ? La nécessité d’anticiper le risque et de mener des réformes courageuses est manifeste, alors que la transition économique et énergétique est une révolution sans précédent. C’est le signal d’alarme lancé par le monde des entreprises.
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