Avec la pénurie de gaz, le charbon fait son grand retour

Centrale au charbon. © GETTY IMAGES

Le charbon semble de retour. Cela va à l’encontre des efforts déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. La houille est la deuxième source d’énergie la plus polluante après le lignite. Son retour a tout à voir avec la guerre en Ukraine. Bien qu’elle soit en train de brûler au plus bas en Belgique.

Le gaz naturel a remplacé le charbon pour produire de l’électricité mais le charbon pourrait bien reprendre sa place. La Russie a déjà en effet réduit ses exportations de gaz vers l’Europe occidentale à moins d’un cinquième de leur capacité d’utilisation antérieure et la recherche d’alternatives bat son plein dans toute l’Union. Le 20 juin, le gouvernement néerlandais a décidé que les quatre dernières centrales électriques à charbon du pays pourraient fonctionner à pleine capacité jusqu’à la fin de 2024. Aujourd’hui, cette capacité n’est que de 35%, bridée par des normes d’émissions maximales de CO2. Mais dès la fin septembre, une loi entrera en vigueur pour déroger à ces normes. La Grèce, l’Italie, l’Autriche et le Royaume-Uni souhaitent également réutiliser le charbon.

De même que l’Allemagne où le gouvernement fédéral a décidé à la mi-juillet que les centrales à charbon fermées pourraient fonctionner à nouveau jusqu’à la fin avril de l’an prochain. En conséquence, plus d’un tiers de l’électricité produite en Allemagne provient aujourd’hui du charbon, le gaz représente plus d’un cinquième de la production d’électricité et l’énergie éolienne et solaire, moins d’un cinquième. Les trois autres centrales nucléaires fournissent un peu plus de 7% de l’électricité du pays. Avec ses quelque 35% d’électricité produite à partir du charbon, l’Allemagne se rapproche donc des pays d’Europe de l’Est. Parmi ceux-ci, la Pologne reste le pays le plus important pour le charbon: l’or noir y produit 60% de l’électricité. En Bulgarie (45%) et en Roumanie (15%), ce combustible reste également une source d’énergie importante.

Un recul de 50 ans

Cette demande accrue de charbon entraîne également des changements majeurs pour la navigation intérieure. L’Europe occidentale n’a plus de mines de charbon et depuis le 10 août, l’embargo européen sur le charbon russe est effectif. L’Australie, la Chine, l’Inde et les Etats-Unis sont désormais les principaux fournisseurs.

Cela ne va pas sans quelques petits problèmes. Un grand négociant belge en céréales qui fait également appel au transport fluvial s’irrite ainsi de voir l’Allemagne monopoliser un grand nombre de péniches pour transporter le charbon d’Anvers et de Rotterdam vers les usines allemandes via le Rhin. Jo Van Duynslaeger, le président de VBR, l’association des armateurs belges des voies navigables et du Rhin, confirme:”Il y a un regain du transport du charbon, qui était en déclin depuis des années. Il y a un an, c’était encore zéro. Aujourd’hui, c’est comme si nous étions revenus 50 ans en arrière, avec une augmentation soudaine de la demande qui est évidemment liée à la guerre en Ukraine”.

La forte demande se traduit également par une augmentation des taux du fret. Ceux-ci ont été multipliés par 10.”Des prix délirants sont proposés, poursuit Jo Van Duynslaeger. Car à la guerre s’ajoute un autre facteur: le faible niveau d’eau du Rhin qui oblige les péniches à transporter moins de marchandises. Cela fait grimper les prix encore davantage. A brève échéance, cette surchauffe du marché est une bonne chose pour nous mais pas à long terme: avec ces prix fous, les clients cherchent des alternatives, les camions par exemple.”

0,4% des ménages wallons

consomment encore du charbon pour leur chauffage.

Disparu de Belgique

En Belgique, l’utilisation du charbon a systématiquement été réduite. La dernière mine, à Zolder dans le Limbourg, a fermé à l’automne 1992. Mais à l’époque, entre 40.000 et 80.000 tonnes étaient encore livrées chaque semaine parce que les bassins sidérurgiques wallons en avaient encore besoin. Aujourd’hui, la cokerie d’ArcelorMittal, à Gand, en est encore une grande consommatrice. Le coke est fabriqué à partir de charbon chauffé à 1.250 °C. Il sert ensuite de combustible dans les hauts- fourneaux où le minerai de fer est liquéfié. Selon les derniers chiffres du SPW Energie, la Wallonie ne consommait plus que 4,5 térawatts-heure (TWh) de charbon en 2019, soit 2,7% de la consommation totale d’énergie, alors qu’elle en était encore à 55,4 TWh en 1990, ce qui équivalait à 26,7% de la quantité totale! (voir graphique ci-dessous) Une tendance qui est la même au niveau national: “Le charbon a tout simplement disparu de Belgique, souligne Marc Van den Bosch, administrateur délégué de Febeg, l’association des producteurs, négociants et fournisseurs d’électricité et de gaz. La dernière centrale à charbon en Belgique, à Langerlo près de Genk, s’est arrêtée en 2016. La construction d’une nouvelle centrale au charbon prendrait au moins sept ans. En outre, celle-ci serait-elle soutenue pour la population?”

Les quelques petits pour cent de charbon qui entrent encore dans notre mix énergétique sont principalement destinés à l’industrie des minéraux non métalliques, en particulier les cimenteries. Et côté chauffage, le charbon représente encore 0,4% de la consommation des ménages wallons et baisse encore chaque année.

Avec la pénurie de gaz, le charbon fait son grand retour

Cher, polluant, peu efficient

Nécessité faisant loi, certains écologistes comprennent que les centrales à charbon tournent à nouveau à plein régime par crainte de pénurie de gaz cet hiver. Le scénario selon lequel la Russie fermerait complètement le robinet du gaz est plus que plausible. Moniek de Jong, chercheuse à l’UGent et spécialiste de la stratégie énergétique, pense que la relance du charbon n’est qu’une solution à court terme: “Maintenir les centrales au charbon ouvertes n’est pas populaire mais c’est économiquement compréhensible. Une pénurie d’énergie l’hiver prochain aurait un impact énorme sur la population. Le charbon n’est pas un choix énergétique à long terme mais c’est l’une des alternatives au gaz les plus faciles pour cet hiver. Et peut-être même aussi pour le suivant. Chaque petit geste aide à lutter contre la dépendance au gaz russe. A long terme, bien sûr, nous devons nous concentrer sur les énergies renouvelables.”

C’est que le charbon reste l’une des sources d’énergie les plus polluantes: il génère quatre cinquièmes d’émissions de CO2 de plus que le gaz naturel. Il est également moins efficient: il produit un tiers d’électricité en moins à partir de la même quantité d’énergie que le gaz. Malgré cela, son prix à la tonne atteint des sommets alors qu’au cours de la décennie écoulée, il oscillait autour de 100 dollars et ce, jusqu’au début de cette année. Aujourdhui, il en est à 250 dollars la tonne.

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