L’invasion des microvoitures électriques de ville ?
Elles sont toutes petites et électriques et comptent bien proliférer dans la cité. Doit-on s’attendre à une invasion des puces automobiles dans les villes ? Le point sur ces engins de déplacement d’un nouveau genre.
Les grandes villes mettent de plus en plus de bâtons dans les roues de l’automobile traditionnelle à moteur thermique, espérant que le pétrole s’évapore du paysage urbain. Dans cette quête d’une mobilité zéro émission, le vélo a la cote, qu’il avance à l’huile de cuisse ou en mode électrique. Mais un nouveau type d’engin de déplacement émerge : la microvoiture électrique. Renault avait amorcé la tendance il y a 10 ans déjà avec le Twizy et ses deux places en tandem, un modèle qui a désormais quitté le marché mais reste recherché en occasion.
Quel statut juridique ?
Ni deux-roues ni véritables automobiles, les microvoitures sont considérées légalement comme des “quadricycles légers”, répartis en deux catégories (L6 et L7). Les L6 ne nécessitent pas de “permis voiture” (B) mais bien un “permis cyclomoteur” (AM) et sont accessibles dès 16 ans (aucun permis n’est nécessaire pour les personnes nées avant le 15 février 1961). Ces véhicules ne peuvent pas dépasser un poids de 350 kilos à vide, une puissance nominale de de 4 kW (5,44 ch) et une vitesse de 45 km/h.
Les véhicules L7, eux, ne sont accessibles qu’à partir de 18 ans, imposent un permis B, ne peuvent dépasser 400 kilos, 15 kW (20,4 ch) et 90 km/h (ils peuvent théoriquement emprunter les autoroutes). Dans les deux catégories, ces véhicules doivent être assurés en responsabilité civile pour pouvoir prendre la route.
Quelles normes de sécurité ?
Les microvoitures L6 et L7 ne sont pas soumises aux normes de sécurité européennes imposées aux véritables voitures (catégorie M1) et ne doivent donc pas passer les crash tests officiels. Des équipements de sécurité comme les airbags, l’ABS ou le contrôle électronique de stabilité (ESP) ne sont pas obligatoires et donc la plupart du temps absents sur ce genre de véhicules, contrairement aux petites mais véritables voitures que sont les Smart Fortwo ou Dacia Spring, par exemple. Des ceintures de sécurité doivent cependant être présentes pour que les véhicules L6 et L7 puissent être conduits sans casque.
Ni deux-roues ni véritables automobiles, les microvoitures sont considérées légalement comme des quadricycles légers.
Quels types de clients ?
“Le profil de nos clients est assez vaste, nous dit Yanou Kerstens, porte-parole de Citroën Belgique. Notre Ami L6 attire des jeunes de 16 à 20 ans, mais aussi des adultes qui recherchent un véhicule pour de courtes distances en ville ou encore des personnes ne disposant pas du permis B. L’Ami se vend à 54% aux particuliers et 46% aux sociétés. Nous recevons principalement des demandes de sociétés cherchant une solution de mobilité urbaine pour leur personnel. Ou pour des livraisons car l’Ami existe aussi en version Cargo sans siège passager.” L’Ami est actuellement la microvoiture électrique la plus vendue de Belgique, avec 1.600 exemplaires écoulés chez nous depuis le lancement mi-2021.
D’Ieteren, importateur belge des marques du groupe Volkswagen, investit aussi le segment avec la Microlino, un véhicule italo-suisse copiant le look de la BMW Isetta des années 1960. “La Microlino est arrivée chez nous en janvier 2023 et s’est écoulée à 65 unités depuis lors”, nous dit Vincent Struye, directeur de la marque pour notre marché. “On recense environ 55% de clients en société, ajoute-t-il. Ils achètent le véhicule pour remplacer une petite voiture thermique, genre Smart Fortwo. Ils utilisent souvent la Microlino à des fins publicitaires vu son look original. Nous proposerons également courant 2024 une version L6 destinée aux adolescents car il y a une demande pour cela.” Astara, autre grand importateur automobile belge (notamment de la marque Hyundai), croit aussi dans la microvoiture et commercialise le modèle espagnol Silence S04, en L6 et L7.
Pas de location à la demande
Comme tous les véhicules électriques, les microvoitures sont déductibles à 100% pour les indépendants dans un cadre professionnel. Pour les particuliers, ces engins donnent droit à la prime flamande de 5.000 euros pour l’achat d’un véhicule électrique de moins de 40.000 euros. “La Citroën AMI est principalement achetée en cash ou via un prêt à tempérament. Nous proposons un leasing, mais cette formule ne séduit qu’une minorité de clients”, nous dit Yanou Kerstens. Quant aux sociétés de leasing traditionnelles, elles ne proposent pratiquement jamais les microvoitures électriques dans leur catalogue, notamment faute de demande.
Plus étonnant, ces petites voitures urbaines “zéro émission” ne séduisent pas les sociétés de location à la demande (car sharing). Le service Poppy (mis sur pied en collaboration avec D’Ieteren) estime que proposer ces microvoitures n’est pas rentable. Les voitures en car sharing sont surtout utilisées pour quitter la ville ; or, les microvoitures ne sont pas destinées à couvrir de longues distances à cause de leur vitesse limitée, leur faible autonomie et leur confort rudimentaire. L’importateur Astara ne mise pas non plus sur une formule de car sharing public pour sa Silence S04 : “nous croyons par contre dans le car sharing interne, où les sociétés utilisent les microvoitures pour des déplacements de leur personnel”, précise la porte-parole, Anne Potemans.
Le plus gros défaut de ces microvoitures vient de leur manque de sécurité, tant active que passive.
Comment ça roule ?
Nous avons testé deux microvoitures au cœur de Bruxelles. Commençons par la Citroën Ami, limitée à 45 km/h (L6). Première impression: la finition est très basique. Les sièges extrêmement fins et la suspension ferme nous éloignent des standards de confort Citroën… La voiture comprend deux places et un espace de rangement derrière les sièges. L’engin est amusant à conduire en ville, avec des accélérations suffisantes pour s’insérer dans le trafic, une tenue de route correcte et une direction légère bien que dépourvue d’assistance. Très maniable, cette puce de seulement 2,41 mètres de long braque dans un mouchoir. Par contre, on évitera les grandes routes, vu la vitesse trop limitée. Côté autonomie, nous avons pu boucler environ 60 kilomètres avec un plein de courant (conso électrique de 9 kWh/100 km). La recharge s’effectue sur une prise domestique classique (pas sur une borne) via un câble intégré à enrouleur (comme celui d’un aspirateur…). L’opération dure quatre heures.
Changement de décor avec la Microlino, au style à part. Mais on doit grimper à bord par l’avant, la porte étant intégrée au parebrise, ce qui n’est pas du tout pratique pour entrer/sortir du véhicule lorsqu’il est parqué entre deux voitures ! Et on rappellera qu’en Belgique, contrairement aux deux-roues, les microvoitures ne peuvent pas se garer perpendiculairement à la chaussée (ni sur les trottoirs, bien sûr…). A bord, c’est moins spartiate que dans l’Ami, avec ici quelques carrés de tissu sur les contre-portes, mais la finition reste trop basique au regard du prix demandé (lire plus loin), tandis que les deux passagers se chatouillent les coudes sur l’étroite banquette. Les accélérations sont nettement plus franches que celles de la Citroën, avec des pointes possibles à 90 km/h, mais le sifflement du moteur électrique est trop élevé et le confort de suspension inexistant. La tenue de route est globalement saine, même sous la pluie, et le modèle attire tous les regards, ce qui en fait un bel outil publicitaire. Notre version à batterie intermédiaire (10,5 kW) a procuré une autonomie de 95 kilomètres durant ce test (conso de 11 kWh/100 km). La recharge prend quatre à cinq heures sur prise classique.
Le verdict ?
A l’heure du bilan, on note d’abord que, bien que minuscules, les Microlino et Ami n’échappent pas aux bouchons, alors qu’un deux-roues, lui, peut remonter les files. Par contre, ces microvoitures nous mettent à l’abri des intempéries. Leur plus gros défaut vient du manque de sécurité, tant active (pas d’ABS ni d’ESP) que passive (pas d’airbag ; structure paraissant peu résistante aux crashs). Côté tarif, si le prix de l’Ami est correct (de 7.990 à 9.190 euros), la Microlino est définitivement trop chère pour ce qu’elle offre. Elle coûte de 17.990 à 22.990 euros, soit le prix d’une Dacia Spring électrique, certes moins stylée mais plus spacieuse (quatre places), plus performante et plus sécurisante. Une Smart Fortwo électrique (à partir de 25.000 euros) est également plus valorisante.
Si ce nouveau moyen transport est plus ludique et moins contraignant que les transports en commun, tout en étant plus confortable et sécurisant qu’un deux-roues, il manque de polyvalence, se cantonne aux très courts trajets et reste loin d’égaler les vraies voitures en matière de qualité, de confort et de sécurité. Une solution intermédiaire loin d’être parfaite et finalement assez chère, qui n’a pas encore converti les foules…
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici