Selon Warren Buffett, les droits de douane américains sont un “acte de guerre”

On sait déjà depuis longtemps que les droits de douane sont l’une des armes préférées de Donald Trump qui aime les dégainer à tout va. Un enthousiasme qu’est loin de partager Warren Buffett.
On pourrait résumer le danger que représentent les droits de douane par le fait qu’ils perturbent les échanges commerciaux entre pays en augmentant les taxes sur les importations. Or ce surcoût sera généralement répercuté sur les consommateurs via une augmentation des prix.
De nombreux économistes considèrent ces mesures comme une menace politique – utilisé notamment dans le cadre d’une guerre commerciale – plutôt que comme un mécanisme efficace pour structurer les échanges internationaux. Et le célèbre investisseur, Warren Buffet, partage cet avis.
« Une forme d’acte de guerre »
« Les tarifs douaniers sont en réalité, mais dans une certaine mesure, une forme d’acte de guerre», a déclaré le célèbre investisseur Warren Buffett, lors d’une interview accordée à CBS, diffusée dimanche. Le fondateur de Berkshire Hathaway a ensuite expliqué que les droits de douane constituent, avec le temps, une taxe sur les biens. Et cette taxe est susceptible d’entraîner une hausse des prix qui sera à tous les coups répercutée sur les consommateurs. « Ce n’est pas la petite souris qui va les payer ! » a plaisanté Warren Buffett.
Celui que l’on surnomme l’Oracle d’Omaha a insisté sur l’importance d’analyser les conséquences de l’instauration de ces droits de douane et d’identifier qui en supportera réellement le coût. « En économie, il faut toujours poser la question : Et ensuite ? », a-t-il affirmé.
Mexique, Canada, Chine…
Donald Trump a mis à exécution sa menace de taxer lourdement les produits des trois premiers partenaires commerciaux des États-Unis, avec l’entrée en vigueur mardi de droits de douane de 25 % sur les biens en provenance du Canada et du Mexique. Il a également relevé les tarifs appliqués à la Chine, les faisant passer de 10 % à 20 %.
L’administration Trump a multiplié les allers-retours avec sa stratégie sur les droits de douane. Ces mesures interviennent dans un contexte de baisse de la confiance des consommateurs et de crainte persistante d’inflation.
Directement, la Chine a répliqué. Elle a imposé à son tour des tarifs douaniers sur les importations américaines, alimentant ainsi les inquiétudes d’une escalade vers une véritable guerre commerciale, à l’image de celle du premier mandat de Trump. Mais, cette fois-ci, l’Union européenne et d’autres partenaires commerciaux figurent également parmi les cibles. Trump envisage en effet un système de « tarifs réciproques » visant les pays qui imposent des droits de douane sur les biens américains.
Les économistes anticipent maintenant une hausse des coûts pour les consommateurs américains. Cette hausse devrait toucher aussi bien les produits de la vie quotidienne, dépendant des chaînes d’approvisionnement internationales, que des équipements électroniques destinés aux véhicules.
Des propos ridicules
Dans une interview accordée lundi à l’émission The Situation Room sur CNN, le secrétaire au Commerce Howard Lutnick a qualifié les propos de Warren Buffett sur les tarifs douaniers de “ridicules”.

M. Lutnick a déclaré que les droits de douane pourraient remplacer l’Internal Revenue Service, dont il a dit à tort qu’il avait été créé lorsque les États-Unis sont entrés en guerre, durant la Première Guerre mondiale. “Les États-Unis d’Amérique, avant 1913, ne fonctionnaient qu’avec des tarifs douaniers, puis nous avons créé l’Internal Revenue Service, lorsque nous sommes entrés dans la Première Guerre mondiale “, a déclaré Lutnick.
En réalité, ce qui allait devenir l’IRS a été créé en 1862, durant la guerre de Sécession. L’impôt fédéral sur le revenu, collecté par l’IRS, a été instauré en 1913 par la ratification du 16e amendement, soit quatre ans avant l’entrée en guerre des États-Unis lors de la Première Guerre mondiale. Depuis lors, l’impôt fédéral sur le revenu est la principale source de recettes du gouvernement.
Il est cependant exact de dire que le gouvernement américain s’appuyait autrefois sur les revenus issus des tarifs douaniers avant l’introduction de l’impôt fédéral sur le revenu. Toutefois, l’économie américaine des années 2020 a considérablement évolué en termes d’ampleur et de complexité par rapport à l’économie américaine de la fin des années 1800 et du début des années 1900.
En bref, la proposition visant à supprimer l’IRS et à compléter les recettes publiques par des droits de douane est irréaliste sur le plan financier et comporte de nombreux problèmes.
Acte de guerre ?
Bien que Warren Buffett n’ait pas détaillé son affirmation selon laquelle les tarifs douaniers constituent un acte de guerre, ces derniers sont depuis longtemps associés à des politiques commerciales protectionnistes, ayant influencé des orientations isolationnistes en matière de politique étrangère.
Dans les années 1930, les États-Unis ont fortement augmenté les droits de douane dans le cadre du Smoot-Hawley Tariff Act de 1930 (exacerbant ainsi la Grande Dépression), les médias français auraient qualifié cette mesure de déclaration de guerre (économique).
Par contre, Buffett s’est déjà exprimé ouvertement sur les effets négatifs des droits de douane. En 2016, il avait déclaré que les propositions de tarifs douaniers faites par Donald Trump lors de sa campagne électorale étaient « une très mauvaise idée ».
Approche prudente
Chaque déclaration du milliardaire est scrutée de près par les investisseurs. Ces derniers mois, son approche prudente avait attiré l’attention. Berkshire Hathaway a en effet accumulé une trésorerie record, atteignant 334,2 milliards de dollars au quatrième trimestre, contre 167,6 milliards un an plus tôt. Cette augmentation significative s’est accompagnée de la revente de participations dans des entreprises de premier plan, telles qu’Apple (AAPL) et Bank of America (BAC), soulevant ainsi des interrogations sur sa perception du marché américain.
Malgré cette accumulation de liquidités et ces prises de bénéfices sur certaines valeurs phares, Buffett a réaffirmé son engagement envers les États-Unis, précisant que l’essentiel des fonds qu’il gère restera investi dans le pays. « C’est le meilleur endroit », a-t-il déclaré. « J’ai eu la chance d’y naître. »
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