Matières premières “stratégiques”: l’UE veut extraire davantage et diversifier ses sources
Booster l’extraction et le recyclage, diversifier les partenariats et cibler des projets “stratégiques”: la Commission européenne a exposé jeudi son plan de bataille pour assurer l’approvisionnement de l’UE en matières premières critiques, des matériaux “indispensables à un large éventail de secteurs stratégiques dont l’industrie verte, l’industrie digitale, l’aérospatial et la défense”. Le texte devra désormais faire l’objet de négociations au Parlement européen et entre Etats membres.
Les constats de base ont été largement discutés ces dernières semaines: l’UE est très dépendante d’une poignée d’Etats tiers pour obtenir certains métaux ou autres éléments dont elle aura grandement besoin pour opérer sa transition verte (entre autres pour développer l’éolien, le solaire, les batteries, etc.). “Pour répondre au niveau de production éolienne qu’on souhaite, la demande de terres rares devrait être multipliée par 5 à 6 d’ici 2030. Pour les batteries pour véhicules électriques, on attend une demande de lithium multipliée par 12 d’ici 2030”, a exposé en conférence de presse le commissaire européen au Commerce Valdis Dombrovskis.
Certains fournisseurs de l’UE ont une position de quasi-monopole sur certaines filières, comme la Chine en ce qui concerne les “terres rares”.
Or, la pandémie puis les tensions avec la Russie autour de la guerre en Ukraine ont jeté une lumière crue sur les dangers d’une dépendance trop marquée à l’encontre d’Etats tiers dominants dans des secteurs stratégiques, que ce soit dans le pharma, pour les semi-conducteurs ou le gaz et le pétrole.
La “loi européenne sur les matières premières critiques” telle que proposée établit entre autres une nouvelle liste de matières premières “stratégiques”, qui doivent être la priorité de l’UE. On y retrouve 15 éléments ou groupes d’éléments, dont le nickel, le manganèse, le graphite naturel et le lithium “de qualité batterie”. Mais aussi cuivre, cobalt, bismuth, les métaux du groupe du platine (rhodium, par exemple), ou encore le titane.
Pour intégrer des éléments sur la liste, la Commission propose une méthode de calcul qui tient compte de l’importance de la matière en question pour des applications technologiques nécessaires à la double transition ou aux secteurs spatial ou de défense, les attentes en termes de demande, la production et les réserves actuelles et la difficulté relative d’augmenter cette production.
La Commission établit comme objectif que “d’ici 2030”, l’Union ne puisse, pour aucune matière stratégique, être dépendante d’un seul pays tiers à plus de 65%. Et ceci peu importe le stade de traitement de la matière. Exception possible: les pays avec lesquels l’UE aurait conclu un “partenariat stratégique” garantissant un approvisionnement fiable.
L’Europe sait qu’elle continuera à dépendre majoritairement des importations, qu’elle veut donc diversifier, mais elle compte aussi en faire davantage sur son propre sol: extraction, raffinage et traitement, mais aussi recyclage doivent être facilités.
La Commission propose un cadre pour identifier des “projets stratégiques” sur sol européen, qui seraient éligibles pour des procédures de permis accélérées (maximum un an pour traitement et recyclage, deux ans pour l’extraction) et pour un soutien dans la recherche de financements. L’Union devrait, à l’horizon 2030, extraire elle-même “10% de sa consommation de matières premières stratégiques”, en traiter/raffiner au moins 40%, tandis qu’au moins 15% devrait provenir du recyclage sur sol européen.
Des “projets stratégiques” pourraient aussi être identifiés dans des pays tiers. L’UE mise d’ailleurs aussi bien sur des partenariats avec des “marchés émergents et économies en développement”, notamment via sa stratégie de “Global Gateway”, que sur un futur “Club des matières premières critiques” qui rassemblerait des pays “partageant les mêmes valeurs” (on sait que la Commission lorgne par exemple vers le Canada).