La Chine s’attaque aux profondeurs de la Terre

AKSU, CHINA - MARCH 09: Aerial view of an oil well of Tarim Oilfield at Taklimakan Desert in Shaya County on March 9, 2023 in Aksu Prefecture, Xinjiang Uygur Autonomous Region of China. An oil well at Tarim Oilfield was drilled to 9396 meters on March 9, breaking the record of the deepest horizontal oil well in Asia. (Photo by Tan Hui/VCG via Getty Images)

La Chine est sur tous les fronts. Après l’espace et le fond des océans, elle s’attaque désormais aux profondeurs de la terre. Pour y parvenir, elle est en train de creuser un trou de plus de 11 kms. Une distance stupéfiante qui va lui faire traverser pas moins de 10 strates et rejoindre le système crétacé, une couche de roche vieille de 145 millions d’années. Mais pourquoi donc ? Et est-ce une bonne idée ?

Au cœur du Taklamakan, le plus grand dessert de Chine, on creuse en ce moment l’un des trous les plus profonds du monde. A la tête de ce voyage de plus de 10.000 mètres sous les terres, on retrouve la China National Petroleum Corporation, l’un des principaux producteurs de pétrole chinois. Alliée au raffineur de pétrole public Sinopec, elle a décidé de s’attaquer à la structure interne de la terre. Les ambitions se veulent géoscientifiques, mais sont surtout économiques. D’autant plus que le trou n’est pas creusé n’importe où.

Un domaine stratégique

Il se trouve dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang et plus précisément dans le nord du bassin de Tarim. Un coin connu pour ses gisements de pétrole. Creuser si profond devrait donc permettre d’identifier et de trouver de nouvelles sources énergétiques (comme du gaz et du pétrole), mais aussi minérales. Un projet raccord avec l’enjeu de souveraineté nationale qu’est l’extraction de matière première. L’exploration de la Terre profonde fait en effet partie des domaines stratégiques définis par le président Xi Jinping pour se sevrer de sa « dépendance étrangère ». Malgré ses relativement confortables réserves de minerai brut, le pays reste un important importateur. Il a ainsi dû importer près de 80 % de son minerai de fer depuis 2011 et reste le principal importateur de cuivre et de nickel au monde.

Un trou profond, mais pas de record

Si le trou chinois est indubitablement très profond, il ne brisera cependant pas un record. En partie parce que les 11 100 mètres entendent la longueur du trou de forage et non la profondeur verticale. Mais surtout parce que le record est toujours officiellement le forage de Kola dans le nord-ouest de la Russie. Appelé le trou de l’enfer, car on pourrait y entendre les cris des âmes damnées, il a été foré entre 1970 et 1989. Il aura fallu 19 ans de forage pour que ce trou de 23 centimètres de diamètre atteigne les 12.262 mètres de profondeurs. Il aurait même dû, en principe, être encore plus profond puisque les Soviétiques voulaient creuser jusqu’à 35 kilomètres, soit jusqu’à la limite entre la croûte terrestre et le manteau supérieur de la Terre. Bien loin du centre de la Terre qui se situe, rappelons-le, à environ 6371 km. La fin de la guerre froide et les problèmes techniques auront néanmoins raison du forage.

L’ivresse et la chaleur des profondeurs

Ainsi la température atteignait les 180°C. De quoi faire cuire un cake, mais surtout une chaleur trop élevée pour les outils. Ils se ramollissaient trop que pour encore être performants. Un autre problème a été la pression qui augmente dès que l’on descend. Le trou est foré via une espèce de mèche qui gruge la terre. Et plus la pression augmente, plus la mèche doit avoir une force motrice puissante pour continuer à tourner. Or cette force motrice a aujourd’hui encore ses limites. Des problèmes qui ont fini par signer la mort du projet. Si le trou a permis aux scientifiques de trouver eau et hydrogène, l’ouverture est aujourd’hui condamnée. Le site est même à l’abandon depuis 2008.

Pour le trou chinois, le forage se fera lui aussi dans des conditions extrêmes. Outre la géologie complexe et difficile du bassin de Tarim, les ingénieurs estiment que l’équipement devra aussi résister à des températures allant jusqu’à 200 degrés Celsius et à une pression atmosphérique environ 1 300 fois plus élevée qu’à la surface. Le fait que ce soit justement deux entreprises spécialisées dans le pétrole qui participe au projet n’a donc rien d’un hasard. Dans le domaine des trous profonds, les forages pour le pétrole ont apporté de nombreuses solutions et innovations. Ainsi l’entreprise Sinopec aurait développé une technologie capable de forer « à travers le mont Everest souterrain en 100 jours ». Sur le site, un appareil de forage de 80 mètres haut et de 2.000 tonnes a été installé.

Un volet scientifique et la piste de l’énergie géothermique

Le projet a aussi un volet plus scientifique. Selon Bloomberg, il devrait permettre d’identifier « les risques de catastrophes environnementales, telles que les tremblements de terre et les éruptions volcaniques».  Un argument mis en doute par les scientifiques occidentaux puisque la zone n’est pas particulièrement connue pour ses mouvements sismiques et les tremblements de terre trouve leur source encore plus profondément sous la terre. Ce genre de trou pourrait cependant être une source d’énergie plus renouvelable. Car au plus on creuse, au plus il fait chaud. De quoi ouvrir des pistes pour l’énergie géothermique.

Pourquoi creuser un tunnel qui traverse la Terre n’est pas réaliste ?

Bien que l’idée de creuser un tunnel à travers la Terre soit un concept fascinant, elle n’est pas réaliste en pratique en raison des défis techniques, financiers et environnementaux insurmontables.

Outre la température et la pression déjà indiquée dans le texte, qui nécessiteraient des innovations techniques spectaculaires et des coûts astronomiques qui dépassent largement toutes les capacités financières actuelles, il y a aussi la géologie complexe de la Terre. Celle-ci est composée de diverses couches et matériaux. Il y a aussi les déplacements tectoniques et les activités sismiques. Il y a également un problème de gravité et rotation. À mesure que vous creusez plus profondément dans la Terre, la gravité diminuerait progressivement. Cela signifie que les objets et les personnes à l’intérieur du tunnel subiraient des effets gravitationnels variables, ce qui poserait des problèmes pour la navigation et la survie. Enfin le tunnel devrait faire 12 742 kilomètres de long. Le voyage au centre de la Terre rêvé par Jules Vernes n’est donc pas pour tout de suite.

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