Elon Musk : que font tous ces PDG américains en Chine ?

Musk en Chine
Musk en Chine © Belga

Elon Musk a presque été reçu comme un chef d’État à Pékin. Mais il est loin d’être le seul. La Chine accueille depuis quelque temps un réel défilé de PDG de certaines des plus grandes entreprises américaines. Des visites qui ne se cantonnent pas à de la simple politesse dans un contexte politique et économique tendu.

Depuis que la Chine s’est rouverte en décembre après trois ans de lockdown, on a assisté à un ballet de CEO américains à Pekin. Le dernier en date est Elon Musk, mais avant lui la Chine avait déjà reçu la visite de Laxman Narasimhan de Starbucks et Jamie Dimon de JPMorgan. Des dirigeants d’Apple, Samsung, Aramco, Volkswagen ou encore HSBC avaient eux déjà fait le déplacement il y a quelques semaines. Pour le ministère chinois des Affaires étrangères, ces visites de cadres internationaux favorisent une “meilleure compréhension de la Chine” et “une coopération entraînant des bénéfices mutuels”.

Ce véritable défilé montre aussi à quel point la Chine garde malgré tout une place centrale pour de nombreuses entreprises. L’obligation pendant trois ans de réduire leur dépendance envers ce pays aux perspectives d’investissement parfois incertaines n’aura pas éteint toutes les ardeurs. La levée des restrictions a en effet redonné un coup de boost à l’économie chinoise au premier trimestre. Sauf que cet envol semble s’être calmé au second semestre.

Moins d’échanges entre la Chine et les Etats-Unis à l’avenir ?

Selon Ben Cavender, directeur général de la société de conseil en stratégie China Market Research Group interviewé par CNN, “beaucoup d’entreprises et d’investisseurs restent sur la touche en ce moment, car ils attendent toujours plus de clarté sur la politique économique de la Chine “. Jamie Dimon de JPMorgan va même jusqu’à prédire qu’il y aura à l’avenir moins d’échange entre la Chine et les États-Unis. En cause ? Une crainte de tension géopolitique accrue entre Pékin et Washington.

Pèse aussi dans la balance un resserrement de la surveillance chinoise des informations jugées sensibles pour la sécurité nationale. Les entreprises actives en Chine savent de moins en moins où se situent les “lignes rouges” du gouvernement et ce qu’elles doivent faire pour éviter le courroux des régulateurs. Par exemple, ce mois-ci, la Chine a interdit au fabricant de puces américain Micron (MICR) de vendre à ses principaux fournisseurs dans le pays, en invoquant des risques de cybersécurité. Enfin, la disruption des chaines d’approvisionnement a mis en avant la nécessité pour les entreprises de réduire les risques en diversifiant leurs chaînes d’approvisionnement. Apple a ainsi déjà lancé le mouvement en se tournant vers l’Inde alors que l’entreprise a longtemps été le porte-drapeau des investissements américains en Chine.

Opération de charme ?

Autant d’éléments qui poussent les dirigeants chinois à se montrer plus conciliants. Ils auraient ainsi promis des conditions de concurrence ouvertes et équitables. Et pour Elon Musk on n’est même pas loin de l’opération de charme. Pour sa première visite en Chine en plus de trois ans, le milliardaire, également propriétaire du réseau social Twitter (inaccessible dans le pays asiatique), a été accueilli quasiment au même niveau qu’un dirigeant politique étranger, avec des rencontres avec plusieurs membres du gouvernement. Elon Musk a précisé lors de sa visite “avoir totale confiance dans le marché chinois” et s’est dit “désireux de continuer à approfondir une coopération mutuellement bénéfique ». “Les intérêts des États-Unis et de la Chine sont étroitement liés, comme des jumeaux inséparables l’un de l’autre”, a-t-il déclaré avec un certain lyrisme. Des déclarations élogieuses qui ont été précédées le mois dernier par l’annonce de Tesla de la construction d’une deuxième usine à Shanghai, dédiée à la production de batteries à grande échelle.

Essor des marques chinoises

La visite est d’autant moins innocente que les ventes de voitures électriques et hybrides ont doublé en Chine en 2022 et représentent plus du quart des véhicules écoulés, un niveau jamais vu, selon la Fédération chinoise des constructeurs de voitures individuelles (CPCA). C’est désormais le premier marché au monde pour les véhicules électriques. Et alors que Tesla demeure le premier vendeur de voitures électriques dans le monde, la popularité des marques chinoises est en plein essor. Le soutien du gouvernement via des subventions, couplées à un intérêt grandissant des consommateurs, a permis aux entreprises chinoises de dominer leur marché intérieur. Le constructeur chinois BYD, l’une des marques locales les plus en vue dans ce domaine, a vu son bénéfice net multiplié par cinq en 2022.

Une visite politiquement sensible

Les relations économiques fortes entre Elon Musk et la Chine interrogent cependant à Washington, où le président Joe Biden a estimé en novembre que ses liens avec des pays étrangers “méritent d’être examinés”. D’autant plus qu’Elon Musk a aussi suscité la polémique en suggérant que l’île de Taïwan, revendiquée par Pékin, devrait faire partie de la Chine.

Ni l’Union européenne ni les États-Unis ne veulent se “découpler” de la Chine

Le Conseil UE-USA de commerce et de technologie (CCT) est un forum mis en place il y a deux ans pour relancer les liens économiques transatlantiques. La réunion de ce mercredi a abordé un large éventail de sujets, avec en toile de fond l’approche différenciée qu’adoptent Bruxelles et Washington face à Pékin, un sujet sensible et véritable “éléphant dans la pièce”. Les États-Unis adoptent en effet une ligne plus dure que les Européens. La déclaration finale déclare que tant l’Union européenne que les États-Unis sont résolus à passer au crible les investissements des pays tiers afin d’éviter que des technologies sensibles ne tombent en de mauvaises mains. Ils souhaitent également pouvoir contrôler les investissements à l’étranger réalisés par des entreprises de leurs propres pays, pour éviter que des technologies européennes ou américaines ne soient utilisées à de mauvaises fins, notamment militaires. Quant à la Chine, elle n’est pas citée dans la déclaration finale, personne ne voulant briser de liens avec Pékin.

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