Inflation: il ne faut pas crier au loup, on est encore loin de vivre un nouveau choc pétrolier
La hausse des prix titille les 3%. Mais ce n’est pas une raison pour s’affoler.
La hausse des prix en Belgique a atteint 2,86% au mois de septembre contre 2,73% en août. En cause, la flambée des prix de l’énergie qui ont augmenté de près de 20% sur un an.
Beaucoup s’inquiètent et se demandent si cette hausse des prix est liée à un phénomène conjoncturel – une reprise de l’activité après l’épidémie qui fait bondir les prix alors que les chaînes d’approvisionnement ne sont toujours pas totalement remises de la crise sanitaire – ou si c’est un phénomène plus structurel.
Une première réponse est que ce que l’on appelle l’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie et des produits alimentaires non transformés) est bien plus sage : la hausse n’atteint que 1,61% en septembre.
“Et si je prends plus spécialement les carburants routiers, la hausse doit être franchement relativisée, réagit l’économiste Philippe Defeyt de l’Institut du développement durable. Il ne faut pas céder aux cris d’orfraie que l’on entend ici ou là. Après tout, sur les marchés internationaux, le prix du gaz est revenu à son niveau de 2012 et entre-temps, les revenus nominaux ont progressé !”. Cela signifie donc qu’en termes de pouvoir d’achat, le prix du gaz pesait davantage sur les portefeuilles il y a neuf ans qu’aujourd’hui. A l’époque, le taux d’inflation dépassait d’ailleurs les 3%.
Cette flambée d’inflation pourrait toutefois faire resurgir chez nous le débat sur l’indexation automatique des salaires.” – Philippe Defeyt (Institut du développement durable)
Une inconnue politique
Nous sommes donc loin de vivre un choc pétrolier comme dans les années 1970. “Nous ignorons comment va évoluer l’inflation dans le futur, mais je pense que l’on est en train de crier au loup un peu trop vite”, poursuit Philippe Defeyt tout en soulignant que certains éléments devraient calmer les prix : les réserves de gaz naturel sont en augmentation et la spéculation devrait bientôt buter sur les limites des capacités de stockage, qui commencent à être saturées. “On atteint 92% d’utilisation à Anvers”, précise-t-il.
“Cette flambée d’inflation pourrait toutefois faire resurgir chez nous le débat sur l’indexation automatique des salaires”, poursuit-il, surtout face à la modération qui s’observe chez certains voisins. Philippe Defeyt rappelle qu’en Allemagne, “les négociations salariales ont été bouclées avant la hausse des prix des produits énergétiques. Les salaires allemands vont donc rester bloqués au niveau négocié”.
Et l’économiste de plaider pour élargir à l’électricité et au gaz notre système de prix de l’essence. “Le modèle du prix des carburants routiers n’est pas mauvais. Il essaie de lisser les fluctuations, en engrangeant davantage d’accises quand les prix sont bas, et moins quand les prix sont élevés.”
Mais Philippe Defeyt s’élève en revanche contre la proposition du PS de distribuer sans distinction à chaque ménage un chèque énergie de 100 euros. Pourquoi distribuer un tel chèque à des ménages aisés, à ceux qui disposent déjà d’une voiture de société avec des bons d’essence, ou qui a fait installer sur son toit des panneaux photovoltaïques ? Il balaie l’argument avancé par le vice-Premier socialiste Pierre-Yves Dermagne qui estime qu’il est difficile de faire des distinctions. “Il existe de nombreux seuils dans le droit social belge, comme par exemple celui de l’intervention majorée en soins de santé”, rappelle-t-il. µ
En termes de pouvoir d’achat, le prix du gaz pesait davantage sur les portefeuilles il y a neuf ans qu’aujourd’hui.
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