Vendre Ethias pour financer la défense : une bonne idée ?


Alors que certains, au niveau politique, envisagent de céder les participations publiques dans Ethias, son CEO Philippe Lallemand défend son importance stratégique pour l’économie belge. Avec plus de 800 millions d’euros de dividendes versés en sept ans à ses actionnaires, et quasiment autant promis pour les cinq années à venir, faut-il vraiment vendre un actif aussi rentable ?
Pour mobiliser rapidement 4 milliards d’euros et atteindre les 2% du PIB en matière de dépenses militaires dès cet été, le fédéral compte vendre certains bijoux de famille. Plusieurs pistes sont sur la table : parmi celles-ci figurent la vente d’une partie des réserves d’or de la BNB, la cession d’une partie du capital de Belfius ou encore la vente des actions détenues dans la banque française BNP Paribas, sans oublier le scénario qui verrait l’État et les Régions se séparer de leurs participations dans Ethias. Scénario à propos duquel les rumeurs vont même bon train dans les cénacles politiques et financiers.
Alors, Ethias va-t-il être vendu au profit du budget de la défense ? Si Georges-Louis Bouchez estime qu’il “n’est pas raisonnable de vendre toute une série d’actifs pour acheter des missiles qui ont parfois une durée de vie très courte”, le président du MR n’exclut pas l’une ou l’autre vente, “mais cela doit se faire de manière stratégique”, a-t-il indiqué dernièrement lors de ses vœux adressés à la presse.
Nombreuses convoitises
En attendant, ces intentions politiques aiguisent les appétits. Récemment, Ageas a exprimé son intérêt pour l’acquisition d’Ethias, par la voix de son CEO, Hans De Cuyper, qui a confirmé cette intention en marge de la présentation des résultats annuels de l’entreprise, voyant dans Ethias un moyen de prendre pied dans l’assurance directe et s’offrir ainsi un canal de vente complémentaire à son réseau de courtiers.
Grand patron du bancassureur flamand KBC (CBC en Wallonie), Johan Thijs se dit lui aussi intéressé, convoitant une occasion de renforcer son groupe au sud du pays et auprès du secteur public, tout en coupant l’herbe sous le pied à Belfius. Car Marc Raisière, patron de Belfius, se dit lui aussi toujours intéressé par un rapprochement avec Ethias qui renforcerait les activités du pôle assurance de la banque d’État, par ailleurs partenaire public tout trouvé par le gouvernement wallon pour fusionner avec Ethias.
Si Ethias suscite de nombreuses convoitises (y compris à l’étranger), c’est d’abord parce que le troisième assureur du pays est un pion essentiel dans le paysage financier belge qui, avec KBC et Belfius, ne compte plus que deux grandes institutions financières nationales. Voir Ethias tomber dans les mains d’un acteur étranger se traduirait par la perte d’un levier financier important pour le pays. Ce serait également une occasion manquée de plus de créer un champion belge alors que le secteur financier européen est amené à faire l’objet d’une nouvelle consolidation.
Il suffit pour s’en convaincre de s’arrêter quelques instants sur les comptes d’Ethias. L’an dernier, le groupe a vu son encaissement augmenter de 5%, ce qui lui a permis de dégager un bénéfice net de 212 millions d’euros, en hausse de 12 millions par rapport à 2023. Ses actionnaires, l’État fédéral (via la SFPI), la Région wallonne (via Wallonie Entreprendre), la Région flamande et EthiasCo recevront un dividende de 113 millions d’euros, soit 3 millions de plus qu’en 2023.
Un acteur belge de premier plan
Alors que le fédéral cherche 4 milliards dès cette année et plus de 17 milliards sur la législature pour financer ses investissements dans la défense et que le nouveau gouvernement wallon MR-Les Engagés envisage de céder sa participation dans Ethias pour redresser les comptes publics et réduire l’influence socialiste au niveau des collectivités locales (villes et communes), Philippe Lallemand rappelle l’importance stratégique de l’assureur pour l’économie belge. “L’intérêt d’Ethias, c’est moins la remontée de ses dividendes que la plus-value sociétale que l’entreprise apporte”, plaide le CEO.
Selon lui, l’entreprise (et sa filiale informatique NRB) ne se contente pas d’afficher de solides performances financières. C’est d’abord un acteur belge de premier plan, plus que centenaire, dont le centre de décision se trouve en Belgique. “Un acteur qui, au travers de fondamentaux qui sont excellents, démontre une fois de plus la pertinence de son modèle et la solidité de sa stratégie dans un monde où les crises se succèdent”, dit-il.
Maintenir l’indépendance
Ces dernières années, en effet, Ethias a investi 5,6 milliards d’euros dans l’économie belge. À travers sa filiale Ethias Lease et son fonds de capital à risque Ethias Venture, le groupe soutient le développement de solutions innovantes dans le domaine de la mobilité via des jeunes pousses telles que la start-up Linkbycar. Il a également investi dans les grands projets d’infrastructure comme Cityforward (rénovation d’immeubles de bureaux dans le quartier européen) ou Sparki (un réseau de bornes de recharge rapide en Wallonie et en Flandre).
Le patron d’Ethias rappelle aussi que sur ces sept dernières années, entre 2017 et 2024, le groupe a versé pas moins de 800 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires. Ce faisant, il pose implicitement la question de l’opportunité de vendre un actif aussi rentable qu’Ethias : les actionnaires, l’État fédéral et les Régions, ont-ils vraiment intérêt à vendre une participation tellement profitable ? Certes, des concurrents comme Ageas et sa filiale AG Insurance, KBC et Belfius ont fait savoir qu’ils étaient prêts à mettre le prix pour s’offrir Ethias. Mais les hautes sphères liégeoises du groupe préféreraient bien sûr voir Ethias poursuivre sa vie en solo.
L’assureur prévoit de distribuer plus de 700 millions d’euros de dividendes supplémentaires d’ici 2029, soit au total plus de 1,5 milliard sur 12 ans.
Un plan de croissance ambitieux
C’est en partie pour cette raison que Philippe Lallemand a proposé à son conseil d’administration un plan de croissance ambitieux. Ce plan, baptisé Values 29, a pour objectif d’élargir l’offre à destination des PME et des indépendants, tout en renforçant les synergies au sein du groupe.
Il promet surtout d’augmenter le bénéfice à 300 millions d’euros d’ici 2029. Ce qui devrait permettre au groupe de distribuer plus de 700 millions d’euros de dividendes supplémentaires entre 2025 et 2029, soit au total plus de 1,5 milliard d’euros sur 12 ans. De nouveaux jolis dividendes qui seraient, paraît-il, déjà inscrits pour les cinq années à venir dans les tableaux budgétaires du gouvernement flamand.
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Ethias
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Siège social:
Liege
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Secteur:
Verzekeringsmaatschappijen