Qui boostera le rendement des livrets?
Jouer au chevalier blanc de l’épargne est porteur à l’heure du divorce entre le monde politique et les citoyens.
Les banques vont-elles devoir augmenter le rendement des livrets sous la pression politique? Après Testachats qui réclame depuis plusieurs mois un geste en faveur des épargnants, plusieurs partis de la majorité s’en prennent à leur tour aux banques qui rechignent à rémunérer plus généreusement le livret, malgré la remontée des taux de la Banque centrale européenne (BCE).
Dans la foulée du ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) et sa lettre envoyée à la fédération du secteur financier (Febelfin) soulignant l’écart entre les taux du marché et celui du livret, ce sont les socialistes flamands (Vooruit) qui ont critiqué ouvertement la rémunération de l’épargne qui ne suit guère les hausses de la BCE.
Avec sa casquette de secrétaire d’Etat à la Protection des consommateurs, Alexia Bertrand (Open Vld) s’est également positionnée sur le sujet, se disant prête à contraindre les banques en modifiant le taux minimum légal fixé à 0,11%.
Quant à Ecolo, il propose de fixer un seuil en limitant à 2% l’écart entre le taux du livret et celui que perçoivent les banques pour l’argent non investi des clients qu’elles placent à la BCE. Ce taux s’élevant actuellement à 3,25%, le taux minimum sur l’épargne grimperait à 1,25%. Ce qui obligerait par exemple Belfius (dont le taux sur son compte Fidelity est à 0,80%) d’augmenter son taux.
De leur côté, les banques ne manquent pas d’arguments pour se justifier. Febelfin se dit “perplexe” quant à d’éventuelles initiatives légales visant à tordre le bras des banquiers. Selon elle, cela constituerait “une ingérence profonde des pouvoirs publics dans le marché” et “pourrait affecter profondément la stabilité du secteur bancaire”.
Les banques rappellent également que pendant près de 10 ans, elles ont dû composer avec un taux de dépôt négatif auprès de la BCE alors que le taux minimum de 0,11% était toujours d’application. Tout comme elles rappellent que beaucoup de prêts qui ont été consentis aux ménages et aux entreprises l’ont été à long terme, à une époque où les taux étaient encore bas, et que les revenus d’intérêt qu’elles reçoivent aujourd’hui sont donc trop faibles pour faire remonter les taux des livrets.
Les banques ont-elles beau jeu? Certes, elles engrangent d’importants bénéfices et octroient de jolis dividendes, grâce au coût du crédit qui a sensiblement augmenté et à des taux hypothécaires qui dépassent désormais 4%. Comme le souligne dans une récente étude Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG de Lille, la différence entre le taux de la facilité de dépôt de la BCE et le taux moyen octroyé par les banques belges sur les dépôts d’épargne de leurs clients est aujourd’hui d’une “ampleur inédite”.
La meilleure preuve en est sans doute que les comptes à terme, plus rémunérateurs que les livrets mais moins liquides, font recette: + 8 milliards de dépôts engrangés au premier trimestre!
Mais soyons de bon compte: les banques sont aussi une cible facile. Jouer au chevalier blanc de l’épargne est porteur à l’heure du divorce entre le monde politique et les citoyens. Voire hypocrite dans la mesure où le gouvernement vient lui-même de bloquer le taux du compte e-Depo de la Caisse des dépôts et consignations à 2,5%, et que les banques sont soumises à une série de taxes prélevées sur les dépôts – récemment encore augmentées – qui alimentent à raison de plus d’un milliard d’euros le budget de l’Etat.
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