Probable dernière hausse des taux: quelles conséquences pour les épargnants et les investisseurs ?

Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

La Fed et la BCE relèveront-elles les taux pour la dernière fois en juillet ? Et si c’est le cas, quelles sont les conséquences pour les épargnants, ceux qui ont un crédit ou les investisseurs ? On fait le point.

Ce mercredi, les gouverneurs de la banque centrale américaine (Fed) se réunissent pour décider des taux directeurs. Après une pause en juin, il est presque certain qu’il y aura une hausse de taux de 25 points de base, soit un quart de point de pourcentage. Ce qui portera la fourchette des taux d’intérêt entre 5,25 et 5,5 %. Si quelques économistes ne croient pas à une nouvelle hausse des taux, il existe pourtant un large consensus en ce sens. Les analystes sont par contre nettement moins unanimes pour septembre. Les responsables de la Fed avaient laissé entendre que deux autres hausses de taux suivraient la pause de juin, mais certains économistes en doutent. Ils sont nombreux à se demander si la hausse de juillet ne serait pas la dernière de 2023.

Les économistes s’attendent également à une hausse des taux par la Banque centrale européenne (BCE). Et celle-ci aussi pourrait aussi, selon certains économistes, être la dernière. La BCE ne devrait annoncer sa décision que jeudi, mais le marché est convaincu qu’une hausse des taux est imminente. Les 61 économistes interrogés par l’agence de presse Bloomberg s’attendent à ce que la BCE relève le taux de dépôt de 25 points de base pour le porter à 3,75 %.

Ce taux de dépôt est le taux d’intérêt que les banques obtiennent sur leurs liquidités excédentaires qu’elles déposent auprès de la BCE à la fin de la journée. La BCE dispose en fait de trois taux directeurs, c’est-à-dire de trois robinets qu’elle peut ouvrir ou fermer pour rendre le crédit dans la zone euro plus ou moins cher. Outre le taux de dépôt, il y a le taux du crédit marginal à un jour et le taux principal de refinancement qui permet d’emprunter de l’argent à la BCE pour une semaine. Le taux principal de refinancement devrait passer de 4 à 4,25 % et le taux de prêt marginal de 4,25 à 4,5 %.

1. Les épargnants

Lorsque la BCE a fixé des taux de dépôt en dessous de zéro, les banques belges se sont parfois plaintes qu’elles devaient continuer à payer des intérêts aux épargnants belges alors qu’elles ne recevaient aucun intérêt et devaient même payer un taux d’intérêt négatif à la BCE.

En Belgique, les épargnants doivent déjà se contenter d’un taux d’intérêt de base de 1 % sur leur compte d’épargne. Pour l’instant, c’est la banque en ligne MeDirect qui offre le taux d’intérêt le plus élevé sur un compte d’épargne réglementé, à savoir 1,2 %. En plus du taux d’intérêt, les épargnants peuvent empocher une prime de fidélité supplémentaire s’ils laissent leur argent dans la même banque pendant plus d’un an. Il n’y a pas un seul compte d’épargne dans notre pays où la somme des intérêts et de la prime dépasse 2,5 %.

Ce faible taux d’épargne contrarie de nombreux politiciens, mais la plupart de leurs propositions pour y remédier sont rejetées par les régulateurs bancaires parce qu’elles présentent des risques pour la stabilité du système bancaire. En septembre, un bon d’État, d’une durée d’un an et assorti d’un précompte mobilier réduit à 15 % au lieu de 30 %, sera mis sur le marché pour concurrencer le compte d’épargne. Avec son propre compte de dépôt électronique, le gouvernement belge ne veut pas faire face à cette concurrence, car son taux d’intérêt a été plafonné à 2,5 % brut en avril. Il ne reste donc plus que 1,75 % net.

2. Ceux qui ont un crédit ou qui cherchent un crédit

Les banques belges semblent convaincues que les taux d’intérêt sont à un tournant. À cela vient s’ajouter à la tarification des taux hypothécaires. Selon le baromètre des taux d’intérêt d’Immotheker Finotheker, le taux variable annuel pour les prêts au logement a flirté avec les 4 % le mois dernier, tandis que le taux fixe moyen pour les prêts jusqu’à 25 ans est inférieur à 3,5 %.

Les acheteurs de biens immobiliers espèrent clairement une baisse des taux d’intérêt. Selon Febelfin, les prêts hypothécaires ont baissé de 36 % au deuxième trimestre par rapport à la même période de l’année précédente. Cette baisse est due en partie à la procrastination des acheteurs, mais aussi à une moindre force de frappe. Les taux d’intérêt plus élevés et les remboursements mensuels plus importants ont eu un impact sur le pouvoir d’achat des acheteurs potentiels.

Les taux hypothécaires variables ont d’ailleurs mieux collé les taux de la BCE que les taux d’épargne. “En fait, les taux hypothécaires ont commencé à augmenter avant même que la BCE ne commence à relever ses taux”, note Peter Vanden Houte, économiste en chef chez ING Belgique. “Après tout, la plupart des prêts hypothécaires en Belgique sont assortis d’un taux fixe qui dépend davantage des taux d’intérêt à long terme que des taux à court terme de la BCE. Aujourd’hui, on constate également que ces taux hypothécaires fixes sont restés stables pendant un certain temps, malgré les nouvelles hausses des taux d’intérêt de la BCE. Fait amusant : aujourd’hui, le taux d’intérêt moyen des hypothèques à taux fixe détenues par les banques belges est de 1,9 %. Cela explique la prudence de la Banque Nationale à l’égard de toutes sortes de propositions visant à lier les taux d’épargne aux taux de la BCE”.

En admettant que la BCE fasse bientôt une pause durable en matière de hausse des taux, cela ne veut pas dire que les banques centrales réduiront immédiatement leurs taux d’intérêt. En réalité, les économistes ne s’attendent pas à des baisses de taux d’intérêt avant 2024. En supposant que la politique de la BCE affecte effectivement l’évolution des taux d’intérêt sur les prêts immobiliers, les acheteurs de biens immobiliers devront attendre au moins quelques mois de plus pour obtenir des prêts moins chers.

3. Investisseurs

Les banquiers centraux autorisent une hausse des taux d’intérêt parce qu’il y a trop d’inflation.

Pour les entreprises, il est difficile de faire face à la combinaison d’un crédit plus cher et d’une augmentation des coûts. La hausse des taux d’intérêt exerce une pression sur la valorisation des actions. À la Bourse de Bruxelles, nous avons assisté à un véritable carnage dans les valeurs immobilières, qui ont souvent besoin de capitaux frais pour développer ou acheter de nouveaux sites. Les sociétés dites de croissance, qui ne sont pas encore rentables et qui ne peuvent promettre des bénéfices aux investisseurs que dans un avenir lointain, sont également en difficulté. A l’exception des valeurs technologiques avec une pincée d’IA générative et qui ont suscité l’engouement des investisseurs en 2023.

Si les taux d’intérêt se stabilisent, voire recommencent à baisser, les actions reprendront leur souffle. Il pourrait alors y avoir de bonnes affaires à réaliser pour les investisseurs, par exemple parmi les valeurs immobilières en difficulté. Les investisseurs doivent toutefois garder à l’esprit que les taux d’intérêt peuvent avoir un impact non seulement sur le marché boursier, mais aussi sur l’économie réelle et les bénéfices des entreprises. Récemment, l’indice des directeurs des achats (l’indice PMI, pour “Purchasing Manager’s Index”) a montré que l’activité dans la zone euro se contractait.

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