La voiture électrique, nouvelle arme marketing des banquiers

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Jouer la carte de la mobilité durable fait désormais partie intégrante des plans stratégiques des banques pour approcher les clients. Décryptage d’une tendance de fond.

Du 3,79 % chez ING, voire du 3,65 % chez Belfius. Même si le Salon de l’Auto n’a pas lieu cette année, les quatre grandes institutions du pays comme de nombreuses petites banques tentent de séduire les automobilistes avec du crédit moins cher pour les véhicules électriques et les hybrides. Les banques, il est vrai, ont toujours été dans le crédit auto, prolongement naturel de leur métier. Qui dit nouvelle voiture dit forcément aussi crédit. Du moins pour beaucoup.

Mais ces dernières années, un contexte favorable a suscité leur appétit au-delà de cette activité. La mobilité est devenue un sujet porteur auprès des particuliers et des entreprises. Pour des raisons réglementaires ou pratiques, nombre de Belges se sentent perdus face à la nouveauté de la voiture électrique. C’est ce que souligne la banque BNP Paribas Fortis dans son dernier baromètre sur la mobilité des Belges, publié en janvier, qui indique que 42 % des répondants se méfient de plus en plus de la voiture électrique.

Principales raisons invoquées ? Les craintes quant à l’autonomie de la batterie, le temps de recharge et le prix du véhicule. Et donc, “c’est l’occasion pour la banque de se positionner comme guide face à ces réticences, situe Geoffrey Laloux, practice lead digital & innovation chez Square Management Belgium. D’une part, en éduquant et en informant. D’autre part, en proposant des solutions adaptées”.

Gagner en légitimité

Voir fleurir des taux avantageux en ce début d’année n’a donc rien d’étonnant. Mais ces taux promotionnels sont aussi révélateurs d’une tendance de fond dans l’approche du monde bancaire vis-à-vis de la mobilité. Cette dernière est désormais considérée comme un axe de développement à part entière et fait aujourd’hui partie intégrante des plans stratégiques des grandes institutions bancaires.

“Toute entreprise a intérêt à se montrer bon élève dans le domaine de la transition énergétique, poursuit Geoffrey Laloux. Les banques aussi. De la sorte, elles rappellent aux citoyens que si la grande transformation qu’est la transition environnementale est suscitée et portée par les clients et les pouvoirs publics, elle est aussi accompagnée par les banques. Ce faisant, elles se positionnent non seulement comme des acteurs du changement mais aussi comme des acteurs du financement de ce changement, adoptant un rôle de conseillère en transformation énergétique au départ de la mobilité.”

Toute entreprise a intérêt à se montrer bon élève 
dans le domaine de la transition énergétique. 
Les banques aussi.” – Geoffrey Laloux (Square Management Belgium)

Bien sûr, cela permet au passage de soigner son image. “La mobilité durable et la transition énergétique font désormais partie du quotidien des ménages et des entreprises, explique Geoffrey Laloux. Une banque qui propose des produits tels que des prêts verts pour la rénovation ou des taux spécifiques pour l’achat d’un véhicule électrique montre donc qu’elle n’est pas en retard, qu’elle est dans l’air du temps, ce qui colle avec cette image qu’elles cultivent toutes d’acteur de la vie quotidienne de leurs clients.”

Nouvelles opportunités

Pour les banques, notamment celles qui sont présentes dans le leasing automobile (BNP Paribas Fortis via sa filiale Arval, par exemple), l’émergence de la voiture électrique s’accompagne de nouvelles opportunités d’approcher les clients. Comme le rappelle l’expert de Square Management Belgium, une immatriculation sur deux est un véhicule de société en Belgique.

“On peut donc dire qu’au moins une voiture sur deux mise en circulation est financée par une société de leasing. Cette tendance ne peut que se renforcer avec la part croissante des véhicules électriques qui font grimper en flèche les coûts d’acquisition. Les sociétés de leasing sont donc le ‘bras armé’ des banques sur le marché de la (nouvelle) mobilité. Si la banque est légitime pour parler financement, la société de leasing l’est aussi pour parler de mobilité. Afin de renforcer ce rôle, les sociétés de leasing font évoluer leur positionnement et se profilent non plus uniquement comme des financeurs mais comme des mobility solution providers (des fournisseurs de services liés à la mobilité).”

A raison ? Deux Belges sur trois souhaitent que les banques s’impliquent dans la mobilité durable, selon l’enquête de BNP Paribas Fortis. C’est, du coup, tout un écosystème autour de la nouvelle mobilité que les banques sont occupées à construire avec une série de services annexes (assistance, infrastructure de recharge, etc.). Services annexes dont certains sont accessibles via les applications bancaires, du paiement de places de parking à l’achat de tickets de bus ou de train. Et pour cause.

“La mobilité, et surtout la mobilité douce, sont aussi génératrices de petits paiements : tickets de parking, billets de train, etc. Il est dès lors naturel pour une banque de se positionner sur le créneau via son appli mobile et des services annexes qui permettent de payer facilement plusieurs modes de transport. Elle facilite ainsi la vie des utilisateurs tout en privilégiant ses moyens de paiement auprès d’eux.”

Sans oublier que ces innovations permettent aux banques de contrebalancer certains discours critiques qui leur reprochent de continuer à financer l’économie fossile, de ne pas rémunérer suffisamment l’épargne ou de fermer des agences. “L’absence de l’agence et de sa valeur ajoutée est dès lors moins visible, et donc leur disparition devient moins grave dans l’esprit des clients”, abonde Geoffrey Laloux.

Cheval de Troie

Légitimité accrue, nouvelles opportunités… Pour le secteur bancaire, derrière la voiture électrique se cache aussi un autre levier de croissance. Un levier en forme de cheval de Troie. Car on n’y pense pas tout de suite mais un véhicule électrique permet aussi de rentrer dans la maison de son utilisateur. De l’installation d’une borne de recharge à domicile à celle de panneaux solaires sur le toit de la maison, de nouveaux besoins apparaissent, qui doivent être financés.

En effet, “la voiture électrique permet de renforcer encore davantage la prégnance de la banque dans notre quotidien. Cette dernière est déjà très présente dans notre maison : prêt hypothécaire, financement des rénovations, assurances, etc. Avec la mobilité et la voiture électrique, elle trouve un vecteur supplémentaire pour renforcer sa relation avec ses clients, à la fois professionnels et privés. Ce n’est pas un nouveau mouvement, c’est néanmoins le renforcement d’une stratégie déjà bien établie que l’on peut comparer avec le fait que certaines banques se positionnent aussi sur le secteur de la protection du domicile”, résume Geoffrey Laloux, citant les exemples de Beobank avec Euro Protection Surveillance ou de BNP Paribas Fortis et Homiris.

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