Credit Suisse et banques américaines : un an après

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Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Il y a un an, la planète finance se réveille sonnée par le spectaculaire sauvetage de Credit Suisse, racheté en urgence par son éternel rival UBS, pour seulement 3 milliards de francs suisses. Un véritable choc pour le secteur, mais encore plus pour la Suisse qui, en un an, n’a pas pansé toutes ses plaies.

C’était il y a un an. Le 19 mars 2023, le gouvernement et les autorités financières suisses organisaient le rachat en urgence de Credit Suisse par son rival de toujours UBS, afin d’éviter une crise financière systémique mondiale, pour la première fois depuis Lehman Brothers en 2008. En un week-end à peine, l’un des plus grands groupes bancaires au monde disparaît, emporté par l’effondrement quasi simultané aux États-Unis de plusieurs banques régionales : la Silicon Valley Bank, la Signature Bank et la Silvergate Bank.

UBS règne en maître

Comme le rappellent les experts de la banque privée suisse Mirabaud dans leur lettre d’information quotidienne, “le spectaculaire sauvetage du géant bancaire suisse fait à l’époque suite aux hausses agressives des taux d’intérêt des banques centrales dans le monde en 2022 et à l’augmentation des taux d’intérêt à long terme qui ont notamment fait baisser la valeur des obligations, créant des pertes latentes considérables sur les titres détenus par les banques. Cette situation, combinée à la baisse des dépôts, a créé des problèmes de financement et de capital pour certaines banques, ce qui a suscité des inquiétudes quant à des défauts qui pourraient se propager à l’ensemble du système bancaire.”

Ainsi, après une décennie de calme relatif, marquée par une série de réformes destinées à renforcer la solidité du système bancaire mondial, c’est la catastrophe. La confiance dans le système bancaire mondial est une nouvelle fois ébranlée. Plusieurs banques régionales américaines tombent. La deuxième banque suisse vacille.

A l’époque, nombreux sont ceux qui craignent que le choc ne nuise à la croissance, via un durcissement du crédit. Rien de tout cela, cependant. L’économie mondiale et la croissance américaine ont défié tous les pronostics depuis. Au pays des montres et du Gruyère, la confiance «sans limites» des Suisses dans leur gouvernement et de la communauté internationale a permis au pays de ne pas sombrer dans la sinistrose. La débâcle de Credit Suisse a même dopé le cours de Bourse de son seul concurrent, faisant passer la capitalisation boursière d’UBS à 100 milliards de dollars, soit son plus haut niveau depuis près de 16 ans, et a consolidé son rôle de leader dans la gestion de patrimoine au niveau mondial. Au point pour UBS de désormais régner en maître sur la place financière suisse, loin devant les Pictet et autres Julius Baer.

Des risques demeurent

Pour autant, il serait faux de dire qu’il n’y a plus de risques suite à la crise bancaire de 2023, selon Mirabaud. “Tout d’abord, les banques régionales américaines ne sont pas totalement sorties d’affaire, comme la New York Community Bank qui en est un bon exemple, pointe la banque privée suisse dans son Morning News & Insight. On sait notamment qu’avec la hausse des taux d’intérêt, les banques ont été contraintes d’augmenter la rémunération des dépôts pour conserver les épargnants. Le scénario catastrophe de la fuite des dépôts (bank run) qui avait été immédiatement évoqué il y a un an peut théoriquement se reproduire en cas de perte de la confiance, en particulier des banques régionales qui ne sont pas aussi bien capitalisées ou diversifiées.

Aujourd’hui, un certain nombre de banques régionales aux États-Unis semblent encore sous-capitalisées si l’on tient compte des pertes non réalisées dans leurs bilans. La tension pourrait persister jusqu’à ce que les taux commencent à baisser de manière significative (augmentant la valeur des prêts existants) et que les banques reconstituent leurs réserves de capital.” Par ailleurs, l’immobilier commercial, notamment de bureau, est aussi potentiellement une source de vulnérabilité. Comme le rappelle JP Morgan, les petites banques sont quatre fois plus exposées aux prêts à l’immobilier commercial aux États-Unis que leurs homologues plus importantes.

Comme Swissair

Côté suisse, il est tout aussi clair que la chute de Credit Suisse a eu un impact négatif sur la confiance dans la place financière suisse, même si les mesures immédiates qui ont été mises en place l’ont atténué, estiment les analystes de Mirabaud. “Pour la Suisse, la chute du Credit Suisse a provoqué des ondes de choc comparables, voire pires, à celles provoquées par la faillite de Swissair quelque vingt ans plus tôt. Les aspects politiques et techniques de la gestion de cette crise sont encore en cours d’élaboration. L’avenir d’une partie de l’économie suisse dépendra de la capacité du pays à regagner la confiance des investisseurs étrangers. Enfin, le débat (sans fin) sur le fait de savoir si une seule grande banque en Suisse ne risque pas d’être un risque systémique va s’intensifier ces prochaines années.”

Bref, la taille d’UBS, qui pèse deux fois le PIB du pays, lui garantit-elle de bénéficier de l’aide du gouvernement suisse et de la BNS (la banque centrale suisse) “quoiqu’il en coûte” ? Seule certitude, “affirmer aujourd’hui qu’il n’y aura plus de crises bancaires ces prochaines années serait une erreur, cependant le secteur y est mieux préparé qu’il y a quelques années de cela”, concluent les analystes de la banque privée suisse.

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