2015, turbulences à l’horizon

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L’année 2015 pourrait être marquée par le retour de la volatilité sur les marchés de capitaux.

Le consensus est souvent un piège. En 2013, les investisseurs se sont laissé surprendre par le rythme de la hausse boursière. En 2014, ceux qui ont parié sur une baisse du prix des obligations ont été pris au dépourvu. Les rendements ont reculé, devenant même négatifs en Europe pour les obligations à deux ans.

Quelle surprise nous réserve 2015 ? Parmi la multitude de possibilités, la plus curieuse serait le retour de la volatilité. L’indice le plus populaire de la volatilité est le Vix, qui s’intéresse au marché boursier (il mesure le coût des options, c’est-à-dire le prix que les investisseurs acceptent de payer pour s’assurer contre de fortes fluctuations du marché). Comme le montre le graphique, la crise économique de 2008 ressemble à une tempête au-dessus d’un étang ; il s’en est suivi deux bourrasques de moindre importance, puis le calme a fini par revenir. En septembre 2014, le Vix était retombé très bas par rapport à ses niveaux historiques.

Cette évolution est certainement due en grande partie à la politique monétaire ; dans les grandes économies riches, les taux d’intérêt n’ont pas augmenté depuis plusieurs années et les banques centrales sont fréquemment intervenues pour apaiser les marchés en achetant des actifs et en prêtant aux banques. Mais cela pourrait changer en 2015. La Réserve fédérale américaine (Fed) a déjà mis un terme à ses achats d’obligations et on va assister à des débats nourris sur le moment approprié pour un relèvement de ses taux. On ne sait pas si la Fed sera la première à durcir sa politique monétaire ou si elle sera précédée par la Banque d’Angleterre. Or, quand les marchés voient un taux augmenter, ils tendent à anticiper d’autres hausses.

Avis de tempête sur le marché des changes

Certes, la BCE et la Banque du Japon pourraient continuer à appuyer sur l’accélérateur monétaire pendant quelque temps encore. Mais cette divergence de politique risque d’engendrer de la volatilité sur un segment particulier : les marchés des changes. Une des opérations les plus populaires sur les marchés des changes est le “portage”, qui consiste à acheter la monnaie présentant le rendement le plus élevé, à vendre (ou à emprunter) une monnaie associée à un faible rendement, et à empocher la différence. A l’automne 2014, l’écart de rendement entre les obligations à 10 ans en Allemagne et les titres de même échéance aux Etats-Unis n’a jamais été aussi grand depuis l’introduction de l’euro. Les opérations de portage sont donc redevenues intéressantes.

Vers un recul des actions ?

Une autre source de volatilité potentielle est la Bourse. Les analystes baissiers prédisent depuis longtemps que le retrait du soutien des banques centrales entraînera un recul des actions, qui sont surévaluées, en particulier à Wall Street. Les analystes haussiers annoncent quant à eux une accélération de la croissance mondiale qui permettra la poursuite de la hausse des cours amorcée en 2009. Ils soulignent la solidité des bénéfices des sociétés, avant tout aux Etats-Unis, et prévoient qu’ils augmenteront encore en 2015.

La situation actuelle rappelle le milieu des années 1980 ou la fin des années 1990. L’enthousiasme des investisseurs pour les actions atteignait alors des sommets, provoquant une vague de fusions et l’entrée en Bourse de nouvelles sociétés. Dans de telles circonstances, la Bourse peut s’inscrire en forte hausse tandis qu’elle absorbe cet argent frais, puis s’effondrer encore plus rapidement quand les investisseurs avisés décident d’empocher leurs bénéfices. Si un effondrement survient, les banques centrales pourraient être confrontées à une décision délicate : doivent-elles venir en aide aux marchés et conforter l’impression qu’elles sont là pour soutenir la valeur des actifs ou bien laisser les marchés baisser et s’exposer à une propagation des risques au secteur financier, pour au final venir ébranler la confiance des consommateurs ?

Attention aux faibles rendements des obligations

Les marchés obligataires sont eux aussi une source potentielle de turbulences. Les rendements extrêmement faibles observés en Europe impliquent la persistance de conditions à la japonaise : une croissance ralentie et une inflation minime. Mais, si les conditions économiques justifiant de tels rendements durent, les électeurs seront encore plus mécontents qu’auparavant, ce qui pourrait remettre en cause la foi dans le projet européen. Les politiciens des partis classiques pourraient avoir du mal à ignorer ces attitudes.

Aux Etats-Unis, les rendements des obligations du Trésor à 10 ans, qui tournent autour de 2 %, sont en contradiction avec la vision optimiste sur les actions, selon laquelle l’économie s’achemine vers une croissance à des taux comparables à ceux des années 1990. Il y a forcément un de ces deux marchés qui se trompe. Cette tension sera peut-être le principal problème du monde financier en 2015.

PHILIP COGGAN, CHRONIQUEUR DE LA RUBRIQUE BUTTONWOOD À “THE ECONOMIST”

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