Les actions au porteur passent à la trappe

Les actions au porteur passent à la trappe © istock

Le 1er janvier a marqué le début de la dématérialisation par étapes des actions au porteur. Selon le bureau d’avocats Tuerlinckx, trop peu d’entreprises et d’actionnaires en sont conscients.

Vous pensez que vous avez encore dans votre coffre des titres papier de l’une ou l’autre entreprise ? Faux ! “Les actions au porteur sont d’ores et déjà inscrites au nom de l’entreprise, explique ainsi l’avocat fiscaliste Jan Tuerlinckx. Cette phase de transition était nécessaire pour permettre aux entreprises de vendre les actions au plus offrant en 2015 et de verser l’argent à la Caisse des dépôts et consignations.” Le détenteur des titres pourra demander la restitution du produit de cette vente aux enchères dans les prochaines années auprès de la Caisse des dépôts et consignations, moyennant paiement d’une amende qui augmentera au fil des ans. Toutefois, si vous agissez rapidement, vous pouvez encore exiger vos actions et les convertir en titres nominatifs ou en titres dématérialisés. Voici les questions et réponses les plus fréquentes sur ce sujet.

Jusqu’à quand pouvez-vous exiger vos actions au porteur ?

“Pour les entreprises cotées en Bourse, dans le pire des cas, l’investisseur dispose encore d’un mois à partir du 1er janvier 2015, explique Dave van Moppes, associé chez Tuerlinckx. Au cours de cette période, il doit se signaler à l’entreprise afin de faire inscrire son nom dans le registre des actionnaires, ou se rendre à sa banque pour dématérialiser les effets. Ces derniers se transforment alors en une ligne sur un compte-titres.” Si vous ne le faites pas, vos actions au porteur seront vendues en Bourse au plus offrant.

L’entreprise est tenue de publier, au moins un mois avant, une sorte d’avertissement dans le Moniteur belge. La vente aux enchères des actions au porteur doit avoir lieu dans les trois mois suivant ce last call.

Cette mesure s’applique- t-elle également aux actions au porteur d’entreprises non publiques ?

Oui, les entreprises doivent également organiser une vente forcée pour les actions au porteur. Certains bénéficieront encore de quelques mois de répit, mais mieux vaut ne pas traîner à se présenter auprès de la société pour faire inscrire son nom dans le registre des actionnaires.

Selon Jan Tuerlinckx, beaucoup d’entreprises et d’actionnaires ne sont pas encore conscients des conséquences de la dématérialisation des titres. “Je pense en premier lieu aux sociétés patrimoniales, où les familles gèrent un capital qu’elles se transmettent de génération en génération. Il y a encore beaucoup d’actionnaires qui ne se rendent pas compte de l’impact de cette mesure. Les entreprises familiales et les petites sociétés, elles aussi, continuent d’agir comme si les actions donnaient encore droit à une voix à l’assemblée générale des actionnaires ou à des dividendes.

Quelle amende payer en cas de retard, lorsqu’on est obligé d’aller frapper à la porte de la Caisse des dépôts et consignations ?

En 2016, vous paierez 10 % de la contre-valeur des actions. En 2017, ce taux passera à 20 %, puis à 30 % l’année suivante, et ainsi de suite. Ce qui signifie qu’en 2026, vos actions ne vaudront plus rien pour vous.

En tant qu’actionnaire, est-il possible de faire contester cette mesure ?

“Elle sera évidemment contestée, affirme l’avocat fiscaliste Jan Tuerlinckx. Dans les années à venir, les titulaires d’actions au porteur seront confrontés à cette expropriation et se tourneront vers leurs avocats.” D’après Jan Tuerlinckx, la sanction – une expropriation partielle ou complète – n’est pas en rapport avec la faute, et la loi enfreint le Traité européen des Droits de l’Homme.

“Outre une négligence administrative, aucune faute ne peut être reprochée à ces actionnaires, estime Jan Tuerlinckx. En vertu du droit européen, une amende administrative a pour unique vocation de corriger, non pas d’être douloureuse. Pour les sanctions appelées à faire mal, on a déjà les dispositions du code pénal. Cela signifie que le contrevenant bénéficie d’un droit à la défense. Il faut aussi qu’il y ait un juge. Lorsque ces mesures font par exemple s’évanouir 30 % d’un avoir, elles font mal. S’ajoute à cela que le droit de propriété est inscrit dans le Traité européen des Droits de l’Homme. Pour procéder à une expropriation, il faut des procédures plus lourdes que celle prévue dans cette législation.”

Selon Jan Tuerlinckx, le gouvernement belge actuel est conscient que certaines “amendes administratives” sont considérées par l’Europe comme des “amendes pénales”. Il renvoie à un passage peu connu de l’accord de gouvernement qui évoque une série d’adaptations nécessaires. Et affirme que les amendes relatives à la dématérialisation doivent être comprises dans cette liste. Mais, pour plus de sécurité, l’idéal reste de se dépêcher pour convertir rapidement les actions au porteur en d’autres formes de titres.

Que se passera-t-il pour les actions au porteur qui ne trouveront pas d’acheteurs ?

Les actions au porteur qui ne seront pas vendues avant le 30 novembre 2015 devront être déposées à la Caisse des dépôts et consignations. Après paiement des amendes, vous pourrez encore y faire valoir vos droits en tant qu’actionnaire. Dave van Moppes soupçonne que seule une petite partie des actions au porteur sera déposée à la Caisse des dépôts et consignations.

L’entreprise peut également elle-même enchérir de manière illimitée sur ses propres actions. La limite normale (20 %) sur l’achat de ses propres actions ne s’applique pas dans ce cas-ci. Dave van Moppes : “Les entreprises ont de nombreuses raisons d’acheter des actions. Le fait que certaines actions au porteur puissent encore être exigées peut par exemple effrayer des repreneurs potentiels.”

Quelle amende les entreprises devront-elles payer si elles ne déposent pas les actions invendues auprès de la Caisse des dépôts et consignations ?

“Le non-respect de cette obligation est sanctionné d’une amende de 200 à 100.000 euros”, avertit Jan Tuerlinckx. Les entreprises ont donc tout intérêt à organiser à temps la vente aux enchères des actions. Pour cela, plusieurs règles doivent être respectées, comme le prescrivent les statuts. Parfois, il existe par exemple des droits de préemption pour les actionnaires existants. En outre, il faut qu’un commissaire, un réviseur d’entreprise et un comptable soient impliqués dans le processus.

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