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Le symbole qui tue
C’est l’histoire du surréalisme belge. Et de la magie qui opère entre nos différents niveaux de pouvoir. Alors qu’au fédéral, la compétitivité des entreprises semble être un leitmotiv – avec des mesures jugées tantôt trop faibles, tantôt antisociales, certes, mais des mesures tout de même – au gouvernement wallon, on réinstaure la taxe sur le matériel et l’outillage. Ne vous frottez pas les yeux, vous n’êtes pas au 19e siècle : la taxe sur le matériel et l’outillage.
Non mais, allô quoi ! On a beau chercher, impossible de trouver une bonne raison à cette initiative : non seulement elle est totalement en porte-à-faux avec la politique de relance économique qui doit être menée à tous les niveaux (cela, personne n’en doute), mais en plus elle ne rapportera rien à la Région (90% du précompte étant levé en faveur des communes et des provinces par le biais des centimes additionnels), elle ne contribuera de toute façon pas au budget de cette législature, le matériel et l’outillage en question bénéficiant d’une exonération sur les cinq premières années d’utilisation, elle n’a aucun caractère social et pour couronner le tout, elle n’a tout simplement aucun sens économique – inciter un chef d’entreprise à réinvestir tous les cinq ans dans une installation industrielle qu’il amortira en 10, 15 ou même parfois 20 ans n’aura sans doute aucun impact en termes de productivité.
Face aux invectives — du patronat surtout, l’opposition étant restée étonnamment discrète sur la question — le gouvernement wallon s’est retranché derrière les pauvres bourgmestres, répondant à leur place “qu’il fallait agir” parce que “plus aucune commune ne veut accueillir de l’activité économique sur son territoire”. L’affirmation semble un peu péremptoire ; à part quand il s’agit d’un incinérateur, d’une prison ou d’un parc éolien, les bourgmestres sont le plus souvent tout sourire (souvenez-vous d’Elio Di Rupo se pavanant lors de l’inauguration du data center de Google à Saint-Ghislain…).
Alors qu’au fédéral, la compétitivité des entreprises semble être un leitmotiv au gouvernement wallon, on réinstaure la taxe sur le matériel et l’outillage. Ne vous frottez pas les yeux, vous n’êtes pas au 19e siècle: la taxe sur le matériel et l’outillage
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Quand on agit visiblement sans raison, il reste une seule hypothèse : le symbole. Ainsi, la taxation des plus-values spéculatives sur actions sera, si elle est mise en place, surtout un symbole – inutile de croire qu’elle permettra d’alléger substantiellement la fiscalité sur le travail. Mais ce sera un symbole fort : à l’heure où les inégalités se creusent, le rétablissement, même symbolique, d’une certaine justice sociale ne peut être que bienvenu. Ici, le symbole est plutôt catastrophique : même si cette taxe ne mettra probablement pas d’entreprise en faillite, elle décrédibilise le gouvernement wallon qui avait pourtant promis de faire de la réindustrialisation de la Wallonie son fer de lance. Elle décourage les patrons et met à mal leur confiance dans la capacité (et surtout la volonté) des pouvoirs publics de relancer la machine économique. Elle renforce le sentiment d’un pays à deux vitesses, où la cacophonie politique règne en maître. Cette taxe, c’est le symbole d’une Flandre qui avance et d’une Wallonie qui recule. Qui dit mieux ?
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