Private equity: comment se plonger dans le capital-investissement?

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“Private equity”, capital-risque, dette privée, infrastructures: les actifs privés ont la cote auprès des investisseurs. Pour un particulier, il n’est toutefois pas aisé d’y investir, à moins de se tourner vers la Bourse…

Pour un investisseur, le private equity ne manque pas d’atouts. Ces titres n’étant pas cotés, ils ne sont pas soumis à la volatilité des marchés qui a donné le tournis à plus d’un boursicoteur ces dernières années. A l’heure où les géants technologiques pèsent de plus en plus lourd sur les indices mondiaux, investir dans le private equity vous permet aussi de diversifier votre portefeuille tout en améliorant votre potentiel de rendement. Selon les données de Cambridge Associates au 31 mars 2022, les fonds de capital-investissement américains ont généré en moyenne un rendement annuel de 14,2% sur 25 ans, soit 5,1% de mieux que les actions américaines (indice Russell 2000).

Investir dans le “private equity” vous permet aussi de diversifier votre portefeuille tout en améliorant votre potentiel de rendement.

Marché diversifié

En tant que tel, le capital-investissement porte sur les actions d’entreprises non cotées, c’est-à-dire des titres représentant leur capital et directement exposés à leur réussite (ou son échec). Quand l’entreprise financée est une start-up, il est question de capital-risque ou venture capital. Le marché des actifs privés, parfois désigné sous le vocable private equity, englobe bien davantage de types d’investissements.

La dette privée correspond aux obligations non cotées, c’est-à-dire des crédits émis par des entreprises en dehors des marchés réglementés. Ce segment est en plein développement depuis de nombreuses années. Notamment parce que les firmes actives dans la dette privée se substituent aux banques, contraintes de se focaliser sur les crédits à faible risque en raison du durcissement des contraintes réglementaires.

Un autre segment important est le financement de projets immobiliers et d’infrastructures. Des firmes de financement privé ont notamment racheté en masse des pylônes de téléphonie mobile ces dernières années. Elles peuvent aussi intervenir dans le cadre de partenariats public-privé.

Fonds ELTIF

Le private equity et les actifs privés au sens large offrent donc de nombreuses opportunités. Mais ce type d’investissements est historiquement peu accessible aux particuliers en raison des seuils d’entrée assez élevés. Ces derniers s’expliquent par les quelques inconvénients des actifs privés dont le principal est l’illiquidité. Même via des fonds, vous devrez souvent vous engager pour cinq à dix ans sans porte de sortie.

Malgré tout, le marché des actifs privés tend à se démocratiser (un peu), notamment chez BNP Paribas Fortis. “Auparavant, les fonds de private equity étaient réservés aux clients disposant de plus de 5 millions d’euros. Aujourd’hui, nous proposons notre fonds ELTIF sur le private equity à nos clients en banque privée avec un investissement minimum de 125.000 euros”, explique Valéry Halloy, porte-parole de BNP Paribas Fortis.

Les fonds ELTIF (European long-term investment funds ou fonds européens d’investissement à long terme) ont été créés en 2015 afin de soutenir les investissements dans l’immobilier, les actions non cotées ou les projets d’infrastructure. Face au succès mitigé de la formule jusqu’à présent, l’Europe a décidé de revoir sa copie afin de l’ouvrir au plus grand nombre. Toutefois, vous devrez encore vous montrer patient: les textes finaux sont prévus pour 2023 et il faudra sans doute attendre quelques années afin de voir apparaître les premiers fonds ELTIF nouvelle mouture.

Les actifs privés cotés

A l’heure actuelle, si vous ne disposez pas d’un portefeuille vous permettant d’investir au moins 100.000 euros dans un fonds de private equity, vous pouvez notamment vous tourner vers le crowdfunding. Différentes plateformes vous permettent d’investir tant en actions de PME et start-up que dans la dette privée (voir encadré “Les plateformes de crowdfunding” ci-dessous).

Le nombre de projets dans lesquels vous pouvez investir via le crowdfunding est limité et le niveau de risque est accentué par la concentration géographique. L’autre alternative est d’investir dans le non-coté… en Bourse.

Comme dans toute industrie, certains acteurs importants du private equity se financent sur les marchés publics. Ce qui vous permet d’investir de façon diversifiée dans les actifs privés – sans toutefois échapper complètement aux aléas boursiers.

Les plateformes de crowdfunding

Différentes plateformes de financement participatif vous permettent d’investir dans des entreprises non cotées à la recherche de financements. Chacune a ses spécificités.

Spreds vous permet d’investir dans les actions de PME ou start-up en compagnie d’investisseurs professionnels (incubateurs, business angels, fonds, etc.). Comme le niveau de risque est important, Spreds évoquant un taux de faillite de 40% après trois ans, la plateforme vous permet d’investir dans un portefeuille automatisé pour diversifier progressivement vos positions. Votre rendement sera déterminé par le prix de revente des actions, traditionnellement cinq à huit ans après le financement. Vous pouvez de plus bénéficier du tax-shelter, une réduction d’impôts allant jusqu’à 45% du montant investi.

BeeBonds est une plateforme de crowdlending, c’est-à-dire de prêts. Vous pouvez ainsi financer des PME ou des projets immobiliers et recevoir des intérêts compris entre 6% à 9% en moyenne. Ce taux élevé s’explique par la caractéristique des prêts que l’on appelle dette junior. En cas de faillite, les créanciers juniors sont remboursés après les autres prêteurs (comme les banques), le risque est donc plus important.

Look & Fin, également actif dans le crowdlending, propose une gamme plus étendue de prêts dynamiques (plus risqués, taux de 7% à 10%), de prêts équilibrés avec une garantie publique – partielle – ou hypothécaire (taux de 4,5% à 7%) et de prêts sécurisés (taux de 2,5% à 4,5%).

Citons encore Ecco Nova pour les projets durables, dont certains bénéficient de l’avantage fiscal et de la garantie “prêt coup de pouce” en Wallonie, ainsi que LITA.co actifs tant dans le crowdlending que dans le venture capital.

Les géants du non-coté

La première option est de cibler les grands gestionnaires de fonds de private equity et d’autres investissements alternatifs (dette privée, infrastructures, etc.) comme Blackstone ou KKR.

Vous n’investissez alors pas dans un portefeuille de titres mais bien dans la société qui gère les fonds. Leur première source de profits n’est ainsi pas les résultats des investissements mais les commissions de gestion. Leurs perspectives dépendent donc avant tout de l’évolution des encours sous gestion et donc de l’appétit des investisseurs pour les actifs privés… qui est gargantuesque.

Selon la société de société de recherche et de consultance Preqin, les marchés privés représentaient des actifs sous gestion d’un peu plus 2.700 milliards dollars dans le monde en 2010. L’année dernière, le compteur affichait déjà 9.300 milliards de dollars. La croissance devrait à peine ralentir selon Preqin qui évoque un total de 18.300 milliards de dollars pour 2027.

Le segment le plus en vue sur la période 2022-2027 devrait être le venture capital (financement en actions de start-up), attendu en croissance de 19% par an pour atteindre un total de 4.170 milliards de dollars. Le private equity (financement de scale-up, entreprises plus matures) connaîtra un développement plus modeste en raison surtout d’un net ralentissement en 2022, conséquence de la hausse des taux d’intérêt et du recul des valorisations selon Preqin.

Les perspectives sont au beau fixe pour les infrastructures et la dette privée qui devraient connaître une croissance moyenne de respectivement 13,3% et 10,8% par an entre 2022 et 2027.

Blackstone et les autres

Le leader absolu du secteur est le géant américain Blackstone avec 941 milliards de dollars d’actifs sous gestion dont 320 milliards de dollars d’immobilier, 276 milliards de dollars de private equity (& venture capital), 265 milliards de dollars de dette privée (et assurances) et 83 milliards de dollars d’infrastructures. Au cours du premier semestre, l’entreprise a empoché près de 3 milliards de dollars de frais de gestion et 900 millions de dollars de commissions de performance.

Stratégiquement, le groupe américain développe son segment Perpetual capital (qui représente désormais 38% de son portefeuille), c’est-à-dire des fonds qui n’ont pas d’échéance. Traditionnellement, les fonds de private equity sont dits closed-end (fermés). Les investisseurs souscrivent x euros à la création du fonds. Le gestionnaire investit progressivement les capitaux et à la date d’échéance, le fonds est liquidé. Un fonds ouvert ou perpétuel (open-end) n’a pas d’échéance. Les investisseurs peuvent souscrire au début et à chaque réouverture. Et ils peuvent revendre leurs parts à différentes périodes sans que le fonds soit liquidé.

Pour ses fonds perpétuels, Blackstone mise surtout sur l’immobilier et les infrastructures, mais le groupe a aussi reçu l’autorisation cet été de lancer un fonds ouvert sur le private equity au Luxembourg.

Le numéro deux du secteur, KKR, est également américain. L’ex-Kohlberg Kravis Roberts gérait 491 milliards de dollars mi-2022 avec une stratégie comparable à Blackstone. The Carlyle Group (376 milliards de dollars d’actifs sous gestion) et TPG (127 milliards de dollars) sont d’autres acteurs américains importants en Bourse.

En Europe, le numéro 1 du private equity est CVC Capital Partners, basé à Luxembourg et non coté. Parmi les gérants cotés, le numéro 1 est le groupe suédois EQT avec 77 milliards de dollars d’actifs sous gestion.

Le géant américain Blackstone est le leader absolu du secteur avec 941 milliards de dollars d'actifs sous gestion.
Le géant américain Blackstone est le leader absolu du secteur avec 941 milliards de dollars d’actifs sous gestion.© Getty Images

Sociétés d’investissement

Pour miser sur le private equity, vous pouvez aussi vous tourner vers des sociétés d’investissement comme Eurazeo (Euronext Paris) dont la spécificité est d’investir dans des actifs privés tant pour compte de tiers que pour son propre compte. Elle se situe donc à la croisée entre un fonds et une firme de gestion.

Fin juin, Eurazeo affichait près de 33 milliards d’actifs sous gestion dont plus des deux tiers dans le private equity et le reste dans d’autres investissements alternatifs comme la dette privée et les actifs réels (immobilier, infrastructures). La société développe son offre de fonds accessibles aux particuliers en France comme l’illustre le lancement récent du FCPR Eurazeo Principal Investments dont l’investissement minimum est limité à 5.000 euros. A noter que la société investit essentiellement en Europe, et surtout en France qui représente près de la moitié du portefeuille.

Si vous ne disposez pas d’un portefeuille vous permettant d’investir au moins 100.000 euros dans un fonds de “private equity”, vous pouvez notamment vous tourner vers le crowdfunding.

Sur la Bourse de Londres, nous pouvons retenir 3i Group. La société investit essentiellement dans le private equity en ciblant des entreprises des secteurs de la consommation, de la santé et des technologies. Son principal investissement, la chaîne de magasins néerlandaise Action, représente toutefois 58% de son portefeuille.

Pour une exposition plus large et diversifiée, vous pouvez opter pour le fonds indiciel iShares Listed Private Equity. Ce dernier, côté sur Euronext Amstedam, rassemble de nombreux grands noms mondiaux du private equity comme Blackstone, Eurazeo, 3i ou Eurazeo.

Holdings belges

Sur Euronext Bruxelles, différents holdings vous permettent de miser sur le private equity et les actifs privés en général. La plus connue est Sofina. Le holding de la famille Boël a fait les beaux jours des investisseurs pendant une dizaine d’années en cédant ses participations historiques (Danone, Colruyt, etc.) pour miser sur le non-coté avec des participations dans Nuxe (cosmétiques), la maison champenoise Chapoutier ou Cambridge Associates. Ce qui a le plus contribué à la popularité de Sofina, ce sont ses investissements dans les start-up technologiques comme Veepee (ventes privées), The Hut Group (e-commerce, entrée en Bourse de Londres en 2020 ou la société indienne de technologie éducative Byju’s. Cette dernière n’était autre que la première participation en importance du portefeuille de Sofina. La récente rechute des actions de croissance, combinée aux problèmes comptables de Byju’s, a lourdement refait chuter Sofina en Bourse.

GBL a investi près de 30% de son portefeuille dans le private equity, avec des participations dans le spécialiste français de l’externalisation de la relation clients, dans Canyon (vélos haut de gamme) et Voodoo (jeux mobiles) ainsi que via le gestionnaire de fonds d’actifs privés Sienna Investment Managers. Depuis 2020, cette dernière développe aussi des services de gestion d’actifs privés pour compte de tiers.

D’Ieteren, l’autre holding du Bel20, est aussi actif dans le non côté, son portefeuille étant constitué de Belron (Carglass, etc.), ses activités propres de distribution automobile, le spécialiste des carnets de note haut de gamme Moleskine, TVH Group (distributeur de pièces détachées pour les équipements de construction, industriels et agricoles) et Parts Holding Europe (spécialiste indépendant de pièces de rechange).

Brederode est investi pratiquement équitablement entre actions cotées (Samsung, Mastercard, Unilever, Sofina…) et des fonds de capital-investissement. La GIMV est pour sa part active dans le private equity direct suivant quatre axes: consommateur connecté, soins de santé, industrie intelligente et villes durables. Le holding investit essentiellement en Europe et surtout dans le Benelux (46% du portefeuille fin 2021).

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