Trends Tendances

L’austérité, la mauvaise idée de 2012

C’est quasiment devenu une tradition médiatique, début janvier : tenter de prédire à quoi ressemblera l’année tout juste entamée. Exercice difficile, si pas impossible.

En tout cas délicat. Pour éviter de se ramasser, deux solutions sont possibles : 1. Reprendre les prédictions de quelqu’un d’autre, crédible de préférence. 2. Opter pour le mode rétrospectif, beaucoup moins risqué. Avec Le monde en 2013, notre édition spéciale du 27 décembre dernier, publiée sous licence exclusive de The Economist, nous avions déjà eu recours à la première. La deuxième semble presque trop facile. Donc, cette fois-ci : va pour l’entre-deux.

La source, ici, n’est rien de moins que le FMI, ou plutôt deux de ses éminents membres, Olivier Blanchard et Daniel Leigh. La précision est importante, comme l’indique la première page de leur rapport fraîchement publié : “Le point de vue exprimé dans cet article est celui de ses auteurs et ne représente pas nécessairement celui du FMI”. Logique, puisque le point de vue en question remet celui de la fameuse institution en cause, ou à tout le moins explique pourquoi il a évolué dernièrement.

Le rapport concerne les prévisions de croissance économique, plus spécifiquement en temps de crise. Il tend à montrer que la corrélation (positive) entre austérité et croissance, telle que prévue par de nombreux économistes – y compris ceux du FMI à une époque, même si de façon un peu moins enthousiaste que d’autres – ne s’est en réalité pas vérifiée, en particulier au début de la crise. En d’autres termes : les erreurs observées dans les prévisions de croissance sont d’autant plus importantes que les restrictions fiscales et budgétaires furent sévères. Pire encore : alors que certains s’attendaient à ce qu’1 euro de coupe budgétaire “coûte” environ 50 centimes en croissance perdue, l’impact réel a plutôt été de l’ordre d’1,50 euro. Une perte sèche, donc. Qui bat l’austérité en brèche.

L’analyse de ce rapport faite par l’éditorialiste américain Paul Krugman est pleine de bon sens : une économie n’est pas comparable à un ménage. Une famille peut décider de moins dépenser et tenter de gagner plus ; une économie dans son ensemble, non. Car dans un système fermé, les dépenses de l’un sont le revenu de l’autre. Et si tout le monde se met à dépenser moins, les revenus baissent, le chômage enfle, bref, c’est la récession.

L’austérité est-elle pour autant indésirable ? Non, précisent dans leurs conclusions Olivier Blanchard et Daniel Leigh. Quasiment toutes les économies matures doivent à un moment donné ajuster leurs politiques fiscales et budgétaires pour gérer les problèmes liés à la dette ou aux changements démographiques. L’étude montre simplement que les multiplicateurs utilisés en temps normal ne valent plus lorsque survient une crise. Et que l’austérité mise en oeuvre trop tôt peut être carrément un frein à la relance.

La bonne nouvelle, c’est qu’en tirant ainsi les leçons d’erreurs passées, on pourra vraisemblablement mieux prédire l’avenir ; que l’intelligence individuelle paye encore et peut inciter le collectif, l’institutionnel même, à se remettre en question. Que si 2012 fut l’année de l’austérité, 2013 sera celle, si pas de la jovialité, au moins de la perspicacité. Alors osons, sincèrement et joyeusement, scander le sempiternel “Bonne année !”.

CAMILLE VAN VYVE, Rédactrice en chef adjointe

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content