Quatre questions sur la décision de laisser flotter le franc suisse

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Jeudi, la Banque nationale suisse (BNS) a décidé de laisser flotter le franc suisse. Une surprise de taille pour les marchés.

Afin d’éviter que la devise suisse ne s’apprécie trop, la Banque nationale suisse (BNS) avait, voici trois ans, fixé un seuil au-delà duquel elle intervenait : 1,20 franc pour un euro. Autrement dit, si le franc voulait s’apprécier davantage et tendait à s’échanger à 1,19 franc contre 1 euro, la BNS vendait du franc sur le marché et rachetait de l’euro : elle soutenait ainsi l’euro et affaiblissait le franc.

Mais ce jeudi, la BNS a décidé d’abandonner cette politique. Elle laisse désormais flotter sa devise face à l’euro (tout en se réservant le droit d’effectuer ponctuellement des interventions). Toutefois, pour tenter d’éviter que le franc ne s’apprécie trop, elle a aussi abaissé ses taux : le taux à trois mois, qui était déjà négatif (-0,25%) a été réduit à -0,75%. Cela n’a pas empêché le franc, une fois la décision connue jeudi matin, de flamber. Il a valu à un moment 0,86 euro, s’appréciant donc de 38%, avant de faiblir un peu et de terminer la journée de jeudi à 1,03 euro.

Pourquoi la BNS voulait empêcher le franc de s’apprécier ?

Tout simplement parce que quand une devise est trop forte, cela met en péril les exportations du pays : les clients étrangers trouvent en effet que les produits d’un pays dont la devise est très forte sont trop chers. Or, la Suisse possède beaucoup d’entreprises exportatrices et pas seulement dans l’horlogerie. C’est pourquoi, en septembre 2011, elle avait décidé de fixer une limite face à l’euro, la zone euro étant son principal partenaire commercial. L’euro ne pouvait pas valoir moins de 1,20 franc.

Pourquoi ce revirement ?

Parce que la BNS n’a plus les moyens de sa politique. Pour défendre la parité du franc à 1,20 contre 1 euro, elle a dû vendre du franc et acheter de l’euro et d’autres devises étrangères. Pour le seul mois de décembre, elle a dû acheter pour l’équivalent de 35 milliards de francs suisses de devises étrangères. La BNS se trouve aujourd’hui avec une énorme réserve de change (de l’euro, des dollars, etc…) de 500 milliards de francs. De plus, l’assouplissement monétaire que la Banque centrale européenne s’apprête à annoncer le 22 janvier ne devrait pas améliorer la situation, car cet assouplissement monétaire européen affaiblira encore un peu plus l’euro face aux autres devises, ce qui aurait contraint la BNS à intervenir à nouveau massivement. La BNS a donc jeté l’éponge.

Quelle sont les conséquences ?

Pour beaucoup, en Suisse mais aussi ailleurs, cette décision est brutale et très éloignée de la tradition suisse de vouloir préserver la stabilité. Certains ont parlé de tsunami monétaire. Les exportateurs suisses sont furieux. Si l’euro et le franc s’échangent désormais à un pour un, les conséquences économiques sont très dommageables : on parle d’une baisse du PIB suisse de 0,7%. A l’annonce de la nouvelle, la Bourse suisse a d’ailleurs plongé de 12% avant de terminer en baisse de plus de 6%.

A l’étranger aussi, c’est une mauvaise nouvelle pour certains, surtout dans des pays comme la Pologne ou la Hongrie où les ménages avaient contracté des prêts en francs suisses parce que les taux étaient beaucoup plus bas que les taux en zloty ou en forint. Désormais, ces ménages voient le montant de leur dette bondir de 20%… C’est en revanche une bonne nouvelle pour les entreprises étrangères concurrentes des Suisses, et pour les travailleurs frontaliers, qui touchent un salaire en franc suisse mais résident en dehors du pays. Ceux-là voient leur pouvoir d’achat bondir de 30% !

Comment va se comporter le franc une fois la surprise passée ?

” Le franc suisse va désormais évoluer davantage en fonction des fondamentaux de l’économie suisse, estiment les économistes de Natexis. Tant qu’elle dégagera un excédent courant de près de 10% du PIB, le franc aura une tendance haussière sauf si les investisseurs domestiques décident de recycler cet excédent courant via des sorties de capitaux, disent-ils.” Mais ce n’est pas encore le cas. Les Suisses, malgré les taux négatifs, continuent à faire des dépôts en francs suisses dans les banques suisses. Et les étrangers trouvent toujours que le franc suisse est une devise refuge. Le franc devrait donc rester fort pour longtemps.

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