Typhanie Afschrift

Vers une crise du logement à Bruxelles?

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Pour éviter une vraie crise du logement, il faudrait peut-être que les pouvoirs publics anticipent en cessant de multiplier les mesures nuisibles pour les propriétaires.

Une association d’intermédiaires immobiliers a récemment fait part de sa crainte d’une crise du logement imminente à Bruxelles. Elle se fondait à cet effet sur une constatation indiscutable: l’augmentation significative des loyers des logements moyens, signe d’une tension sur le marché.

Il y a crise du logement lorsqu’il existe une inadéquation importante entre l’offre et la demande. En clair: lorsqu’il n’existe pas assez de logements à louer ou à vendre pour satisfaire le nombre de demandes. On ne peut sans doute pas déjà affirmer qu’une telle crise sévit en Belgique, comme c’est peut-être le cas, pour les mêmes raisons, dans certaines régions françaises.

La Région bruxelloise connaît depuis un bon nombre d’années une augmentation importante de sa population. L’exode des habitants des communes les plus aisées est plus que largement compensé par l’augmentation de la demande dans les parties de la Région plus défavorisées. Or, les nouvelles constructions ou rénovations ne suffisent pas à combler cette demande et ce ne sont pas les efforts peu convaincants des pouvoirs publics qui vont y changer quelque chose. Ceux-ci, au contraire, prennent de plus en plus de mesures qui compliquent sérieusement la vie des propriétaires et réduisent le rendement de leurs investissements.

L’interdiction d’indexer les loyers réduit la rentabilité pour le propriétaire, qui n’aura pas envie d’investir.

Une mise en location exige de plus en plus de formalités qui s’imposent aux parties même lorsque le locataire ne le demande pas. L’interdiction d’indexer les loyers en cas de mauvaises performances énergétiques tranquillise peut-être quelques locataires mais, sur le moyen terme, cela réduit la rentabilité pour le propriétaire, qui n’aura pas envie d’investir.

A côté des mesures existantes, il en est d’autres que les propriétaires redoutent pour l’avenir. On a fait tellement de tapage autour de la réforme fiscale qui, dans sa première version, comportait une augmentation des taxes sur les loyers et une perspective d’imposition des plus-values, que les futurs propriétaires ont été sérieusement échaudés. Ils attendent un rendement net d’impôts, que toute taxation supplémentaire compromettra.

Ils savent aussi qu’on exigera d’eux des travaux souvent très coûteux, pour des motifs d’ordre écologique. S’il n’est pas possible d’augmenter les loyers, l’investissement immobilier deviendra peu avantageux et on lui en préfèrera d’autres. D’autant plus que les taux d’intérêt augmentent, ce qui a un double effet. D’abord, le propriétaire qui doit emprunter voit son revenu net diminuer et l’investissement immobilier se trouve en concurrence avec d’autres types de placements qui redeviennent plus avantageux et causent moins de tracas.

A tout cela s’ajoutent (en tout cas à Bruxelles) des mesures de plus en plus protectrices des locataires, qu’il est de plus en plus difficile et coûteux d’expulser s’ils ne paient pas leur loyer. Et que dire du comportement irresponsable de certaines communes? Celles-ci bénéficient déjà de rentrées plus importantes en raison de l’indexation des revenus cadastraux. Or, plusieurs communes bruxelloises ont aussi augmenté le taux des additionnels sur ce précompte immobilier. Une hausse simultanée de la base et du taux de l’impôt qui engendre dans certains cas des augmentations du précompte de 20 à 25%.

Si l’on veut un jour éviter une vraie crise du logement, avec de nombreuses personnes privées d’un toit, il faudrait peut-être que les pouvoirs publics anticipent en cessant de multiplier les mesures nuisibles pour les propriétaires.

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content