Olivier Mouton
Ukraine, Gaza, climat: la rationalité, c’est par où ?
C’est bien de coopération et de concorde dont nous avons besoin pour sauver la planète, préserver sa biodiversité et garantir nos fins de mois.
“Il s’agit peut-être de la période la plus dangereuse que le monde ait connue depuis des décennies.” Ce n’est pas un analyste d’une chaîne d’information en continu qui s’exprime de la sorte, mais bien Jamie Dimon, CEO de JP Morgan, dans un communiqué accompagnant la présentation des résultats de la banque. L’Américain épingle les conflits en Ukraine et en Israël qui “pourraient avoir des répercussions considérables sur les marchés de l’énergie et de l’alimentation, le commerce mondial et les relations géopolitiques”.
L’attaque barbare du Hamas contre Israël, le 7 octobre, et la réaction militaire d’Israël ont approfondi le tumulte du monde et prolongé une ère de confrontations. Plus encore que la guerre en Ukraine, le conflit au Proche-Orient polarise, exportant les haines dans le plus profond de nos sociétés. L’irrationalité et l’émotion sont trop souvent le véhicule de ces positions qui s’opposent. Les violences sont certes indicibles et les racines du problème profondes. Mais en géopolitique comme en économie, l’irrationalité est la moins bonne des conseillères. Elle est la source de réactions épidermiques ou d’un immobilisme coupable. Elle tétanise.
“Devra-t-on passer par un chaos généralisé avant de réagir?” Adel El Gammal (ULB), spécialiste de la géopolitique de l’énergie et secrétaire général de l’European Energy Research Alliance, s’inquiète de l’impact de ces crises sur l’action impérieuse à mener face au défi climatique. “C’est à pleurer, nous disait-il sur le site de Trends-Tendances. Les efforts de coopération indispensables à l’échelle planétaire sont balayés. Le monde est complètement divisé.”
Comprendre les raisons du désastre
La prochaine Conférence sur les changements climatiques (Cop28) se déroulera du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï dans un climat délétère… car les tensions sont vives aussi sur le coût de la transformation des économies. “J’irai, mais pour comprendre les raisons du désastre”, dit l’expert.
Pourtant, c’est bien de coopération et de concorde dont nous avons besoin pour sauver la planète, préserver sa biodiversité et garantir nos fins de mois. Un embrasement généralisé, qui n’est plus à exclure, serait la pire des choses, tant pour les dégâts humains que pour la viabilité des économies ou le destin de nos petits-enfants. D’urgence, il convient de retrouver le chemin d’une rationalité malmenée par les algorithmes des réseaux sociaux et les soifs de pouvoir d’une minorité. Pourquoi ne se lève-t-on pas davantage pour rejeter la logique aveugle des va-t-en guerre?
“Il n’y a pas de solution militaire, soulignait le général français Michel Yakovleff sur LCI, en commentant la volonté affichée du gouvernement israélien d’éradiquer le Hamas. Il n’y aura qu’une solution politique.” Sa considération stratégique reposait sur le caractère ultra-délicat d’une attaque massive dans un milieu densément urbanisé comme Gaza. Mais elle est aussi la logique même: tant la complexité des enjeux et la cohabitation contrainte de vivre en voisins imposent de s’entendre.
Toute la difficulté consiste à trouver des interlocuteurs avec lesquels il est possible de dialoguer. Tant le président russe, Vladimir Poutine, que le Hamas se sont discrédités avec leur brutalité d’un autre temps. S’il est légitime de les combattre, on ne peut oublier en même temps de tendre la main à ceux qui pourront construire la paix. En fédérant et en écoutant ceux qui sont de bonne volonté, sans forcément penser comme nous. La coopération nécessite, aussi, de se remettre en question. En géopolitique comme en économie, l’heure est à l’audace et à l’innovation pour dégager l’horizon.
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