Eddy Caekelberghs

Quelles stratégies sur le plus grand échiquier du monde?

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Le nouveau bipolarisme mondial a de quoi inquiéter et sans doute bouleverser les équilibres traditionnels et les zones d’influence réciproques.

Ils sont plusieurs sur le vaste échiquier. Chacun dénombre ses alliés et tente d’effrayer l’autre, ou à tout le moins lui faire voir la force de son camp. Ainsi l’Otan. Inutile de le nier, nous avons clairement ceinturé le territoire russe, fût-ce parce que nous entendions les demandes des anciens satellites soviétiques aspirant au bouclier adverse. Aujourd’hui la Finlande et la Suède, demain l’Ukraine.

Et puis, il y a l’Aukus, ce pacte scellé en 2021 entre Etats-Unis, Australie et Royaume-Uni. Et comme le soulignait le chroniqueur Pierre Haski sur France Inter: “Aukus n’a évidemment aucune autre raison d’être que d’organiser le soutien militaire en cas de conflit ouvert avec la Chine, à Taiwan, ou en mer de Chine méridionale. Théoriquement dissuasive, cette approche risque aussi d’être autoréalisatrice, c’est-à-dire d’entraîner toute la région dans une course aux armements déjà bien engagée de part et d’autre et de placer prioritairement la rivalité sur le terrain militaire. L’Indo-Pacifique est le lieu principal de l’innovation et de la production économique dans le monde, mais cette concurrence se déroule à l’ombre d’une rivalité stratégique exacerbée”.

Fort de son inédit troisième mandat présidentiel, Xi Jinping semble bel et bien larguer les amarres.

La marine australienne sera dotée de sous-marins à propulsion nucléaire. L’annonce en a été faite par Washington, Londres et Canberra il y a une semaine. Une annonce qui a suscité l’indignation de Pékin qui y voit une atteinte au traité de non-prolifération des armes nucléaires. Le quotidien espagnol El Periódico de Catalunya perçoit aussi dans l’Aukus le spectre du défi lancé à Pékin: “Le mécontentement du gouvernement chinois était prévisible: il accuse le nouveau pacte d’être responsable d’une militarisation de l’espace Pacifique, de violer le traité de non-prolifération des armes nucléaires et d’accroître le risque d’escalade. On a aussi le sentiment qu’il s’agit d’une menace majeure pour la mondialisation économique. Non seulement parce que les échanges commerciaux nécessitent un climat de confiance, mais aussi parce que se profile ici un néoprotectionnisme qui laisse présager une mondialisation scindée en deux: celle des alliés occidentaux et celle articulée autour de l’axe Chine-Russie, avec un fort potentiel d’expansion dans le Sud global”.

Ce nouveau bipolarisme mondial a de quoi en effet inquiéter et sans doute de quoi bouleverser les équilibres traditionnels et les zones d’influence réciproques. Ainsi, je commentais ici-même la semaine dernière la volonté de Pékin de se muer en nouveau gendarme du monde. Et force est de constater que sa volonté de supplanter les Etats-Unis est de plus en plus manifeste.

Fort de son inédit troisième mandat présidentiel, Xi Jinping semble bel et bien larguer les amarres. Outre des affrontements entre marine chinoise et marine philippine pour le contrôle d’îles et îlots en mer de Chine (et, au passage, des ressources de pêche), notons cette volonté de médiation chinoise sur deux fronts au moins.

Le premier, par la proposition de rapprocher – voire rabibocher – l’Iran et l’Arabie saoudite, les deux ennemis irréductibles. L’un est client et associé de la Chine, et pourvoyeur de drones à Moscou ; l’autre est traditionnelle alliée des USA mais avec un prince Mohamed Ben Salmane, accusé du meurtre d’Adnan Khashoggi, décidé de s’affranchir de la tutelle de Washington. L’autre front, l’ukrainien, qui voit le président chinois en personne prendre une initiative de négociations entre Kiev et Moscou. S’il réussit cela, il aura déclassé les USA, l’Otan et l’Aukus en un seul coup sur l’échiquier. Echec et mat?

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