Eddy Caekelberghs

L’empire (chinois) contre-attaque

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Xi Jinping parle plus violemment que jamais. Simple agitation pro domo ou signe d’hubris préoccupante?

Oui, je sais, vous me direz que j’ai une obsession chinoise! Mais, en même temps, comment ne pas ressentir cette urgence de resituer la Chine à sa juste place?

Certes, nous avons compris depuis le covid notre dépendance (notre trop grande dépendance! ) à certains composants chinois, essentiels en termes de production électronique ou sanitaire pour ne citer qu’eux. Certes, nous semblons enfin comprendre que la Chine de Xi abandonne progressivement ce soft power que l’on prêtait à l’empire du Milieu. Et l’affaire des ballons chinois survolant le Canada, l’Amérique du Sud et les Etats-Unis devrait nous en convaincre plus encore. Mais…

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Mais il y a toujours notre tendance à nous auto-convaincre que les acteurs du marché – intriqués qu’ils sont – ne se font pas et ne se feront jamais la guerre. Comme si les guerres du passé ou celle en Ukraine ne nous démontraient pas exactement les failles de ce tropisme!

Donc la Chine de Xi veut clairement supplanter les Etats-Unis et devenir à son tour le gendarme du monde. D’autant que Washington apparaît en position de faiblesse: après avoir tenté depuis Obama de se concentrer sur sa façade pacifique et sur la zone asiatique, la Maison-Blanche doit réintervenir en Ukraine et investir (massivement! ) dans la défense européenne et l’Otan. Et même si la guerre est une opportunité économique pour d’aucuns, elle ne se mène pas sur tous les fronts à la fois. Pékin compte bien en profiter.

Il faudra bien s’habituer à scruter souvent Pékin si l’on veut comprendre à quelle sauce nous allons être mangés!

Et Xi Jinping parle plus violemment que jamais: “les Etats-Unis tentent d’isoler la Chine”, selon ses propos rapportés par l’agence d’Etat Xinhua, en marge de l’Assemblée populaire nationale à Pékin. S’il avait déjà critiqué l’Occident, il ne l’avait encore jamais fait de manière aussi ouverte et univoque. Et même si – ou précisément puisque – la bulle immobilière et la faillite de la stratégie zéro covid ont fragilisé l’économie chinoise, le maître de Pékin (qui vassalise au passage celui du Kremlin) hausse le ton et désigne “l’ennemi de l’extérieur”, seul responsable du “mal chinois”: les Américains!

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, a estimé la semaine dernière que “si les Etats-Unis continuent de s’engager sur la mauvaise voie et ne freinent pas, aucun garde-fou ne pourra empêcher le déraillement” des relations entre Pékin et Washington. Si cela se produit, “il y aura inévitablement un conflit et une confrontation”, a-t-il ajouté. La menace n’est plus voilée.

Les ambitions technologiques chinoises font l’objet de restrictions croissantes de la part de Washington et ses alliés, ce qui pousse les entreprises chinoises à redoubler d’efforts pour se passer d’importations cruciales. “Les facteurs incertains et imprévisibles ont considérablement augmenté” pour la Chine, a déclaré Xi Jinping, selon un compte rendu de l’agence de presse Chine Nouvelle. “Des pays occidentaux, menés par les Etats-Unis, ont mis en œuvre une politique d’endiguement, d’encerclement et de répression contre la Chine, ce qui a entraîné des défis sans précédent pour le développement de notre pays”, a-t-il ajouté dans une inhabituelle critique directe de Washington.

A 69 ans, Xi obtient un inédit troisième mandat présidentiel après avoir forcé l’inclusion de sa “pensée” dans le credo communiste chinois. Alors? Simple rhétorique destinée à sa réélection ou positionnement stratégique majeur? Simple agitation pro domo ou signe d’hubris préoccupante? Les deux, mon général! Il faudra donc bien s’habituer à scruter souvent Pékin si l’on veut comprendre à quelle sauce nous allons être mangés!

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