Carte blanche

“Oubliez Delhaize, voici le plus grand défi du commerce de détail”

La semaine dernière, le secteur du commerce de détail a été bouleversé par l’annonce de Delhaize de se séparer de 128 supermarchés. Mais, ce qui aura un impact bien plus important sur le secteur et ses centaines de milliers d’employés, c’est la numérisation et l’automatisation de notre branche. À quoi ressemblera le travail de vendeur dans cinq ou dix ans ? Si des tâches opérationnelles simples sont automatisées, qu’adviendra-t-il du personnel des magasins, dont la majorité est peu qualifiée ?

Par Luc Ardies, Directeur Général de Buurtsuper.be chez UNIZO

Il y a beaucoup d’anxiété, de doutes et de frustration parmi les 9 000 employés de Delhaize. C’est bien compréhensible. En période d’incertitude, le risque est grand de tomber dans une culture du “nous contre eux”, où l’on n’écoute pas les arguments des uns et des autres. C’est une réaction humaine. Il y a donc de fortes chances que cet article d’opinion soit lu et interprété différemment selon les avis des uns et des autres.

La question est de savoir si le passage en franchise de 128 magasins Delhaize va révolutionner le paysage des supermarchés, ou si une autre transition aura un impact plus important. Ces dernières années, on a beaucoup parlé de l’impact de la numérisation sur les magasins physiques, mais très peu sur ce qu’elle entraînera pour les centaines de milliers d’employés de ces magasins. Et, cela va bien au-delà de savoir ce qu’il adviendra des caissières si l’on passe à un système de lecture automatique ou entièrement automatisé. Heureusement, nous avons lancé plusieurs projets de recherche en collaboration avec les organisations de travailleurs pour identifier ces questions.

Les supermarchés ne sont plus seulement en concurrence entre eux. La jeune génération commande en masse son repas par smartphone, qui lui est livré à domicile une heure plus tard. La question fondamentale, que tous les acteurs du secteur alimentaire doivent se poser, est la suivante: comment les consommateurs seront-ils incités à se rendre dans un magasin physique dans ce contexte ? Et surtout, quel sera l’impact sur le profil du vendeur ? Les tâches opérationnelles seront largement automatisées, mais le rôle du vendeur doit être revalorisé. Les partenaires sociaux doivent réfléchir ensemble à la manière de créer un cadre approprié pour relever ce type de défi, plutôt que de se faire la guerre.

La question fondamentale, que tous les acteurs du secteur alimentaire doivent se poser, est de savoir comment les consommateurs seront incités à se rendre dans un magasin physique dans ce contexte.

Le commerce de détail n’est pas un secteur à hauts salaires. Mais de nombreux jeunes qui y débutent ont tendance à avoir un parcours scolaire chaotique. Ils préfèrent se retrousser les manches plutôt que de rester enfermés à l’école toute la journée. Pourtant, les diplômes et l’expérience professionnelle sont moins importants pour nous que l’empathie et le désir et d’interagir avec d’autres personnes. Sur le plan social, cela offre de grandes opportunités aux nombreux jeunes qui ont subi beaucoup de coups durs pendant leur parcours scolaire sur le plan personnel. Alors que de nombreux secteurs et employeurs ne leur accordent même pas d’entretien, le secteur du commerce de détail leur donne la possibilité de se lancer et d’acquérir les premières expériences positives qui leur permettront de se développer sur le plan professionnel et personnel. Un travail où l’on peut s’épanouir et où l’on est entouré de collègues et de responsables qui apprécient ses points forts et acceptent ses limites.

En tant que partenaires sociaux, c’est un grand défi pour nous, dans un secteur en transition, de continuer à donner des opportunités à un groupe cible qui risque sinon d’être oublié.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content