Amid Faljaoui

Les panneaux photovoltaïques chinois envahissent l’Europe: c’est de notre faute et les gesticulations de la Commission européenne n’y changeront rien

L’Europe ne veut plus être une passoire pour les panneaux solaires fabriqués en Chine. Elle a donc décidé d’enquêter sur des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence sur le marché européen.

Dit comme cela, on se dit que c’est très viril comme décision, que l’Europe a enfin décidé de ne plus se laisser faire. Mais est-ce aussi simple qu’un titre d’un article ? Pas vraiment… Et je vous explique pourquoi.

D’abord, c’est vrai qu’aujourd’hui, les groupes chinois, directement ou indirectement via leurs filiales en Europe, inondent le marché européen de panneaux photovoltaïques à prix cassés et les quelques fabricants européens tirent la langue, car ils ne peuvent pas s’aligner sur les prix chinois. Donc, ils crient tous au loup en affirmant que ces prix ne sont pas honnêtes, qu’ils sont artificiellement très bas, car le gouvernement chinois les subventionne. C’est donc, c’est HARO sur la concurrence déloyale. Et c’est cette concurrence déloyale que doit démontrer la Commission européenne.

J’ai envie de dire « bonne chance ». Pourquoi ? Mais parce que la première raison pour laquelle ces panneaux solaires inondent l’Europe, c’est parce que la croissance chinoise tourne au ralenti. Comme les fabricants chinois ont surinvesti dans ce secteur ces dernières années, ils n’arrivent plus à écouler leurs panneaux solaires en Chine. Et donc ils bradent ceux-ci partout où ils peuvent, et donc aussi en Europe.

La Chine est d’ailleurs en surproduction que ce soit pour les panneaux solaires, les batteries électriques, les voitures électriques ou les éoliennes. Et c’est vrai que cette surproduction est le fait (au départ) d’aides massives de l’État chinois depuis plusieurs années. Mais soyons de bon compte, du point de vue des consommateurs, c’est une bonne chose, car en gros, la Chine exporte en quelque sorte sa déflation chez nous, et donc, les prix baissent fortement en Europe. En revanche, pour l’Europe qui a décidé de se réindustrialiser, c’est une mauvaise nouvelle, car nos producteurs ne font pas le poids face aux Chinois…

Mais que peut-on faire : interdire ou taxer ces panneaux solaires ? Pourquoi pas, mais c’est oublier que nous ne pouvons pas créer une industrie en claquant des doigts : il faut oser dire aux Européens que nous n’y arriverons pas avant très longtemps. Pourquoi ? Car nous avons un déficit d’ingénieurs sur notre continent, sans doute parce que l’industrie n’attire plus les jeunes. Ensuite, parce que nous avons pris du retard en matière de recherche et développement. Sans oublier que les usines chinoises sont bien plus robotisées que les nôtres et donc bien plus productives, et que la main-d’œuvre qualifiée chinoise reste plus compétitive et plus abondante que la nôtre. Les Chinois n’ont pas de problème de pénuries de métiers techniques comme c’est le cas chez nous. Finalement, les Chinois ont intégré la chaîne de valeur, c’est-à-dire qu’ils maîtrisent toute la chaîne, qui va du minerai de base, le silicium, jusqu’à la fabrication finale des panneaux solaires. Or, ce n’est pas notre cas.

Que peut-on faire ? Pas grand-chose, sauf à faire comme l’industrie textile, il y a quelques années, c’est-à-dire installer une braguette sur les jeans fabriqués en Chine pour leur donner le label bidon « made in Europe ». En réalité, au travers de cette enquête sur les panneaux solaires, l’Europe redécouvre que détruire une filière industrielle, c’est facile à faire, mais la faire revivre, c’est une autre histoire. Plutôt que de taxer les Chinois ou de subventionner nos propres producteurs, plusieurs économistes estiment que nous ferions mieux de faire jouer la concurrence entre Chinois, Vietnamiens et Indiens sur la production de panneaux solaires. Nous éviterons ainsi la dépendance à l’égard de la Chine, et nous pourrons nous focaliser sur d’autres technologies pour lesquelles nous avons un véritable avantage compétitif et sans mettre à mal le portefeuille des Européens.

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