Amid Faljaoui
L’eldorado des médicaments anti-obésité et la malédiction de Nokia
La Bourse semble impersonnelle mais elle a aussi des sautes d’humeur, exactement comme un être humain. Elle peut broyer du noir ou se révéler extrêmement enthousiaste, c’est selon. Son dernier coup de cœur porte sur les promesses des coupe-faim.
Vous savez: ces médicaments destinés au départ aux diabétiques et qui ont été en quelque sorte détournés par des patients pour uniquement perdre du poids.
TikTok regorge de vidéos qui expliquent comment utiliser ces médicaments coupe-faim. Et depuis lors, victimes de ce succès médiatique, les stocks ont plongé. Au point qu’en Belgique, le ministre de la Santé a souhaité intervenir pour que ces molécules soient réservées en priorité aux diabétiques. D’autant que personne ne connaît encore les effets à long terme de la prise de médicaments comme l’Ozempic pour maigrir. Des études sont en cours mais on ignore tout d’éventuelles conséquences nocives.
En revanche, les investisseurs boursiers ont bien écouté les paroles du patron de Walmart. Comme cet acteur de la distribution est le plus grand au monde, une sorte de Carrefour puissance 10, les propos de son CEO sont scrutés à la loupe. Or, celui-ci a donné une interview à l’agence d’informations financières Bloomberg dans laquelle il a expliqué combien ses clients achetaient désormais un peu moins de nourriture et surtout des produits moins caloriques. Prudent, il a avoué qu’il était prématuré d’en tirer des conclusions définitives, mais son interview a semblé faire office de sonnette d’alarme, de canari dans la mine. Alarme négative pour des firmes comme Coca-Cola, Pepsi, Nestlé, Unilever ou McDonald’s.
La raison ? Si ces médicaments coupe-faim devaient se démocratiser, ces géants de la malbouffe pourraient souffrir en Bourse et voir le cours de leurs actions dégringoler. Certes, sans doute pas à court terme: comme l’a noté une étude bancaire (RBC Capital Market), la clientèle principale d’un acteur comme McDonald’s, par exemple, n’a pas toujours les moyens de se payer ces médicaments. Mais c’est vrai qu’à moyen terme, le danger est palpable.
Mais attention : d’autres secteurs pourraient également être chamboulés positivement par l’arrivée massive de ces médicaments coupe-faim. Notamment les compagnies aériennes, qui pourraient faire des économies massives de carburant. A ce propos, les économistes de Jefferies Financial ont calculé que la compagnie United Airlines pourrait économiser jusqu’à 80 millions de dollars par an si le poids moyen des passagers diminuait de 4,5 kilos ! Quant à l’industrie du textile, qui souffre en ce moment, elle pourrait connaître une nouvelle jeunesse. Qui dit amaigrissement dit en effet aussi renouvellement de notre garde-robe. Aussi simple que ça ! Ne cherchez pas plus loin les raisons pour lesquelles ces coupe-faim font la fortune d’un laboratoire pharmaceutique comme Novo Nordisk. Fait notable : la valeur boursière de cette société est aujourd’hui plus importante que le PIB de son propre pays d’origine, le Danemark. C’est dingue et dangereux à la fois. Rappelez-vous: il fut un temps où la Finlande dépendait fortement d’une seule entreprise, Nokia. Et tout allait bien dans ce pays tant que Nokia était premier de sa classe. Mais un jour de 2007, patatras, l’iPhone a débarqué et la descente aux enfers a commencé pour Nokia et la… Finlande.
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