Pierre-Henri Thomas

Wallonie: et si on parlait moins?

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Saupoudrage. Dispersion. C’est là une des faiblesses majeures de la Région. La Wallonie doit rapidement “revenir aux fondamentaux” et se consacrer à quelques grands projets industriels qui transformeront son économie.

Words, words, words”, ironisait Hamlet. Plan Marshall, Get up Wallonia, Remind Wallonia, Walloon Mineral Valley, Digital Wallonia, Visit Wallonia, Logistics in Wallonia, Wallonia Institute of Technology… La profusion en Région wallonne de plateformes, projets et plans arborant des labels ronflants est impressionnante. Au point que récemment, une personnalité en prise directe avec l’industrie wallonne nous disait: “J’aimerais qu’il y ait davantage de moyens et moins de mots”.

On peut se réjouir de ces initiatives en tous genres. Les plans Marshall successifs, avec la création de pôles de compétitivité, ont été une très bonne chose pour la Région. Le plan de relance Get up Wallonia semble en revanche s’être enlisé, en raison à la fois de drames imprévus (inondations, covid, guerre en Ukraine) mais aussi parce que les projets étaient bien trop dispersés pour pouvoir dégager une véritable force de frappe.

Saupoudrage, dispersion. C’est là une des faiblesses majeures de la Région. Ainsi, on peut se réjouir, pour la politique de Charleroi, de voir un campus universitaire s’installer dans la ville. De même qu’on peut se réjouir pour Mons et Namur de les voir accueillir un master en médecine (aux côtés de Bruxelles, Woluwe et Liège).

Mais quel intérêt économique? Plutôt que multiplier les pôles universitaires, ne faudrait-il pas, au contraire, les rassembler afin de favoriser justement l’émergence d’une force de frappe qui fait tant défaut, comme le font certaines régions voisines, la Flandre ou le nord de la France?

La stratégie mise en œuvre dans le nord de la France est d’ailleurs intéressante à cet égard. Un article publié voici quelques jours dans L’Echo pointait les réussites industrielles indéniables de cette région frontalière qui avait elle aussi des charbonnages et de la sidérurgie, qui a été elle aussi aux prises avec des taux de chômage affolants, mais qui parvient à attirer des industriels, de Flandre mais aussi de Taiwan.

L’exemple français

Car les Hauts de France ont bâti depuis une dizaine d’années une politique énergétique décarbonée qui a réussi à conserver une industrie sidérurgique qui se verdit et à attirer plusieurs gigafactories de batteries. Ces succès reposent sur une stratégie de séduction, alliant une politique foncière intelligente, une simplification des formalités, une politique de formation tournée vers les entreprises et un soutien financier des pouvoirs publics quand c’est nécessaire.

Est-ce un hasard si, plutôt que de s’installer en Wallonie, les géants de la pomme de terre Agristo, Clarebout et Ecofrost, ont choisi le nord de la France? Est-ce un hasard si Futerro, spécialiste belge des plastiques biodégradables, est allé installer son usine un peu plus loin, en Normandie, promettant 250 emplois directs et 900 indirects?

On dira que des entreprises françaises ou flamandes s’installent aussi en Wallonie. C’est vrai. Cependant, dans un monde de plus en plus compétitif, la concurrence ne provient plus seulement des Etats-Unis ou de la Chine, mais de nos voisins immédiats qui réunissent toutes leurs forces pour revitaliser leur tissu industriel.

Pour rattraper son retard, et tenant compte de ses moyens limités, la Wallonie doit rapidement “revenir aux fondamentaux” et se consacrer à quelques grands projets industriels où elle peut exceller et qui transformeront son économie. Et pour cela, il faut une mobilisation de tous, derrière quelques projets à impact, impliquant étroitement partenaires sociaux, enseignement, partenaires financiers. Autrement dit, il faut aller au-delà des mots.

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